Dans les années 2000, les amateurs de comics Marvel pouvaient apprécier le travail d’Akira Yoshida, un auteur japonais qui a notamment travaillé sur X-Men et Elektra. Mais il s’agissait en réalité du nom de plume de C.B. Cebulski, un éditeur américain de la Maison des Idées, dont le secret a été éventé fin novembre, le jour de sa nomination au poste de rédacteur en chef.

Au début des années 2000, Marvel, à la recherche de « voix [asiatiques] authentiques » pour créer des comics capables de séduire le lectorat américain tout en s’éloignant des traditionnels clichés sur l’Asie, est convaincu d’avoir trouvé la perle rare chez la concurrence : Akira Yoshida, un artiste japonais remarqué notamment pour son travail sur Conan et Hellboy (Dark Horse).

Le géant de l’édition s’empresse de contacter l’auteur, qui accepte volontiers d’écrire pour la Maison des Idées. Entre 2004 et 2005, il travaille ainsi sur des séries renommées commeThor et X-Men, ou encore Wolverine et Elektra. Les ninjas font partie des figures récurrentes de l’auteur, et pas seulement en tant qu’adversaires des héros.

Mais malgré le succès de son travail, Akira Yoshida disparaît soudainement des radars. Les rumeurs qui circulaient déjà à l’époque sur « un auteur occidental recourant à un pseudonyme japonais pour rendre [ses comics] plus authentique » s’intensifient.

Il faudra attendre une dizaine d’années pour que le secret soit officiellement éventé : Akira Yoshida n’a jamais existé, il s’agissait simplement du pseudonyme adopté par C.B. Cebulski, un éditeur de Marvel qui a recouru à ce nom de plume pour pouvoir réaliser des comics au sein de la maison d’édition, ce qui lui est formellement interdit au vu de son poste.

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« Jeune et naïf »

Le 27 novembre 2017, quand Marvel annonce la nomination de C.B. Cebulski en tant que rédacteur en chef, David Brothers, un salarié d’Image Comics, décide de mettre fin à ce secret dans un tweet : « Chers amis du comics, on devrait demander à Marvel et à son nouveau rédacteur en chef C.B. Cebulski pourquoi il a décidé d’utiliser le nom de plume Akira Yoshida au début des années 2000 afin de leur écrire des [comics] ‘japonisants’. »

La réaction de C.B. Cebulski, qui se contente de déclarer qu’il était « jeune et naïf » à l’époque, que cette situation n’a duré qu’un an environ et qu’il s’agit « d’un vieux sujet clos », alimente la colère de nombreux artistes asiatiques, qui lancent le hashtag « #ActualAsianComicWriters » (« Véritables auteurs asiatiques de comics ») sur Twitter.

L’un d’eux, Joshua Luna — à l’origine de titres comme Ultra et Girls — explique ainsi au Huffington Post : « C’est choquant, décevant et décourageant. Le fait de recourir à un pseudonyme n’est pas forcément bizarre, mais utiliser un nom de plume asiatique quand vous ne l’êtes pas est aberrant, surtout quand tant d’Asiatiques se voient refuser l’accès à ce type d’opportunité en permanence. »

Un passé fictif détaillé en interview

D’autant que C.B. Cebulski ne s’est pas contenté d’utiliser ce pseudonyme — lui qui avait jusque-là toujours nié les rumeurs sur Akira Yoshida. L’éditeur bilingue en japonais a également inventé de toutes pièces un passé fictif à son double, qu’il ne manquait pas d’évoquer en interview.

En 2005, « Akira Yoshida » expliquait ainsi avoir passé une partie de son enfance aux États-Unis, où il aurait appris l’anglais grâce aux comics de super-héros, avant de trouver sa place dans le monde du manga au Japon.

Face à l’ampleur du scandale, C.B. Cebulski a enfin livré, deux semaines après les révélations, son mea culpa dans The Atlantic : « Je suis vraiment désolé de la souffrance, de la colère et de la déception causées par mon pseudonyme mal choisi. Cela n’a jamais été mon but. » Marvel, de son côté, a refusé de revenir sur l’affaire : l’entreprise préfère en rester aux sanctions internes prises contre son nouveau rédacteur en chef.

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