Le ministère de la Justice publie un projet de décret qui vise à encadrer la mise en place de l’open data dans les décisions de justice. Une ouverture qui charrie un enjeu important : celui de la vie privée des personnes.

La longue marche vers l’ouverture des décisions de justice est peut-être en train de prendre fin. Alors que l’année s’achève, le ministère de la Justice a fait publier le 13 décembre sur son site web un projet de décret encadrant l’open data pour les actes juridiques que rendent les juridictions en France. Mais ce n’est qu’en 2020 que cette réforme entrera effectivement en vigueur.

En effet, l’heure est toujours à la concertation, indique le communiqué de la Chancellerie. « Sa mise en œuvre pratique sera déclinée dans le cadre d’arrêtés techniques, permettant de procéder par phase, par niveau d’instance et par nature de contentieux, en s’adaptant aux évolutions technologiques », est-il précisé. Le gouvernement s’était engagé à le publier d’ici la fin de l’année.

Donner accès aux décisions de justice

Sur le principe, l’open data en matière judiciaire doit permettre à n’importe qui de pouvoir consulter rechercher des copies d’actes juridiques en France, gratuitement et dans un format électronique. Une telle ouverture serait une aubaine pour tout le secteur de la « legaltech » française, mais aussi pour compléter des sites comme Légifrance, qui ne délivre qu’une fraction de ce qui est produit.

C’est ce que relevait d’ailleurs la sénatrice Corinne Bouchoux, en 2016, lorsque se tenaient les débats parlementaires dans le cadre de l’examen du projet de loi numérique. « Moins de 1 % des décisions des juridictions de première instance et d’appel sont disponibles en ligne sur Légifrance », déplorait-elle auprès de ses collègues, en notant que « le reste est vendu à divers abonnés ».

Légifrance

Le (futur) site de Légifrance.

« Il n’est pas normal de devoir payer pour accéder à la jurisprudence de son pays ! », avait-elle lancé aux autres élus, en rappelant la position de la Cour européenne des droits de l’homme sur « les principes de transparence de la justice et de contrôle des citoyens sur celle-ci » et la directive européenne sur la réutilisation des informations du secteur public qui juge cet accès « essentiel ».

En 2016, le Sénat avait adopté des amendements du gouvernement pour préparer l’accès aux décisions de justice. Déjà à l’époque, il était question de fournir les jugements issus de l’ordre judiciaire (pénal et civil) et de l’ordre administratif, gratuitement. Seule exigence : que soit assuré « le respect de la vie privée des personnes concernées », afin d’éviter que des identités ne se répandent en ligne.

Cette nécessité de préserver la quiétude des individus est toujours d’actualité.

Enjeux de l’anonymisation

La Chancellerie explique que cette anonymisation des décisions se jouera à deux niveaux : d’abord l’occultation systématique des noms et prénoms des personnes, qu’elles soient parties au procès ou simples tiers ; ensuite, au cas par cas, le juge pourra éventuellement occulter d’autres éléments « susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée ».

Ce double niveau de protection est nécessaire et concernera aussi les magistrats et le personnel de la justice, expliquait cet été le ministère de la Justice, dans la mesure où la conclusion de certaines affaires judiciaires peut rencontrer la désapprobation violente d’une partie de l’opinion publique. Il s’agit alors d’éviter des menaces ou représailles à leur endroit, mais aussi envers leur entourage.

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Certaines informations devront être expurgées des documents. // Source : Vitor Sá

Les services de la Garde des Sceaux soulignaient au passage, pour justifier un tel délai dans la mise en place de cette réforme, à la fois le « volume inédit » et la « sensibilité particulière » des informations à traiter. Celles-ci « nécessitent des évolutions complexes des infrastructures et applicatifs afin de garantir l’exhaustivité et la qualité des informations accessibles ». Et aussi, leur protection.

Outre les procédures à suivre dans chaque ordre juridictionnel et les règles d’occultation à respecter, le décret prévoit aussi des modalités de recours si une personne concernée par une affaire souhaite lever une anonymisation ou estime qu’il faut l’étendre à d’autres points de l’acte juridique. Ces requêtes seront traitées soit en Conseil d’État soit par la Cour de cassation selon du document (administratif ou judiciaire).

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