En cas de réquisition concernant des affaires de contenus haineux sur sa plateforme, Facebook transmettra plus vite aux autorités judiciaires françaises les adresses IP en cause. La nouvelle a été annoncée par Cédric O.

La nouvelle a été annoncée mardi en fin de journée : désormais, Facebook devrait transmettre à la justice française les adresses IP des profils accusés de répandre des contenus haineux. C’est Cédric O, le secrétaire d’État au Numérique, qui s’est chargé de rendre cette décision publique, dans une interview accordée à Reuters le 25 juin. C’est une « énorme nouvelle », s’est-il félicité. Avant, « ils ne les donnaient pas ».

L’annonce mérite toutefois quelques éclaircissements : dans les faits, comme le note Le Monde, Facebook communique bien déjà les adresses IP aux autorités judiciaires quand ces dernières en font la demande, sauf que cette transmission suit un cadre juridique assez contraignant. Il faut en effet passer par une demande d’entraide internationale en direction des États-Unis, où siège Facebook.

Cédric O lors de sa visite chez Doctissimo. // Source : Numerama / Perrine Signoret

Cédric O lors de sa visite chez Doctissimo.

Source : Numerama / Perrine Signoret

Coopération judiciaire transatlantique

En l’espèce, les relations judiciaires franco-américaines sont encadrées par un traité bilatéral signé le 10 décembre 1998 et entré en vigueur en 2001 (et toujours actif), rappelait en 2014 le ministère de la Justice dans une réponse à une question écrite posée par un député. Par ailleurs, il y a aussi un accord d’entraide en matière pénale entre l’Union européenne et les USA depuis 2003.

À l’époque déjà, les services du Garde des Sceaux indiquaient que « chaque année, de nombreuses demandes d’entraide pénale entre la France et les États-Unis sont émises, qui concernent l’obtention de données électroniques. Les demandes d’entraide pénale vers les États-Unis sont souvent liées à la présence sur le territoire américain des principaux acteurs de l’internet (Microsoft, Yahoo, Google, Facebook…) »

Les informations concernées peuvent être diverses : journaux de connexion, informations sur les internautes, adresses IP et même contenu d’anciens messages ou de mails, etc. Il convient toutefois de noter qu’il peut y avoir une différence traitement entre les données elles-mêmes — beaucoup plus sensibles, car elles concernent le contenu d’un compte — et les métadonnées, qui donnent des informations périphériques (heure, date, localisation, etc).

Le ministère de la Justice rappelait également à l’époque « qu’avant de formuler une demande d’entraide pour obtenir des données informatiques, les autorités judiciaires françaises ont la possibilité de solliciter en urgence le gel de ces données, en application de la convention de lutte contre la cybercriminalité du Conseil de l’Europe à laquelle les Etats-Unis sont partie ».

« Le processus judiciaire va pouvoir se dérouler normalement », juge Cédric O.

En clair, Facebook transmet déjà les adresses IP à la justice, quel que soit le type de dossier. Toutefois, deux procédures bénéficiaient d’aménagements : les dossiers relevant du terrorisme et ceux sur la pédopornographie. Désormais, il y en aura une troisième : celle ayant trait aux propos et contenus haineux. « Cela veut dire que le processus judiciaire va pouvoir se dérouler normalement », juge Cédric O.

En réalité, cela doit surtout permettre de gagner du temps, puisqu’il ne sera plus requis que les procédures fassent des allers et retours entre chaque rive de l’Atlantique. Cela doit en théorie aboutir à une justice plus réactive et plus concrète, en montrant qu’il n’y a pas de démission de la réponse pénale ou de laxisme. En pratique, la justice française n’est pas réputée pour sa célérité.

Facebook valide 2 demandes françaises sur 3

Selon des statistiques datant du second semestre 2018, Facebook a reçu des autorités françaises 5 5711 requêtes. Pour 66 % d’entre elles, elle a transmis certaines données. Un seuil en légère baisse depuis 2017, après une forte hausse à partir de 2014 — une trajectoire qui peut s’expliquer en particulier par la lutte contre les contenus terroristes qui circulaient sur la toile.

Pourquoi Facebook ne transmet pas des données pour 100 % des dossiers ? Parce que le site évalue aussi leur validité : « chaque demande que nous recevons fait l’objet d’un contrôle de suffisance juridique et nous rejetons ou exigeons une plus grande spécificité sur des demandes trop larges ou vagues », peut-on lire dans les pages d’explication du réseau social américain.

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