Les électrons bougent et se réorganisent à des vitesses folles. Pour les observer, rendez-vous chez les attosecondes, une fraction infinitésimale de la seconde.

Trois chercheurs ont reçu le prix Nobel de physique 2023 pour des travaux qui ont révolutionné la façon dont les scientifiques étudient l’électron, en illuminant des molécules avec des éclairs de lumière d’une durée d’une attoseconde. Mais combien de temps au juste dure une attoseconde ? En quoi ces impulsions infiniment courtes aident-elles les chercheurs à explorer la nature de la matière ?

J’ai découvert ce domaine de recherche lorsque j’étais étudiant en chimie physique. Le groupe de mon directeur de thèse avait un projet consacré à l’étude des réactions chimiques avec des impulsions attosecondes.

Pour comprendre pourquoi ces recherches autour de l’attoseconde méritent cette prestigieuse récompense scientifique, il faut comprendre ce qu’est une impulsion lumineuse attoseconde.

Combien de temps dure une attoseconde ?

« Atto » est le préfixe de notation scientifique qui représente 10-18, c’est-à-dire un point décimal suivi de 17 zéros et d’un 1. Un éclair de lumière d’une durée d’une attoseconde, soit 0,000000000000000001 d’une seconde, est donc une impulsion lumineuse extrêmement brève.

En fait, il y a approximativement autant d’attosecondes dans une seconde qu’il y a de secondes dans l’âge de l’univers.

attoseconde
Une attoseconde est incroyablement petite comparée à une seconde. // Source : Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

Auparavant, les scientifiques pouvaient étudier le mouvement de noyaux atomiques plus lourds et plus lents à l’aide d’impulsions lumineuses d’une femtoseconde, soit 10-15 secondes : mille attosecondes sont comprises dans une femtoseconde. Mais les chercheurs ne pouvaient pas voir les mouvements à l’échelle de l’électron avant de réussir à générer des impulsions lumineuses de l’ordre de l’attoseconde, car les électrons se déplacent trop rapidement pour que l’on puisse déterminer exactement ce qu’ils font à l’échelle de la femtoseconde.

Des impulsions au seuil de l’attoseconde

Le réarrangement des électrons dans les atomes et les molécules guide de nombreux processus en physique et sous-tend pratiquement tous les aspects de la chimie, ce qui explique pourquoi les chercheurs ont déployé tant d’efforts pour comprendre comment les électrons se déplacent et se réarrangent.

Les scientifiques utilisent la spectroscopie pour étudier ces processus physiques et chimiques, une méthode qui consiste à examiner comment la matière absorbe ou émet de la lumière. Mais comme les électrons se déplacent très rapidement, il faut être particulièrement rusé pour les étudier en détail, de façon « résolue » dans le temps. En gros, pour suivre les électrons en temps réel, il faut une impulsion lumineuse plus courte que le temps nécessaire aux électrons pour se réarranger.

La spectroscopie « pompe-sonde » est une technique courante en physique et en chimie et peut être réalisée avec des impulsions lumineuses d’une attoseconde.

Par analogie, imaginons un appareil photo qui ne pourrait prendre que des poses longues, d’une durée d’environ une seconde. Les choses en mouvement, comme une personne courant vers l’appareil photo ou un oiseau volant dans le ciel, apparaîtraient floues, et il serait difficile de voir exactement ce qui se passe.

Imaginez ensuite que vous utilisiez un appareil photo avec une exposition d’une milliseconde. Les mouvements qui étaient auparavant flous seraient alors joliment résolus en des clichés clairs et précis…

Voilà comment l’échelle de l’attoseconde, plutôt que celle de la femtoseconde, peut éclairer le comportement des électrons.

La science à l’échelle de l’attoseconde

Les impulsions attosecondes peuvent répondre à différents types de questions de recherche.

D’une part, la rupture d’une liaison chimique est un processus fondamental dans la nature, au cours duquel les électrons partagés entre deux atomes se répartissent pour former des atomes non liés. Les électrons précédemment partagés se réorganisent ultrarapidement au cours de ce processus, et les impulsions attosecondes ont permis aux chercheurs de suivre la rupture d’une liaison chimique en temps réel.

La capacité à générer des impulsions attosecondes – recherche pour laquelle trois chercheurs ont reçu le prix Nobel de physique 2023 – est devenue possible pour la première fois au début des années 2000, et le domaine a continué à se développer rapidement depuis lors. En fournissant des instantanés des atomes et des molécules à des échelles de temps très courts, la spectroscopie attoseconde a aidé les chercheurs à comprendre le comportement des électrons dans les molécules individuelles, comme la façon dont la charge électronique migre et la façon dont les liaisons chimiques entre les atomes se brisent.

À plus grande échelle, la technologie attoseconde a également été appliquée à l’étude du comportement des électrons dans l’eau liquide ainsi qu’au transfert d’électrons dans les semi-conducteurs à l’état solide. En améliorant encore nos capacités à produire des impulsions lumineuses de l’ordre de l’attoseconde, les chercheurs parviendront à mieux comprendre les particules qui composent la matière.

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Aaron W. Harrison, professeur assistant de chimie, Austin College

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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