Début 2015, alors que les cinéphiles français découvrent le dernier Quentin Tarantino et qu’ils attendent fébrilement le Fury Road de George Miller, un petit blockbuster — 80 millions de dollars de budget — à l’accent british vient réchauffer le mois de février. Son nom ? Kingsman – Services Secrets, long métrage d’action-espionnage de Matthew Vaughn (X-Men : Le Commencement) adapté de la BD du même nom de Mark Millar (Kick Ass) et Dave Gibbons (Watchmen).
Malgré son casting 5 étoiles et les talentueux artistes attachés au projet, le film s’impose à l’époque comme une véritable surprise, en s’appuyant sur une mise en scène survitaminée très proche de la narration comic-book. Ce style narratif est mis au service d’une histoire simple mais terriblement efficace, portée par des personnages attachants et une écriture à la fois respectueuse des classiques tout en restant diablement irrévérencieuse. Avec un joli succès au box-office à la clé, ce James Bond des temps modernes campé par Taron Egerton ne pouvait que revenir pour une nouvelle aventure cinématographique.
Prévu pour le 11 octobre 2017 dans les salles françaises, Kingsman – Le Cercle d’or fait donc directement suite au premier opus, en présentant Eggsy dans son nouveau quotidien d’espion. Une routine qu’il n’aura pas vraiment le temps de rôder, puisque le quartier général ainsi que tous les agents anglais sont vite éliminés. Ce qui amène le jeune agent, accompagné de Merlin (Mark Strong) à découvrir l’existence de leurs cousins américains, les Statesmen : une collaboration s’impose pour en savoir plus à propos de la menace qui plane sur le monde.
Au service de sa majesté
Là où le premier Kingsman s’ouvrait sur une longue séquence introductive, afin de présenter convenablement le concept et les origines du personnage d’Eggsy, sa suite démarre directement sur l’écran titre et enchaîne sur une scène de course-poursuite en plein cœur de Londres. L’esprit reste cependant le même, avec un Let’s Go Crazy de Prince qui lance le long-métrage sur un rythme pop, en clin d’œil à Money for Nothing des Dire Straits, qui donnait le ton rock du premier opus. De quoi être rassuré d’emblée : Matthew Vaughn n’a rien perdu de son énergie derrière la caméra.
Toutes les scènes d’action sont découpées à la perfection, la caméra enchaîne les mouvements les plus fous et le montage toujours aussi punchy rappelle bien que nous sommes devant le prolongement naturel de Services Secrets. Une impression confirmée à chaque scène d’action, qui semble tout droit sortie d’un comic-book tant le metteur en scène s’échine à rendre chaque mouvement fluide et lisible, même si cela va à l’encontre de la physique. Un soin particulier qui ne se limite pas à la seule dimension visuelle.
Scénarisé par le duo Matthew Vaughn et Jane Goldman, qui travaille ensemble depuis Kick Ass, le film prend un soin tout particulier à prolonger les arcs narratifs de ces personnages ainsi que certaines thématiques de l’univers. S’affranchissant des règles classiques de l’adaptation — puisqu’il ne repose pas sur un comic-book de Mark Millar mais propose un vrai prolongement du premier film –, Le Cercle d’or s’avère réjouissant grâce à sa galerie de personnages attachants. De jolies qualités et une envie débordante, qui vont parfois révéler quelques vilains défauts.
Bons baisers d’Amérique
Ce nouveau Kingsman essaye de mélanger deux éléments en apparence assez contradictoires et dont l’alchimie reste très délicate : la nouveauté et la répétition. Finalement, il ne cesse de slalomer entre les deux, sans jamais vraiment choisir son camp.
D’un côté, il offre une extension de son univers de techno-espionnage avec les Statesmen, cousins américains des agents anglais, qui permettent d’introduire de nouveaux personnages tout en glissant quelques petites tacles bien efficaces, jouant autant sur l’image de l’Amérique (et de son président actuel) à travers le monde que sur le conflit culturel qui existe depuis toujours entre le pays de l’Oncle Sam et celui de la Reine Elizabeth.
Mais dans le même temps, Le Cercle d’or est construit comme un miroir du premier opus, soit pour jouer sur un certain décalage (comique, la plupart du temps), soit pour souligner l’évolution de certains personnages. L’effet de redite est donc parfois présent, notamment sur la nature de la menace que les agents doivent affronter, qui touche d’autres thématiques sociétales et politiques mais qui reste de même échelle que celle du premier.
Le personnage de Poppy (Julianne Moore), grande méchante froide et inquiétante, souhaite d’ailleurs la même image de marque que le génie de la tech Valentine (Samuel L. Jackson), et son plan va permettre d’aborder de surprenants sujets, comme le point de vue de la société sur l’usage de la drogue ou encore le rapport de force entre gouvernants et gouvernés.
On ne vit que deux fois
Au delà de l’action et du propos, ce nouveau Kingsman repose en grande partie sur son impressionnant casting. L’interprétation de Taron Egerton est toujours aussi charismatique et subtile, à l’instar de celle de son collègue Mark Strong. La jeune Hanna Alström, aperçue à la fin du premier opus, se révèle touchante. Quant à Colin Firth, son retour attendu arrive à surprendre par son jeu d’acteur, beaucoup moins par son écriture.
Des acteurs rodés à l’exercice, qui ont été rejoint pour ce Cercle d’Or par une fine brochette de stars, parmi lesquels Jeff Bridges, toujours aussi solide, Halle Berry, dans un rôle timide mais intéressant, Pedro Pascal, dont le rôle se révèle plus important que ce qu’on pouvait en attendre, et enfin Channing Tatum, personnage le plus sous-exploité du film.
Et c’est là que le bât blesse : Kingsman 2 semble aller bien trop vite sur toute une série de nouveaux éléments et sous-intrigues. L’impression, déjà dérangeante pendant la séance, se confirme après avoir appris qu’1h20 d’images inédites ont été coupées du film. De fait, cet élément, couplé avec une écriture jouant trop souvent l’effet miroir avec les évènements du premier, on regrette le manque de surprise, cette dose de fraîcheur qu’apportait le premier Kingsman.
Point culminant de ce manque de prise de risque : l’absence d’une scène aussi folle, gratuite et furieuse que celle de l’église dans le long-métrage précédent. Seule absente de l’effet miroir voulu par les scénaristes, elle manque cruellement au rythme et crée par conséquence une petite baisse de régime avant toute la séquence finale — des plus efficaces, malgré tout.
Le verdict
Kingsman - Le Cercle d’or
On a aimé
- Une mise en scène toujours aussi furieuse
- Un scénario soucieux de ses personnages
- Taron Egerton
On a moins aimé
- Des éléments sous-exploités
- Pas d'équivalent à la scène de l'église
- Bis repetita à l'occasion
Plutôt inattendu lors de sa sortie en salle, Kingsman - Services Secrets avait surpris son public, avec un film d'action-espionnage débridé et fun. Après un très joli succès populaire, Kingsman - Le Cercle d’Or aurait pu en profiter pour naviguer en eaux troubles et inexplorées en jouant encore la carte de la surprise. À la place, il préfère ne prendre aucun risque et choisit de rejouer avec la même formule pour offrir un spectacle rythmé, comique et décomplexé.
Une fois le deuil de la surprise accepté, le film reste quand même un très joli divertissement, avec un Matthew Vaughn toujours engagé et soucieux de proposer une mise en scène inventive. Toutefois, ce second opus s’apparente beaucoup plus à une sorte de face B du premier Kingsman qu’on une véritable suite qui dynamite la saga.
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