Jeu d’horreur développé par le studio Bloober Team, Cronos: The New Dawn déborde finalement plus du côté de la survie sous haute tension. Après quelques heures rebutantes, on finit par être captivé par son ambiance originale, en pleine Pologne. Notre test.

Sur les 12 heures qu’il m’a fallu pour terminer Cronos: The New Dawn, je suis mort très exactement 21 fois. Si cette statistique n’est pas forcément parlante, celle qui suit l’est bien davantage : sur ces 21 game over, environ un tiers (6 ou 7 fois) s’est produit dans les 30 premières minutes de jeu.

C’est dire si le jeu d’horreur du studio Bloober Team, spécialiste du genre qui a brillé avec le remake casse-gueule de Silent Hill 2, est d’abord rebutant, pour ne pas dire décourageant. Il mise en réalité sur la rareté des ressources pour plonger la joueuse ou le joueur dans une tension permanente.

Cronos: The New Dawn pâtit aussi d’un gameplay rigide qui n’aide pas à être à l’aise face aux menaces qui sévissent dans les environnements reproduisant de vrais bâtiments polonais (Bloober Team est originaire de la Pologne). En somme, entre son introduction ultra-austère et l’âpreté de son gameplay, Cronos: The New Dawn n’est guère accueillant.

Mais, à mesure que les heures défilent, les défauts d’abord rédhibitoires s’effacent au profit d’une aventure à l’ambiance singulière et à l’histoire captivante. Ces qualités se méritent, dans la compréhension puis l’appréciation d’un jeu aux codes marqués.

Cronos: The New Dawn singe beaucoup Dead Space

Un point en particulier prouve le manque de souplesse pénalisant Cronos: The New Dawn. Dans ce jeu où les monstres attaquent essentiellement au corps-à-corps, il est impossible d’esquiver. Pour ne pas mourir, il est donc impératif de viser correctement. Cela permet d’écourter les affrontements au maximum, mais aussi d’économiser des munitions — loin d’être en abondance. Pour appuyer davantage le challenge, il y a une autre règle à suivre : les corps sans vie doivent être brûlés pour empêcher les ennemis de fusionner avec les cadavres et, ainsi, devenir trop puissants et résistants.

Cronos: The New Dawn repose sur une grammaire étrange

En résulte une expérience punitive, qui demande parfois de subir jusqu’au game over pour comprendre la situation et y répondre, ensuite, de manière idéale — la mort ferait en ce sens partie du périple. Par exemple, il ne faudra pas hésiter à préparer le terrain en répandant au préalable les flammes pour nettoyer le décor, futur théâtre d’un massacre en règle (les combats ne sont pas facultatifs).

D’une manière générale, Cronos: The New Dawn repose sur une grammaire étrange, pour ne pas dire assez peu compréhensible. Comment quatre tirs chargés en pleine tête pourraient ne pas suffire dans un jeu si radin ? Comment un tir chargé, qui est très coûteux en temps et rend vulnérable, ne ferait pas toujours reculer un adversaire pour mettre une distance nécessaire à la survie ?

L’action est de temps à autre un peu trop aléatoire pour ne pas tomber dans l’agacement. Et il m’est arrivé de me laisser mourir après n’avoir loupé qu’un seul tir, tant le moindre gaspillage est pénalisant. Finalement, je ne me suis jamais senti à l’aise, ce qui est une bonne chose.

Cronos: The New Dawn // Source : Capture PS5
Dans Cronos: The New Dawn, on croise d’autres « nous » // Source : Capture PS5

Cronos: The New Dawn singe par ailleurs un peu trop Dead Space. On y retrouve les zones de sécurité, où on a accès à une boutique et à un établi pour améliorer ses armes et son armur, ou encore le tramway pour voyager d’une zone à l’autre. Idem concernant la manière dont il faut se débarrasser des ennemis, c’est-à-dire, pas simplement en tirant dessus.

À cela s’ajoutent les codes du genre survival-horror, que ce soit dans les lieux traversés (hôpital, aciérie), les quelques moments « jump-scare », la gestion fine de l’inventaire avec des sacrifices à faire et les énigmes qui demandent si peu de réflexion. Cronos: The New Dawn est un peu la somme de toutes les peurs réunies en un seul jeu, qui s’épanouit plus dans le survival que dans l’horror.

