Le ministère de l’Intérieur avait demandé à pouvoir examiner le contenu de téléphones portables saisis dans le cadre de l’état d’urgence, au prétexte que ceux-là contenaient des communications ou informations « en langue arabe ». Refus du Conseil d’État.

Selon une dépêche de l’AFP, le Conseil d’État s’est opposé lundi dernier à ce que la police exploite les données présentes dans trois téléphones portables saisis au domicile de deux individus de Lutterbach (Haut-Rhin) soupçonnés d’être des islamistes radicaux. Les appareils avaient été obtenus sans l’aval d’un juge, grâce à une perquisition administrative effectuée dans le cadre de l’état d’urgence.

C’est la première fois que la haute juridiction s’oppose ainsi à l’exploitation de données obtenues dans ce cadre, depuis que la loi sur l’état d’urgence a été modifiée pour ajouter des conditions procédurales et de fond à la consultation des données saisies. Pour pouvoir exploiter des données saisies ou copiées sur place, les policiers doivent obtenir l’autorisation d’un juge administratif qui vérifie « si la perquisition révèle l’existence d’éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace » terroriste. En l’absence de tels éléments, il doit interdire l’intrusion dans

Voiture police

CC Mic

la vie privée des suspects.

 

À la fin du mois d’août, le Conseil d’État avait autorisé l’exploitation de données d’un individu de Roubaix malgré l’absence d’un commencement de preuve de commission ou de préparation d’un délit, parce que ce dernier avait reconnu pendant la perquisition être en contact avec des djihadistes de Syrie et d’Irak, avec qui il communiquait avec son téléphone. La justice avait estimé que ces communications, qui plus est réalisées « en usant notamment de messageries instantanées ou cryptées », constituaient des éléments suffisants relatifs à une menace.

Dans l’affaire des perquisitionnés de Lutterbach en revanche, le Conseil d’État estime que la perquisition n’a « donné lieu à la découverte d’aucun élément susceptible de constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Et l’AFP de préciser que :

En particulier, le Conseil d’Etat souligne, à l’intention du ministère de l’intérieur, que le seul fait que les téléphones contiennent des éléments « en langue arabe » ne suffit pas à établir une menace.

Si le Conseil d’État l’a rappelé, c’est nécessairement que le ministère de l’Intérieur avait utilisé cet argument pour expliquer pourquoi, à ses yeux, la perquisition avait bien révélé « l’existence d’éléments relatifs à la menace » suspectée. Mais heureusement le Conseil d’État rappelle qu’il n’est pas encore suspect de parler une autre langue que le Français dans ses communications privées, fût-ce l’arabe.

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