Pour bien comprendre l’immense attente suscitée par la diffusion de la série Ça : Bienvenue à Derry, il nous d’abord revenir en 1986. Cette année-là, Grippe-Sou (le petit surnom traduit en français de Pennywise) fait sa première apparition dans les pages du roman de Stephen King, Ça, devenu un classique. L’entité maléfique extra-terrestre et éternelle y hante la petite ville de Derry, dans le Maine.
Tous les 27 ans, le clown sort de son hibernation dans les égouts de la ville et chasse sa nourriture préférée : les enfants. Un groupe de sept d’entre eux, autoproclamé « Le club des ratés » lui résiste. Une fois devenus adultes, ils vont tenter de l’arrêter une bonne fois pour toutes. Voilà pour l’histoire originale, qui ne va cesser d’être racontée sous d’autres formes, les décennies suivantes. Ça : Bienvenue à Derry, qui débarquera le 27 octobre 2025 sur HBO Max, en est-elle la digne héritière ? Pour vous donner notre avis sur cette nouvelle série, sans spoilers bien sûr, il faut d’abord dérouler le passé du fameux clown tueur.
Le premier clown maléfique de la pop culture
Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps avant que Grippe-Sou ne vienne nous terrifier sur un écran. En 1990, le téléfilm en deux parties, « Il » est revenu, adaptation fidèle diffusée sur M6 en France, a traumatisé toute une génération d’enfants. Derrière l’accoutrement clownesque de Grippe-Sou se cachait alors l’inoubliable Tim Curry (The Rocky Horror Picture Show).
Pour la première fois, on découvre visuellement l’aspect du personnage, amalgame effrayant entre Bozo le clown, Ronald McDonald’s et le tueur en série John Wayne Gacy. Ce dernier a violé et tué 33 jeunes hommes durant les années 1970 et se déguisait en clown pour visiter les enfants de l’hôpital du comté.

Le téléfilm, co-scénarisé par Lawrence D. Cohen, qui avait adapté un autre roman de Stephen King, Carrie, pour Brian De Palma, est un succès d’audience qui atteint par la suite le statut de culte. Tant et si bien qu’il faudra attendre 27 ans (le temps d’hibernation de Grippe-Sou) pour qu’Hollywood n’en développe une nouvelle adaptation.
Grippe-Sou a faim
Dès 2017, le réalisateur Andrés Muschietti propose alors sa propre version de l’histoire en deux volets, avec une patte très différente du téléfilm, grâce à Ça puis Ça : chapitre 2, en 2019.
Désormais incarné par Bill Skarsgård, Grippe-Sou rajeuni grandement puisque l’acteur avait 27 ans lors du premier film Ça, tandis que Tim Curry en avait 44 lors du téléfilm. Là où l’interprétation de ce dernier insistait sur l’humour noir et le pouvoir de séduction du clown auprès des enfants, le nouveau Grippe-Sou a moins d’humour, tout en possédant un maquillage et une tenue plus cracra.
Et ce dyptique cinématographique à grand budget a été une telle réussite que HBO a donné son feu vert à une nouvelle itération. On ne change pas une équipe qui gagne !

Créée par Jason Fuchs, Andy Muschietti et Barbara Muschietti, la série Ça : Bienvenue à Derry se présente ainsi comme un préquel des films. L’action prend place en 1962, alors que la famille Hanlon emménage à Derry. Le père, Leroy (Jovan Adepo, vu dans Le Problème à 3 Corps), major de l’US Air Force et vétéran de la guerre de Corée, y intègre un projet secret de l’armée.
Son fils, lui, se lie d’amitié avec un groupe d’enfants en quête de l’un de ses amis, porté disparu. Mais ils ne vont pas tarder à tomber sur l’entité maléfique, capable de prendre bien des visages pour les terroriser…
Un contexte social bien exploité
Pour créer les intrigues de Ça : Bienvenue à Derry, les scénaristes ont jonglé entre des scènes du livre de Stephen King, jusque-là inexploitées, et le nouvel univers créé par les films. Les grands événements de cette première saison prenaient ainsi place dans les années 30, dans le roman : « Nous avons simplement fusionné certains personnages dans le but de créer une situation convaincante », racontait Andy Muschietti, auprès de Entertainment Weekly.
Le focus sur la famille Hanlon, et notamment sur Leroy, le grand-père de Mike, le protagoniste principal des films, permet ici de creuser la mythologie de Ça, tandis que l’époque choisie, les années 1960, est idéale pour explorer la question raciale. Charlotte Hanlon (Taylour Paige), la femme de Leroy, incarne donc une activiste pour le Mouvement des droits civiques qui fait face au racisme rampant à Derry, alimenté par l’énergie malfaisante de Grippe-Sou.

