Accusé d'avoir participé aux dégradations de permanences du Parti Socialiste, pour protester contre le projet du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, un blogueur anonyme raconte que les policiers ont "passé au crible" tout son matériel informatique pour compiler un maximum d'indices et de renseignements sur ses opinions politiques. 

Cela ne fait selon lui aucun doute, il s'agit de l'action d'une police politique. Un blogueur anonyme (ou un collectif de blogueurs) signant "Ian" a publié sur le blog L'interstice un récit très précis de sa mise en garde à vue par une brigade de police de Paris. L'auteur, dont le blog montre un engagement militant contre une certaine forme de surveillance policière, raconte avec force détails comment il a été interpellé dans la nuit du vendredi 16 novembre, et comment la police a mis en oeuvre les moyens d'examiner et de copier le contenu de son matériel informatique pour une infraction initiale d'une grande banalité.

Il raconte en effet qu'il lui est reproché, ce qu'il nie, d'avoir dégradé avec l'aide d'un complice la façade d'une permanence du Parti Socialiste dans le 12ème arrondissement de Paris en collant des affiches, et d'avoir commis un "outrage à personne dépositaire de l'autorité publique" en écrivant au marqueur ce message contre le projet du nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes : "Ayrault-porc, nous serons ta Bérézina".

Arrêtés pour ce motif, dans le cadre d'une procédure de flagrant délit, les deux hommes sont placés en garde à vue et transférés vers le Service d'Investigation Transversal (SIT). Logique : c'est à ce service qu'a été confiée l'enquête préliminaire ouverte dès le 23 octobre dernier pour une série de dégradations ayant touché différents locaux du PS depuis le 21 octobre, par protestation contre le projet d'aéroport nantais.

"Des éléments qui intéresseraient bien la DCRI"

Au bout de 24 heures, la garde à vue est prolongée. Puis, "je suis réveillé vers 9 heures du matin par Nicolas, Grégoire, Jerome et Ken, quatre flics du SIT qui viennent m'emmener en perquisition à mon domicile", raconte Ian. "Pas de mandat, puisqu'on est dans le cadre d'une enquête de flagrance (…) "je leur fait remarquer qu'il font le boulot d'une police politique et leur demande ce qui peut bien motiver une perquisition si ce n'est la recherche d'éléments sur mon appartenance politique, éléments qui intéresseraient bien la DCRI ou la SDIG, mais n'ont pas grand chose à faire dans une enquête sur des « dégradations légères".

Au domicile, les enquêteurs trouvent notamment des affiches politiques sur les murs, et des tracts sur la ZAD, ou "Zone à Défendre", du nom donné donné par les manifestants au lieu d'implantation du futur aéroport de NDDL.

Mais ça ne suffit pas. "Ils en profitent pour prendre des documents personnels permettant de retracer mon parcours politique et l'ensemble de mon matériel informatique (trois pc contenant 4 disques durs, plus 2 disques durs externes, plusieurs clés USB, un camescope…)", écrit le blogueur-militant. De retour au commissariat, deux agents de la BEFTI (Brigade d'Enquêtes sur les Fraudes aux Technologies de l'Information) interviennent.

"Tout le matériel informatique saisi dans nos appartement est passé au crible à l'aide du logiciel EnCase Forensic for Law Enforcement et d'appareils de blocage en écriture. Tous les fichiers, y compris préalablement supprimés, sont extraits et analysés à partir de mots clés en rapport avec les faits de dégradation : « parti socialiste », « zad »… Toutes nos photographies et documents personnels passent sous les yeux des techniciens-flics, qui démontent et analysent nos ordinateurs pendant plusieurs heures. Ce qui les intéresse est gravé sur un CD rom et ajouté aux scellés".

Les téléphones portables ont également été saisis. Un service spécialisé doit déterminer s'ils étaient présents à différents lieux où ont eu lieu des dégradations, grâce aux données de géolocalisation que transmettront les opérateurs téléphoniques.

Finalement, 62 heures après l'arrestation, l'homme est remis en liberté, et sera convoqué le 16 janvier 2013 pour son procès. "Entre temps l'inculpation pour outrage a disparu des chefs d'inculpation et le tribunal ne semble pas retenir (pour l'instant) les faits commis sur les autres permanence PS au cours du mois passé", assure Ian. "Heureux de savoir que l'ensemble de mes données personnelles sont passées entre les mains des flics…pour rien !"

Procédures nécessaires au bon déroulé d'une enquête pénale, ou usage disproportionné des moyens d'enquête de police ? 

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