Avec le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, le gouvernement entend pénaliser les « raids » que mènent certains internautes pour tourmenter une victime. Le texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale.

Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles a franchi une étape cruciale dans la nuit de mercredi 16 à jeudi 17 mai. En effet, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture et à une large majorité (115 voix pour, 29 contre et 25 abstentions) le texte porté par Marlène Schiappa, la secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Maintenant, le projet de loi part au Sénat. Obtenir une majorité à la chambre haute du parlement risque d’être plus difficile, dans la mesure où La République en marche est loin d’être la principale force politique. Or, il existe une vive controverse autour de l’article 2 du texte, polémique qui a pu être surmontée à l’Assemblée nationale du fait de l’important contingent d’élus LREM, mais qui s’imposera au Sénat.

Cet article vise à créer un nouveau délit, celui de « l’atteinte sexuelle avec pénétration », qui écarte la notion juridique de viol, qui est d’ordinaire réprimé comme un crime. Par ailleurs, il a aussi été discuté de l’opportunité de mettre en place par défaut une « présomption de non-consentement » pour tout mineur de moins de 15 ans, de manière à considérer que toute pénétration est a priori un viol.

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CC Thierry Kennes

Sanctionner les raids sexistes

Relativement court, puisqu’il ne compte que cinq articles modifiant le code de procédure pénale et le code pénal, le projet de loi contient aussi une disposition qui concerne les internautes. En effet, celui-ci vise à « compléter la définition des délits de harcèlement sexuel ou moral afin qu’ils puissent s’appliquer aux faits de cyberharcèlement résultant de raids numériques réalisés par plusieurs personnes agissant de façon concertée ».

« Même si vous n’avez participé à du cyberharcèlement qu’avec quelques tweets ou quelques messages sur des forums, vous pourrez être condamné », avait mis en garde Marlène Schiappa lors d’un passage à la télévision. Les internautes se livrant à ce genre d’attitude sont donc prévenus : il serait hasardeux de tenter de penser que sa responsabilité est diluée en agissant au sein d’un groupe.

Marlène Schiappa

Marlène Schiappa, à droite.
CC ActuaLitté

Combler un vide juridique

Pour expliquer sa position, le gouvernement rappelle que le cyberharcèlement « n’est pas constitué si les propos ou comportements subis par la victime de façon répétée émanent de plusieurs personnes dont chacune n’a agi qu’une seule fois y compris si ces personnes ont agi de concert ». Dans ces conditions, impossible d’aider une personne « victime d’un raid numérique  lorsque plusieurs internautes décident, d’un commun accord, de lui adresser des courriels offensants ».

« Pour éviter cette lacune dans la répression, l’article 3 complète les définitions du délit de harcèlement moral et du délit de harcèlement sexuel en indiquant que l’infraction sera également constituée lorsque ces propos ou comportements seront imposés à une même victime de manière concertée par plusieurs personnes, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée », déclare l’exécutif.

Cyber-harcèlement

Crédits : Les Internettes

Circonstance aggravante

Cette disposition, si elle est adoptée, complètera l’article 222-33-2-2 du code pénal, qui sanctionne que « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale », Internet étant alors une première circonstance aggravante.

En effet, les sanctions prévues s’élèvent au maximum à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende si ces faits ont été commis par l’utilisation d’un moyen de communication, soit le double des peines de base. Elles peuvent même être renforcées (3 ans de prison et 45 000 euros d’amende) si une autre circonstance aggravante est relevée : si la victime est un mineur de moins de 15 ans ou si elle est manifestement vulnérable (handicap, âge, maladie, grossesse, etc.).

Le texte de loi doit laisser au juge le soin de fixer le seuil déterminant le caractère groupé du cyberharcèlement.

(mise à jour avec le vote du texte en première lecture à l’Assemblée nationale)


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