Comptant sûrement capitaliser sur le succès de Game of Thrones, la chaîne américaine MTV a lancé en 2013 un projet d’adaptation d’une œuvre de fantasy magistrale commencée en 1977 par Terry Brooks avec le livre The Sword of Shannara. La fantasy, qui se distingue du fantastique dans la mesure où le merveilleux est déjà présent dans l’univers imaginaire n’est pas le genre le plus exploité sur le petit écran. Les studios sont souvent frileux face aux sommes que nécessitent ces productions pour être visuellement réussies. The Shannara Chronicles était donc très attendue par les amoureux du genre.
Le monde de SHANNARA
The Shannara Chronicles commence sur la vision d’un paysage qui ne nous est pas totalement inconnu. La première scène s’ouvre en effet sur la Space Needle (la célèbre tour de Seattle) — ou plutôt ce qu’il en reste 2000 ans après une guerre nucléaire.
Dans ce futur post-apocalyptique, la société des hommes et la technologie ont laissé place aux créatures fantastiques et à la magie. Les Elfes, qui cachaient leur existence au yeux du monde, sont devenus l’espèce dominante après la chute de notre civilisation. Humains, Gnomes, Trolls et Elfes tentent alors de cohabiter dans les Quatre terres, le territoire fictif où se déroule l’intrigue.
Les Elfes habitent Arborlon, un havre de paix qui abrite l’Ellcrys, un arbre magique dont les feuilles renferment tous les démons des Quatre terres. Quand ils menacent de s’échapper, l’avenir du monde repose entre les mains d’une bande de héros décousue composée d’une princesse Elfe, d’un mi-Elfe un peu maladroit, d’une vagabonde et d’un vieux druide bien conservé.
Un monde visuellement réussi
Si The Shannara Chronicles, n’est pas exempte de défauts, on sent immédiatement dans le pilote que la série a eu les moyens de créer un monde visuellement crédible. Comme la saga cinématographique consacrée du genre dont nous tairons le nom, la série a été tournée dans les paysages de la Nouvelle Zélande. Du côté des CGI, ce n’est pas mauvais non plus. Les scènes qui représentent les ruines de notre civilisation sont toutes plus belles les unes que les autres et on apprécie que les scénaristes laissent planer un certain mystère sur ce qui s’est réellement passé. Les personnages eux-mêmes semblent, pour la plupart, ignorer l’histoire de leur contrée. Le spectateur ne peut que s’amuser à deviner les événements grâce aux stigmates laissés par le temps.
les ruines de notre civilisation sont toutes plus belles les unes que les autres
Les costumes eux, ne rendent cependant pas hommage aux efforts qui ont été fait pour recréer le monde de Shannara. Les créateurs, en forçant sur les traits des personnages, ont réduit l’ensemble à une caricature usée de « gentils et de méchants ». DansThe Shannara Chronicles, l’habit fait le troll et vous saurez immédiatement distinguer qui est qui.
Les gentils — Teen Drama oblige — ont tous une tête de premier de classe et les méchants sont tellement vénères qu’ils en deviennent comiques. Dès le premier épisode, la série est comme prise au piège de la dichotomie qu’elle a elle-même instauré. Si cette introduction est à l’image du reste de la production, il ne faudra donc pas espérer retrouver dans The Shannara Chronicles beaucoup de profondeur.
Tout est dit
Car si Game of Thrones a réussi à conquérir un large public, c’est surtout pour le côté casual fantasy du show. C’est l’aspect réaliste du fantastique qui permet au spectateur d’adhérer à l’univers présenté, un univers qui ne révèle ses rouages qu’avec parcimonie. Combien d’épisodes doit-on attendre avant d’apercevoir un bout de dragon ? Quand on commence la série de HBO, on a l’impression que Westeros ne nous a pas attendu pour exister. On arrive dans un univers où rien ne nous est dû et où il faudra réfléchir (certaines théories vont d’ailleurs assez loin dans ce sens) pour démêler le nœud de l’histoire.
La création de MTV ne compte pas éprouver les limites du genre
Cette aura de suggestivité manque cruellement à The Shannara Chronicles. La création de MTV ne compte pas éprouver les limites du genre bien codifié de la série dramatique pour adolescents… au risque de tomber dans le cliché. Le voyage initiatique devient un prétexte pour défier l’autorité paternelle et le triangle amoureux est rapidement instauré. La série a, entre autres, la mauvaise habitude de vouloir tout dire. Chaque scène est l’occasion pour les scénaristes de prendre le spectateur par la main et de démystifier l’univers de Terry Brooks. Si un peu de premier degré n’a jamais nuit à la qualité d’une intrigue, à forte dose, il lasse définitivement et produit l’effet inverse en perdant le spectateur dans le flot des explications.
Et le didactisme forcé est loin d’être le seul raccourci scénaristique utilisé dans la série. Vous aurez parfois l’impression que les personnages sont doués du don de téléportation tant ils se déplacent rapidement au sein des Quatre terres. Vous passerez ainsi de la capitale des Elfes à une forêt éloignée sans pouvoir reprendre votre souffle, comme si la vitesse du scénario devait en quelque sorte rattraper la mollesse des dialogues.
À une époque où les productions de qualité ne manquent pas, une série ne peut pas se permettre de passer à côté de son public dès le premier épisode. Les succès de The Walking Dead ou Game of Thrones montrent que les spectateurs — même les plus jeunes — veulent des séries qui les prennent de court et où l’intrigue laisse une place à la réflexion. Si une autre chaîne que MTV aurait sûrement pu développer tout le potentiel de The Shannara Chronicles, les ressorts scénaristiques rencontrent hélas ici les limites du Teen Drama.
Le pilote, diffusé le 5 janvier sur MTV aux États-Unis n’a réuni que 1 millions de téléspectateurs. La série est diffusée en France sur la chaine SyFy depuis le 12 janvier.
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