Il y a des contradictions qui sont dures à accepter mais qui mettent en exergue les limites d’une organisation anarchique. Lundi, en réaction à un édito virulent de Christophe Barbier qui s’attaquait aux « anonymes » sur Internet en les mettant tous dans le même paquet, le site de L’Express a été attaqué par certains de ces mêmes anonymes. Comme d’autres, Numerama expliquait alors que c’était « des Anonymous » qui avaient mis en œuvre ces représailles, ce qui n’a pas manqué de soulever la colère voire l’indignation d’autres Anonymous qui prétendent savoir ce que font « les Anonymous ».
Beaucoup nous ont dirigé vers des communiqués, comme ceux de @Anonymous_FR, @Anonymous_France, ou celui-ci qui affirme que « Anonymous condamne fermement les attaques contre le site de l’Express » et qui explique que « Anonymous a pour principe de ne jamais attaquer les médias, même quand ceux ci sont en opposition avec nos actions« . Dans un article de 20 Minutes, les Anonymous regroupés sur un salon IRC dédié démentent que les Anonymous soient à l’origine de l’action. Ceux-là représentent, semble-t-il, la majorité des Anonymous français, et en tout cas la frange traditionnellement la plus active.
Mais par sa nature-même, Anonymous ne peut pas démentir être à l’origine des actions d’autres Anonymous. Les Anonymous sont tout le monde et personne à la fois. C’est un groupe diffus qui n’a aucune règle imposée, qui n’a aucun leader. Anonymous n’est d’ailleurs pas un groupe, c’est un symbole. N’importe qui peut prétendre être Anonymous sans avoir à respecter le moindre contrat d’honneur. C’est une auberge espagnole anonyme, où chacun apporte ses causes et ses modes d’action. Libre ensuite à chacun de suivre les causes et les actions qu’il estime les plus légitimes.
Tous ont pour point commun la défense de la liberté d’expression et de communication, mais il n’y a aucune règle écrite pour définir les limites à ne pas franchir.
Or la nature a horreur du vide, et particulièrement en terme d’organisation sociale. L’anarchie des Anonymous, si elle est toujours revendiquée, est dans les faits de moins en moins vraie. Des groupes constitués prétendent pouvoir parler au nom d’Anonymous, ce qui est contre l’idée-même du mouvement originel. Ils fédèrent autour d’eux des membres informels, créent des sections avec des blogs, des canaux de discussion, des réseaux sociaux… Les différents groupes cherchent à défendre leur éthique et leurs modes d’action, contre ceux à qui ils nient le droit de revendiquer l’appartenance à Anonymous. C’est une forme d’organisation politique, au sens noble du terme, qui se met en place.
L’article de 20 Minutes est à cet égard éloquent lorsqu’il cite le témoignage d’un Anonymous présent sur IRC. « Selon Mumei, l’internaute suggérant d’attaquer L’Express a reçu le soutien d’un membre affirmant « posséder 50 machines » et « des connexions gigabit », avant que les deux se fassent « envoyer bouler » par un administrateur« , raconte le journal. C’est donc bien d’un Anonymous et/ou avec l’aide d’un Anonymous que l’action a été lancée. Mais la plupart des Anonymous s’en désolidarisent et n’ont pas souhaité le rejoindre.
On atteint donc là les limites d’un mouvement qui se voulait « sans leader ni suiveur », mais qui ressent tout de même aujourd’hui le besoin d’une forme d’organisation démocratique. La majorité représentée par les groupes les plus influents et les plus présents décide (ou veut décider) de ce qui représente ou non le mouvement des Anonymous. Ils ont une image à faire respecter pour que le symbole Anonymous ne soit pas discrédité dans l’opinion publique.
Pour faire respecter ce qu’ils sont, les Anonymous doivent donc renoncer pour partie à ce qu’ils ont été. Une passionnante complexité.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !