En Turquie, près d’un million d’internautes ont demandé à leur fournisseur d’accès à internet d’activer le filtrage pour bénéficier d’un « internet plus sûr », vidé des contenus inappropriés pour les enfants et les âmes sensibles.

Aura-t-on un jour en France un modèle de censure du web à la turque ? Avec le projet de loi anti-terrorisme à l’examen à l’Assemblée Nationale, le Gouvernement veut confier à l’Etat le pouvoir d’établir souverainement une liste de sites internet que les FAI auraient l’obligation de rendre inaccessibles, sans aucun contrôle par un juge, ni aucune publication des sites concernés. En parallèle, des voix s’élèvent pour demander en France que les FAI proposent un filtrage parental directement au niveau de la connexion à internet, et plus seulement sous forme de logiciel de contrôle parental à installer sur un ordinateur.

C’est cette double méthode qui a été choisie en Turquie. Depuis 2009, la « loi n°5651 » permet à l’Etat d’ordonner aux opérateurs le blocage de toute une série de sites accusés de relayer des contenus d’abus sexuels sur enfants, des « obscénités », de la prostitution, de l’incitation à l’usage de drogues, des jeux de hasard, de l’incitation au suicide, ou des substances impropres à la santé. C’est cette loi, amendée en début d’année pour ajouter le blocage de contenus violant la vie privée, qui a temporairement permis au régime de Recep Tayyip Erdogan d’obtenir le blocage de Twitter.

Très vite, la Turquie a cessé de publier des rapports sur les sites qui étaient bloqués en vertu de la loi. Selon des activistes locaux, plus de 50 000 sites seraient aujourd’hui bloqués, sans que les motifs soient publiés, et plusieurs médias auraient ainsi été censurés.

2,7 % des internautes ont demandé un internet filtré

Mais par ailleurs, depuis 2011 une loi « sur les principes et procédures concernant les services Internet sûrs » permet aux abonnés à internet turcs de faire une demande expresse auprès des FAI, pour ne plus avoir accès à des contenus impropres aux mineurs. « Si le consommateur veut utiliser des services Internet plus sûr, le consommateur peut tout simplement informer l’opérateur par une page web, un centre d’appel ou par SMS« , expliquait au début du mois Ozgur Fatih Akpinar, le directeur de l’autorité turque de régulation des technologies de l’information et de la communication (ICTA), lors d’une présentation à l’Internet Government Forum (IGF) organisé à Istanbul. Les FAI doivent permettre aux abonnés de basculer facilement d’un profil à un autre, sans surcoûts.

Selon des documents transmis à Numerama par Ozgur Fatih Akpinar, au mois d’août dernier, 978 728 abonnés à internet en Turquie avaient librement choisi de demander le filtrage parental à leur FAI, ce qui ne représente que 2,7 % des 37 millions d’internautes. Le chiffre n’augmente que très peu, puisqu’il a progressé de seulement 1,4 % depuis el début de l’année. Mais pour le moment, la Turquie n’envisage pas de passer à un modèle de filtrage par défaut, qui obligerait les parents à faire connaître leur souhait de ne pas subir le filtrage. L’ICTA préfère augmenter sa prévention à travers des opérations de communications et des spots d’information à la télévision. Le Gouvernement, quant à lui, se satisfait certainement des pouvoirs de censure que lui offre déjà la loi n°5651, et qui s’imposent à l’ensemble des internautes, qu’ils aient opté pour le filtrage ou non.

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