Comment parler de Dead Island 2 sans évoquer la poétique ironie qui précède sa propre existence ? Ce jeu qui met en scène des myriades de morts-vivants est lui-même un rescapé de l’au-delà, projet presque maudit, enterré puis ressuscité à plusieurs reprises et enfin prêt à voir la lumière du jour. Après son annonce à l’E3 2014, le jeu aura en effet connu quatre équipes différentes, mais ce sont finalement les Anglaises et Anglais de Dambuster Studios qui auront le dernier mot en livrant un Dead Island 2 honteusement délectable.

Face à ce genre de petites arlésiennes, a fortiori avec plusieurs changements de studios, on a tôt fait de craindre le pire. En l’occurrence, Dambuster Studios est sur le projet depuis 2018 et n’a gardé du jeu annoncé il y a sept ans que son concept. Malgré son contexte sanguinolent, il n’y a donc pas de syndrome « jeu Frankenstein » à craindre ici. Dead Island 2 ne porte aucun stigmate de cette histoire tumultueuse. Enfin, presque…

Si vous n’aviez pas fait le premier Dead Island en 2011, personne ne vous en voudra, pas même sa suite qui n’a pas de lien fondamental avec cet épisode et peut donc être abordée tout à fait indépendamment. Il faut dire que son scénario de série B ne va pas chercher bien loin : on est à Los Angeles, il y a des zombies partout, on est immunisé contre leur morsure et on doit trouver un moyen de se barrer de là. Bien sûr, au cours de notre périple, Dead Island 2 essaie d’approfondir un peu ses enjeux en collant face à nous une poignée de PNJ bigarrés et caricaturaux dans des cinématiques parfois un peu rigolotes. Mais ce n’est clairement pas ce qu’on retient de lui. Finalement, le jeu se résume très bien tout seul via l’un de ses premiers objectifs : « Tuez tout ce qui bouge ! »

Je crois que le dîner est compromis
Je crois que le dîner est compromis // Source : Capture d’écran

Dead Island 2, cest surtout du corps-à-gore

Dead Island 2 a beau ressemblé trait pour trait à un FPS (First Person Shooter), il a remisé son « S » bien loin dans l’aventure et mise avant tout sur une chose : le corps-à-corps. 95 % des combats se passent en effet au contact avec des hordes de zombies, dans une ambiance très Leroy Merlin. Orienté survie, le jeu pousse à fouiller les décors pour y dénicher des armes de circonstance : pied-de-biche, pioche, batte de baseball, râteau de jardin, hache de pompier, masse… Cette foire aux outils va de paire avec du bricolage puisque l’on peut améliorer notre attirail avec des ressources pour augmenter son efficacité. On pourra même ajouter des effets particuliers pour créer un katana électrique ou un couteau de cuisine enflammé.

C’est ré-pu-gnant

Cette variété de l’arsenal permet d’apporter un peu de piment à des combats forcément limités par leur nature. Même si on doit faire face à différents archétypes de zombies (morts-vivants lambda lents et faibles, sprinters qui se jettent sur nous, gros sacs à PV puissants…), Dead Island 2 se résume souvent à faire virevolter son arme dans tous les sens en essayant de viser peu ou prou une tête ou des jambes. Le tout en esquivant autant que possible nos assaillants. Heureusement, le jeu réussit à osciller entre différentes situations. Tantôt il joue sur l’effet de nombre pour nous pousser à des exécutions à la chaîne qui frôle le grand guignol d’un Dead Rising. Tantôt il mise sur des ambiances plus angoissantes dans des endroits exigus et sombres, où les zombies attaquent par surprise, façon survival horror.

Dans tous les cas, le jeu est d’une rare violence, c’est à souligner. Bien que son ton soit aussi léger qu’une feuille de gingko emportée par le vent automnal, ce qui se passe à l’écran évoque plus volontiers un intestin grêle farci de ratatouille à la cervelle moisie passé dans un mixeur. Ça gicle, explose, purule, suinte, sanguinole… C’est ré-pu-gnant, a fortiori avec cette orientation du jeu vers le corps-à-corps qui nous place aux premières loges de ce spectacle dégoulinant. C’est presque honteusement qu’on en redemande.

