Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, spécialistes de la question du copyright.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur l’histoire cachée du nom de La Route du Rhum, l’opérateur américain AT&T qui se la joue Hadopi-style en déconnectant des familles entières et les ayants droit de Conan Doyle qui ne veulent toujours pas lâcher les droits sur Sherlock Holmes. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Élémentaire ! C’est bien connu, quand les descendants d’un auteur célèbre tiennent encore des droits sur une œuvre, ils ont un peu de mal à les lâcher. C’est précieusement ce qui est en train de se passer avec Sherlock Holmes. Un spécialiste du texte de Conan Doyle qui voulait éditer un livre sur le fameux détective a saisi un tribunal afin qu’il déclare que le personnage est bien dans le domaine public. Mais à cause des règles effroyablement compliquées de calcul de durée des droits aux USA, l’affaire est embrouillée. Il reste en effet une dizaine de nouvelles qui restent protégées par le copyright sur la soixantaine écrites par l’auteur. Or les descendants de Conan Doyle soutiennent que Sherlock Holmes et le Docteur Watson sont des « personnages complexes », ce qui justifieraient qu’ils restent protégés en eux-mêmes, jusqu’à ce que la toute dernière nouvelle entre dans le domaine public en 2022. On verra ce qu’en disent les juges, mais s’ils donnent raison à ces avides héritiers, il y aura de quoi frémir comme à la lecture du Chien des Baskerville !

Sherlock Holmes

Sherlock Holmes.

Source : 愛力獅

Another brick. La Chine a longtemps eu la réputation d’être une paradis de la contrefaçon, mais les choses sont en train de changer petit à petit. Une preuve ? Une cour de justice locale a reconnu que quatre fabricants de jouets avaient violé le copyright de la compagnie Lego sur le design de ses fameuses briques et petits personnages. C’est une grosse victoire pour Lego dont les pièces étaient allègrement copiées sur le marché chinois. Pourtant, la protection par le droit d’auteur de la forme des briques Lego est tout sauf évidente, étant donné qu’il faut normalement pourvoir se prévaloir d’une originalité pour cela. D’ailleurs, Lego a déjà connu de nombreuses déconvenues en justice face à des concurrents, ce qui a donné naissance à toute une série de « clones ». Du coup, la Chine s’est peut-être montré un peu plus royaliste que le roi dans cette affaire…

Des briques Lego. // Source : URL

Des briques Lego.

Access denied. En France, malgré l’existence de la loi Hadopi, personne ne s’est jamais vu couper son accès à Internet pour violation du droit d’auteur. Mais aux États-Unis, cette sanction assez sinistre est en train de devenir une réalité. Depuis 5 ans, les ayants droit et les fournisseurs d’accès du pays ont mis en place par voie d’accords entre eux une politique de riposte graduée en 6 étapes. Jusqu’à présent, les sanctions étaient assez mollement appliquées par des FAI soucieux de ne pas se mettre à dos leurs clients. Mais voilà que cette année, l’opérateur AT&T a racheté les studios Time Warner, ce qui lui donne des raisons de plus de sortir le bâton. Et les premières déconnexions sont finalement tombées, qui frappent des familles entières, là où certains membres s’adonnent au téléchargement. Ceux qui subissent cette sanction ont visiblement le plus grand mal à faire valoir leurs droits, mais ce n’est pas très surprenant puisque toute cette politique n’est qu’une forme de justice privée bricolée par un acteur juge et partie…

Trademark Madness

Hey yo ho ho ! Cette semaine a eu lieu le départ de la Route du Rhum, mythique course de voile en solitaire qui se produit tous les quatre ans depuis 1978. C’est l’occasion de revenir sur l’histoire du nom de cet événement, qui a fait l’objet d’une belle fourberie. En effet, l’idée est née en 1975 d’une discussion entre le patron du syndicat des producteurs de rhum et Florent de Kersauson, le frère du navigateur Olivier. Le premier cherchait un moyen de promouvoir le rhum, tandis que le second lui proposa d’organiser une course portant le nom de cette boisson. Pour l’organisation, il en parla au sponsor d’Olivier de Kersauson, qui s’empressa… d’aller déposer une marque. Au final, Olivier de Kersauson ne put jamais faire valoir ses droits sur la création de la Route du Rhum, malgré une plainte en justice. Les marques appartiennent en effet au premier qui les déposent. C’est un peu une course aussi, qui se joue parfois à la déloyale…

Girl Power. Quand vous pensez aux scouts, vous songez peut-être à des gens serviables, tournés vers la gentillesse et le fait de rendre service à son prochain. C’est en réalité un peu plus compliqué, surtout quand le droit des marques et les questions de genre s’en mêlent ! L’organisation des Boys Scouts a récemment décidé de changer son nom pour laisser tomber le « boys ». L’idée est de se montrer plus accueillant envers les filles, geste appuyé par le fait qu’elles pourront désormais atteindre le grade le plus élevé (Eagle Scout). Mais cette décision n’a pas plus aux Girls Scouts qui ont décidé de faire valoir le droit des marques. La version féminine explique qu’il y aurait à présent un risque de confusion et qu’elle craint que le mot « scout » soit monopolisé par sa rivale. Quelqu’un pourrait peut-être se dévouer pour expliquer aux deux parties qu’il serait peut-être temps de fusionner tout simplement les deux associations pour aller vers une vraie mixité ?

scoutisme scout

Monument dédié au scoutisme.

Source : Ted Eytan

Patent Madness

Troll en vue ! Depuis des années que nous réalisons cette chronique hebdomadaire, nous avons rapporté un nombre incalculable de fois les méfaits des trolls des brevets, ces compagnies américaines qui ne produisent rien, mais qui détiennent des brevets destinés à lancer des plaintes généralement fumeuses pour obtenir des réparations à l’amiable de la part d’autres entreprises. Cette semaine, c’est Apple qui se fait attaquer par Dynamic Data Technologies (on souligne l’effort sur le nom !) pour violation de 11 brevets relatifs à des algorithmes et des outils logiciels de traitement vidéo. Évidemment cette firme est implantée dans le Delaware, un État réputé pour avoir une législation qui favorise les trolls des brevets. Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas tellement qu’on épingle encore une de ces dérives, mais plutôt que les États-Unis n’arrivent toujours pas à y mettre fin…

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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