Nouvel assaut sur le front de la lutte contre le piratage d’œuvres. Le département de la justice aux États-Unis a annoncé le 27 août l’inculpation de huit personnes, âgées de 36 à 61 ans. Il leur est reproché leur implication dans deux sites accusés de fournir au public des contenus culturels (des films et des séries télévisées, essentiellement) sans l’autorisation des ayants droit. Leur nom ? Jetflicks et iStreamItAll.
Selon les autorités américaines, toutes ces personnes officiaient dans Jetflicks, une plateforme qui a vu le jour en 2009 et qui semble aujourd’hui inaccessible. L’un des huit inculpés a cependant fini par quitter le navire pour monter sa propre affaire en 2014, concurrente de Jetflicks : iStreamItAll. Celui-ci est visiblement encore accessible à l’heure où nous écrivons ces lignes.
D’après l’acte d’accusation, les huit suspects ont reproduit sans autorisation des dizaines de milliers d’épisodes et ont distribué des émissions piratées à des dizaines de milliers d’abonnés situés dans tous les États-Unis. « Les deux services offriraient plus d’émissions et de films que les services de streaming légaux tels que Netflix, Hulu et Amazon Prime Video », ajoutent les autorités.
La particularité de Jetflicks et IStreamItAll est leur apparence légale, comme les services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) classiques. IStreamItAll, par exemple, met à disposition des séries et des films en illimité (il revendique 3 956 séries, 117 977 épisodes, 10 900 films et des mises à jour quotidiennes de la saison en cours de toutes vos séries TV préférées !) pour 19,99 dollars par mois.
De fait, Jetflicks et IStreamItAll apparaissent comme des « Netflix du piratage » : ils ont le look d’un service de service de vidéo à la demande, proposent des contenus en streaming et vendent des abonnements aux internautes.
Des sites qui s’appuient sur BitTorrent et Usenet
Mais comment IStreamItAll et Jetflicks parviennent-ils à fournir un tel service, alors qu’ils n’ont pas les licences d’exploitation adéquates ? C’est simple. Selon l’acte d’accusation, les sites puisent dans les autres sites illicites, en particulier dans ceux proposant des contenus échangés via le protocole BitTorrent, pour ensuite les proposer au téléchargement ou bien en streaming, pour un visionnage immédiat.
« Jetflicks aurait obtenu des programmes de télévision contrefaisants de sites Web pirates du monde entier à l’aide de divers scripts informatiques automatisés, fournissant souvent des épisodes aux abonnés le lendemain des émissions initialement diffusées à la télévision », écrit le département de la justice. Ils « auraient utilisé un code informatique sophistiqué pour parcourir les sites pirates mondiaux à la recherche de nouveaux contenus illégaux pour télécharger, traiter et stocker les émissions, puis rendre ces épisodes disponibles sur des serveurs aux États-Unis et au Canada aux abonnés Jetflicks ».
Parmi les sites sur lesquels Jetflicks et IStreamItAll vont puiser figurent The Pirate Bay, RARBG et Torrentz, il y a trois plateformes spécialisées dans les échanges en pair à pair (P2P) par BitTorrent. Les autorités indiquent qu’ils passaient aussi par Usenet.
Comme Torrents Time et Popcorn Time
Grâce au progrès du haut débit, la possibilité de streamer immédiatement des contenus depuis un transfert par BitTorrent a émergé. Ces dernières années, des solutions comme Torrents Time et Popcorn Time ont vu le jour, brouillant la distinction entre les sites qui sont légaux et les autres. En effet, si l’écrin est convaincant, il n’est pas forcément évident de savoir que les contenus sont en fait piratés. Le logiciel Torrents Time, par exemple, transformait The Pirate Bay ou KickAss Torrents en Netflix du piratage.
En 2015, PopCorn In Your Browser, une application inspirée par PopCorn Time, servait à regarder des films gratuitement dans son navigateur, en utilisant le protocole BitTorrent de façon détournée. Le site exploitait les serveurs de Coinado.io, un service anonyme et sécurisé qui proposait de télécharger sur BitTorrent les contenus vidéos demandés, et de les renvoyer dans un format WebM ou MP4 pour les lire dans un navigateur moderne.
Pour un ou une internaute, la distinction n’est pas aisée à faire. Cette difficulté à faire la différence entre le licite et l’illicite est connue. On se souvient qu’en 2013, une enquête de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) relevait que 30 % de ceux qui téléchargent de la musique confondaient le légal de l’illégal. Ce qui vaut pour la musique peut valoir pour les films et les séries.
C’est ce qui explique pourquoi le département de la justice évoque des dizaines de milliers d’abonnés payants à ces deux plateformes. Si certains d’entre eux se doutaient peut-être ou connaissaient parfaitement le caractère illicite de Jetflicks et iStreamItAll, du fait de l’absence de licence d’exploitation appropriée, d’autres devaient croire qu’ils se trouvaient sur un espace légitime.
Les huit personnes sont poursuivies pour avoir commis une infraction au droit d’auteur en bande organisée. À titre de comparaison, ces faits de contrefaçon sont punis en France de cinq ans de prison et 500 000 euros d’amendes.
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