Bizarre, cet happy hour...
Bizarre, cet happy hour… // Source : Capture d’écran

Épreuve du jour : sublimer les abats

On est également servi de ce point de vue grâce à une réalisation vraiment très correcte qui pousse le réalisme assez loin, tant dans la modélisation des asticots qui grouillent sur le ventre d’un zombie que l’on vient d’éviscérer que dans les environnements qui sont un des attraits du jeu. Dead Island 2 nous invite dans des niveaux inspirés par les plus célèbres quartiers de Los Angeles. Beverly Hills, Ocean Avenue, Venice Beach… On explore avec une délectation assez sadique ces lieux habituellement si glamours. Mettre à sac les plus luxueuses villas de Bel Air ou repeindre du sang de hordes de morts-vivants décérébrés les décors d’une sitcom au cœur d’un studio hollywoodien, ça fonctionne parfaitement. La nature assez ouverte de ces zones rejoint la facette loot/craft du gameplay pour nous motiver encore plus à fouiller tous ces décors parfois bluffants de réalisme.

L’autre élément qui vient un peu épicer le gameplay tient dans cette petite surcouche RPG. Elle s’invite dès le début du jeu avec un choix entre six personnages aux statistiques et capacités spéciales différentes. Elle s’exprime surtout au niveau des armes et de leur efficacité, mais aussi au travers d’un écueil : le level scaling. Plutôt que de nous montrer à quel point on devient puissant, Dead Island 2 opte pour des ennemis dont le niveau évolue avec le nôtre. Si vous pensiez pouvoir revenir au début du jeu et rouler sur les zombies de base, oubliez.

Apparemment, le dîner n'est pas bien passé... // Source : Capture d'écran
Il serait peut-être temps de consulter un gastro-entérologue, non ? // Source : Capture d’écran

C’est une autre limite de ce système. La courbe de difficulté impose à terme de faire des missions secondaires pour être suffisamment puissant et franchir certains obstacles. Le système de progression dans les missions peut même se montrer très piégeux et former un cercle vicieux franchement agaçant. Quand on se fait tuer, le jeu nous renvoie à un checkpoint, mais en gardant en mémoire l’état de notre inventaire. Le hic, c’est que les armes s’usent et se cassent, et que les munitions et trousses de soin sont rares. Résultat, plus on fait de tentatives sur un passage difficile (face à un boss, par exemple), plus on voit nos propres chances s’amenuiser au rythme de l’affaiblissement de notre arsenal et de nos items.

Voilà qui n’aide pas une aventure déjà assez linéaire et à la construction plutôt archaïque, sans doute le pire reliquat de l’âge de ce projet. Ces murs de difficulté permettent de rallonger une durée de vie correcte (une quinzaine d’heures). Elle peut doubler en s’intéressant aux quêtes secondaires pas très inspirées (souvent des déclinaisons grossières des missions principales). Le plaisir de jeu pourra également être prolongé et approfondi par la présence d’un mode coop qui apportera sans doute une saveur différente à ce sanglant défouloir.

Le verdict

Dead Island 2 est à The Last of Us ce que le Redbull est au Champagne. Le titre de Dambuster Studios pousse tous les potentiomètres à fond pour créer une aventure qui assume autant son statut de série B débile que son extrême violence qui nous gicle littéralement au visage. Malgré quelques rugosités et un archaïsme certain, on arpente avec un plaisir très coupable ces quartiers de Los Angeles formidablement retranscrits.

Dead Island 2 titille en fait quelque chose de très primaire en nous. Lutter contre ces humains décérébrés, et répugnants, devrait nous mettre en valeur comme une espèce supérieure. C’est tout l’inverse. Le jeu nous pousse constamment à être aussi bas du front et violent que les aberrations monstrueuses qui nous font face. Si l’on voulait y chercher un contenu métaphysique, on pourrait presque le voir comme un miroir qui nous est tendu pour nous montrer que le vrai monstre n’est peut-être pas celui qu’on croit…

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