Bloober Team connait ses classiques et les mâtine d’un peu de SF à base de voyages dans le temps et de réalités fragmentées. On peut en tout cas souligner le chemin parcouru par le studio depuis le médiocre The Medium, bien plus maladroit dans ses ambitions.

Cronos: The New Dawn // Source : Capture PS5
L’ambiance est glauque, avec des éclairages réussis. // Source : Capture PS5

Pour pimenter le gameplay et éviter la routine, Bloober Team agrémente en permanence l’arsenal — que ce soit avec des armes ou des technologies pour débloquer certains obstacles. Il est simplement dommage de constater que ces ajouts soient sous-exploités. La possibilité de remodeler le décor en manipulant le temps n’accouche que de puzzles de placement simplistes, tandis que les bottes de gravité se limitent à des portions très dirigistes. Entre les phases sous haute tension, les moments de calme n’ont dès lors rien de palpitant à offrir en termes de gameplay.

Cronos: The New Dawn // Source : Capture PS5
Cronos: The New Dawn est rempli de notes manuscrites. // Source : Capture PS5

Cronos: The New Dawn séduit par son ambiance

L’immense force de Cronos: The New Dawn est assurément l’univers ô combien mystérieux qui se déploie à mesure qu’on avance. Au tout début, la narration se veut cryptique : tout juste sait-on qu’on incarne la Voyageuse chargée de récupérer des essences — des personnalités clés — et de chercher des anomalies pour servir une grande cause, sous la supervision d’une force aux desseins opaques.

Les scénaristes de Bloober Team se servent de ce postulat pour bâtir un récit articulé autour d’une épidémie (le covid, en pire) et nourri par des rappels historiques (le mouvement d’opposition au régime communiste, mené par le syndicat Solidarnosc dans les années 80).

Cronos: The New Dawn // Source : Capture PS5
Le jeu est une reproduction de lieux de la ville polonaise Nowa Huta. // Source : Capture PS5

On assiste de fait à une recherche d’authenticité dans Cronos: The New Dawn, qu’on retrouve dans les lieux traversés, tirés de la ville Nowa Huta (Cracovie), et qui se lit aussi dans les images d’archives. Cet habile mélange de fiction captivante et d’histoire avec devoir de mémoire fonctionne.

Il fait office de loupe sur un pays finalement assez peu mis en avant dans les œuvres, quelles qu’elles soient. Cronos: The New Dawn devient alors, pour Bloober Team, un moyen de parler à sa manière de la Pologne, de son architecture et ce qui l’a façonnée en tant que société. C’est inattendu, et ajoute une vraie épaisseur à la narration gavée de textes et de témoignages (poignants, parfois).

Cronos: The New Dawn // Source : Capture PS5
Yes, you can — and must — pet the cat. // Source : Capture PS5

En matière de réalisation, Cronos: The New Dawn compense son manque d’assise technique (des ralentissements à déplorer, même en mode performance sur PS5 Pro), par la qualité de ses effets. La gestion des lumières (c’est sombre), l’utilisation de flash et la mise scène cédant aux distorsions assurent le spectacle visuel.

En parallèle, la bande son et, surtout, le sound design participent au sentiment de malaise. Les différents bruitages ont même une incidence directe sur le gameplay : en tendant l’oreille, on peut repérer la présence d’un ennemi par les cris qu’il lâche et, par conséquent, se donner les meilleures chances de s’en sortir. On pourra tout autant entendre les miaulements d’un chat, caution mignonne d’un lore délétère à souhait, pour le retrouver, le caresser et le ramener dans un endroit sûr (spoiler : ce n’est pas qu’un gimmick).

Le verdict

Que les premiers pas dans le jeu d’horreur Cronos: The New Dawn sont compliqués, voire pénibles et accablants. Cette production signée Bloober Team pâtit d’un gameplay rigide pour appuyer davantage les moments de tension qui nourrissent l’action. On n’aurait pas été contre plus de souplesse et de nervosité, notamment pour se sortir des premiers affrontements punitifs. En fait, c’est au fur et à mesure que l’univers de Cronos: The New Dawn se déploie qu’on finit par apprécier ce périple singulier, qui met en avant la Pologne (et son Histoire). Les défauts de gameplay se noient dans une ambiance portée par une réalisation réussie, à défaut d’être techniquement irréprochable. À l’arrivée, Bloober Team ne cesse de grandir, jeu après jeu.    
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