C’est une question qui revient régulièrement : un employeur a-t-il le droit de consulter les mails de ses salariés ? Tout dépend de quelle façon vous y accédez et de quelle manière ils sont identifiés.

C’est une question à laquelle les juristes ont déjà la réponse, mais qui reste sans doute insoluble pour bon nombre de personnes : que se passe-t-il si l’on consulte des mails privés au travail ? Et surtout, l’employeur peut-il avoir le droit de lire la correspondance de son personnel, si la consultation se fait depuis le lieu de travail, passe par un poste qui lui a été mis à disposition ou bien transite via la connexion professionnelle ?

Que dit la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à ce sujet ?

De prime abord, elle parait avancer deux éclaircissements qui se télescopent. Dans une fiche, elle explique d’abord « qu’un employé a le droit, même au travail, au respect de sa vie privée et au secret de ses correspondances privées ». Mais l’autorité ajoute aussi que « par défaut, les courriels ont un caractère professionnel. L’employeur peut les lire […], y compris en dehors de la présence de l’employé. »

La règle : identifier clairement ce qui est personnel

Cette apparente contradiction trouve toutefois une résolution par la distinction entre ce qui relève du professionnel et ce qui est issu du privé dans les messages. « Tout ce qui n’est pas identifié comme personnel est réputé être professionnel de sorte que l’employeur peut y accéder librement », résume la Commission dans une page sur le contrôle de l’utilisation d’internet et de la messagerie électronique.

Autrement dit, il est impossible pour l’employeur d’accéder librement aux messages privés du salarié lorsque ceux-ci sont identifiés comme étant personnels. Ainsi, il peut y avoir une mention « [personnel] » dans l’objet d’un courrier électronique, de façon à signaler clairement sa nature privée. Idem pour les mails qui seraient dans un dossier portant un nom équivalent.

Ce genre de mention est nécessaire pour ne laisser place à aucune ambiguïté. En effet, en cas d’utilisation d’outils professionnels, le caractère professionnel de ce que vous faites avec est présumé. Dès lors, l’employeur a le droit de les consulter, y compris lorsque vous n’êtes pas là, sans que cela soit illicite. Et ce n’est pas parce qu’un courrier provient d’un mail personnel, y compris du vôtre, qu’il est a priori privé.

Ce droit à une sphère privée dans le cadre professionnel découle d’un arrêt devenu célèbre en droit du travail, qui fêtera d’ailleurs cette année ses vingt ans. Le 2 octobre 2001, la chambre sociale de la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire française, a, dans son arrêt Nikon, statué que même sur le lieu du travail, le salarié a droit au respect de sa vie privée.

Mail courrier

Pour éviter les problèmes, mieux vaut identifier sans ambiguïté ce qui relève de la sphère privée. // Source : geralt

L’employeur « ne peut sans violation de cette liberté fondamentale [le respect de l’intimité de sa vie privée ainsi que le secret des correspondances, NDLR] prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. »

Ce droit, s’il existe et a été consacré, n’est donc pas tout puissant dans le cadre du travail. Il faut, pour en bénéficier pleinement, bien identifier sa correspondance personnelle. De plus, il ne s’agit pas non plus d’empiéter sur l’activité professionnelle. La Cnil, dans son rapport d’activité 2020, admettait que ce droit « doit rester résiduel » : le temps de travail du salarié est dédié à l’exécution de ses tâches.

Cet arrêt Nikon, bien que très important, n’est pas un totem d’immunité dans tous les cas de figure. Ainsi, la Cour de cassation a considéré valable en 2009 le licenciement d’un employé dont les relevés montraient, pour un seul mois, plus de 41 heures de connexion à des fins personnelles, via le matériel mis à disposition par l’employeur. La sphère privée, dans ce cas-là, avait pris des proportions excessives.

D’ailleurs, la Commission nationale de l’informatique rappelle dans ses pages que le cadre professionnel peut apporter des limites à ce secret des correspondances. Par ailleurs, il y a d’autres situations plus générales qui peuvent autoriser la consultation de mails, même s’ils sont marqués comme privés. C’est le cas par exemple si une instruction pénale a lieu ou en cas de décision de justice.

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