Parce qu’il occupe une place stratégique dans la recherche sur le web, Google reçoit chaque jour des dizaines de milliers de requêtes lui demandant de déréférencer des liens pointant vers des pages contenant en principe des œuvres culturelles piratées. Logique : le moteur de recherche de la firme de Mountain View est de très loin le plus utilisé en Occident. C’est donc sur lui que se concentre l’essentiel de ces notifications, puisque c’est là où les recherches en ligne sont les plus nombreuses.
Le problème, connu depuis longtemps, réside dans la qualité de ces requêtes. Si une grande partie d’entre elles ne pose aucune difficulté parce qu’elles pointent sur des sites facilitant le téléchargement illicite de contenus protégés par le droit d’auteur, le reste est un agrégat de faux positifs. Et de toute évidence, des prestataires missionnés par les industries du divertissement peinent à distinguer la licéité de certains sites par rapport aux plateformes chéries par les pirates.
Des demandes de déréférencement pour IMDb
La dernière illustration en date de ce manque de discernement est donnée par nos confrères de Torrentfreak. Le célèbre site IMDb, qui est une base de données sur le cinéma et la télévision, est, année après année, toujours identifié comme un site pirate. Ou, plus exactement, comme un site dont certaines pages véhiculent des contenus piratés. Pourtant, IMDb ne propose rien de plus que le titre des œuvres, des bandes-annonces, quelques images promotionnelles, ainsi que des informations.
Ces signalements sont d’autant plus inappropriés que IMDb, en tant que propriété du géant du site de e-commerce Amazon, propose pour certaines œuvres listées dans ses pages des liens directs vers l’offre légale. Par exemple pour le film Fight Club, un encart est disponible pour acheminer l’internaute sur l’offre de SVOD d’Amazon, Prime Video, tandis que pour Zatoichi, le lien pointe directement vers la plateforme d’Amazon pour acheter le DVD ou le Blu-ray.
Fort heureusement, Google ne donne pas systématiquement suite à ces notifications. Les notifications reçues sont examinées et aucune action n’est prise s’il s’avère que les liens signalés sont licites. Un graphique fourni par l’entreprise américaine l’illustre : sur les 4 762 liens présents dans les 1 735 demandes individuelles, aucune action n’a été effectuée pour l’immense majorité d’entre elles (91,4 %) et le reste (8,5 %) s’est avéré être composé de doublons.
Allociné touché aussi, comme d’autres sites licites
Le problème auquel fait face IMDb se retrouve pour d’autres sites légitimes. C’est le cas par exemple d’Allociné, où là encore la majorité des demandes s’avère abusive : selon les statistiques d’activité de Google, 82 % des 138 liens ciblés par 113 demandes n’ont abouti à aucune action particulière. 6 liens (4,3 %) étaient des doublons. Seules 5 adresses (3,6 %) ont effectivement été retirées de l’index de Google — elles existent toujours sur Allociné, a priori : elles ne sont juste plus accessibles via Google.
Les interventions régulières des prestataires agissant au nom des ayants droit ne se cantonnent malheureusement pas au « web culturel ». Des signalements ont aussi été adressés à des sites institutionnels (Travail-Emploi, Jeunesse-Sports, Europe-en-France, LégiFrance) ainsi qu’à des médias comme Le Monde, Le Figaro, Libération, Slate ou même Numerama ! Dans notre cas, six demandes ont été déposées en 2012, 2014, 2015 et 2017 au nom de six titulaires.
Malheureusement, on peut craindre que 2019 sera dans la même veine que les années précédentes, avec des faux positifs qui se mêleront aux requêtes légitimes. Ce sera donc encore à Google de devoir trier le bon grain de l’ivraie.
Le fait que des signalements inappropriés aient lieu année après année ne laisse en effet pas beaucoup d’espoir pour une amélioration du processus. Ce serait pourtant une bonne résolution à prendre pour la nouvelle année, puisque les adresses dont il est question ne vont justement pas à l’encontre des intérêts de l’industrie culturelle. Au contraire, elles participent parfois à la promotion de ses contenus.
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