Les fans de l’univers de Stephen King seront aussi ravis de retrouver Dick Hallorann (Chris Chalk, vu dans Blacklist), protagoniste présent dans les livres Shining, Ça et Docteur Sleep, dont les capacités télépathiques sont utilisées par l’armée de Derry. Hallorann est à l’origine de la création du Black Spot, un bar caché où les militaires Afro-Américains se retrouvent pour échapper au racisme ambiant et qui va être ciblé par un groupe de suprémacistes blancs.
Auprès d’Entertainment Weekly, l’actrice Taylour Paige analysait l’état d’esprit de la ville de Derry, dans la série : « C’est effrayant d’avoir ce clown qui fait des choses vraiment maléfiques, mais il y a aussi le silence et les manquements moraux de cette communauté. La complicité de ceux qui “se mêlent de leurs affaires”. […] On accepte que des gens n’aient pas les mêmes droits que les autres, et comme par hasard, ils ont la peau foncée. Il y a une telle énergie souterraine, manifestement mauvaise, mais tout le monde l’accepte, presque comme une conscience qui vous manipule. »

Cette série chorale introduit également le personnage Natif-Américain de Rose (Kimberly Guerrero), qui sera d’une aide précieuse face à Pennywise. L’un des meilleurs épisodes adopte d’ailleurs le point de vue de la communauté Native-Américaine, pour nous raconter l’histoire de la créature et comment elle a pu être contenue, avant la colonisation européenne. Le propos social et les enjeux raciaux soulevés dans Ça : Bienvenue à Derry s’avèrent d’autant plus percutants, dans le contexte politique actuel des États-Unis.
Une variation réussie sur le même clown
Et bonne nouvelle : cet arrière-plan social s’accompagne d’une grande efficacité horrifique. Car on est tout de même là pour flipper ! Les 5 premiers épisodes de Ça : Bienvenue à Derry ont ainsi le bon goût de ménager le suspens, en nous cachant l’apparence bien connue de Grippe-Sou. Point trop n’en faut.
Il est bien plus efficace de faire monter la tension et de faire apparaître la créature sous des formes inédites, comme cet horrible bébé démon ailé, dès la scène d’introduction glaçante de la série.
Andy Muschietti, lui, n’a pas perdu la main : le réalisateur excelle à mettre en scène des situations malaisantes qui montent crescendo. La série réserve quelques moments extrêmement terrifiants, qui n’épargnent pas les pauvres enfants de Derry (mais chut, on ne veut pas vous spoiler). Et, bien entendu, le terrifiant Grippe-Sou finit par apparaître, sous les traits d’un Bill Skarsgård au sommet de son art.

Entre l’adaptation cinématographique récente de Ça et le succès de Stranger Things, on pourrait se lasser de la sempiternelle imagerie héritée des années 1980, autour d’une bande de gamins enquêtant à bord de leurs vélos vintage. Mais cette nouvelle troupe, composée de personnalités fortes et attachantes (les jeunes interprètes sont tous excellents), fonctionne très bien. D’autant qu’un twist rebat assez vite les cartes de leur dynamique.
Soigneusement écrite, socialement pertinente et esthétiquement à la hauteur de cette franchise iconique, Ça : Bienvenue à Derry s’avère être une bonne surprise. Et si elle se transforme en succès, la série pourrait bien revenir pour plusieurs saisons, Andy Muschietti ayant confirmé qu’il en avait au moins trois en tête. Ses 8 épisodes, attendus en pleine période d’Halloween et diffusés au compte-goutte sur HBO Max, à raison d’un par semaine, devraient en tout cas ravir les fans de cette mythologie aussi increvable que son clown tueur.
Le verdict

Ça : Bienvenue à Derry
Voir la ficheOn a aimé
- Une exploration convaincante du racisme
- Une bonne utilisation du roman de Stephen King
- De nouveaux personnages attachants
- Un Grippe-Sou en grande forme
- Des scènes horrifiques très flippantes
On a moins aimé
- On commence à connaître l’histoire de Grippe-Sou par cœur
- On tourne un peu en rond
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