Alors que tout le monde a les yeux fixés sur la loi Hadopi et la mise en oeuvre prochaine de la riposte graduée, jetons un oeil au rétroviseur. La loi DADVSI, votée en 2006 sous l’ère de Renaud Donnedieu de Vabres pour enrayer déjà le piratage sur Internet, n’est pas encore complète. Il lui manque plusieurs décrets d’application, dont celui qui doit encadrer le respect de la copie privée dans les offres de contenus sous DRM.

Dans un mois, la loi DADVSI soufflera sa quatrième bougie. On sait déjà que depuis 2006, les dispositions pénales de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information n’ont jamais été appliquées par les tribunaux. En particulier celles qui visent à interdire la possession ou l’usage de moyens techniques permettant de contourner les DRM pour réaliser des copies des œuvres, ou simplement pour les lire. Mais la loi n’est même pas encore complète.

Ainsi à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de contrat d’objectif et de moyens passé entre l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et l’Etat pour la période 2010-2014, la commission des affaires culturelles a appelé le gouvernement à « faire paraître, dans les plus brefs délais, le décret relatif au dépôt légal de l’Internet« . Pour favoriser la préservation d’un patrimoine numérique, le gouvernement avait en effet prévu d’obliger tous ceux qui « éditent ou produisent en vue de la communication au public par voie électronique (…) des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature » à déposer ces documents à la Bibliothèque Nationale de France et à l’INA. Cette dernière expliquait sur son site Internet qu’elle allait commencer en janvier 2009 « l’archive du web français en relation avec le secteur de la communication audiovisuelle« , grâce à des « robots de collecte spécifiques développés à l’INA« , qui devaient aspirer quotidiennement les sites sélectionnés.

Mais le décret qui doit fixer « les conditions de sélection et de consultation des informations collectées », pris après avis de la CNIL, n’a toujours pas été publié. L’archivage n’a donc pas pu commencer.

Le texte sur le dépôt légal n’est toutefois pas la seule mesure réglementaire dont la non publication bloque toujours l’application d’une partie de la loi DADVSI. On peut ainsi constater, entre autres, les absences de publication des :

  • Décret d’application de l’article L331-37 du code de la propriété intellectuelle, sur les conditions d’application des dispositions relatives à la mission de « régulation et de veille » sur les DRM, qui doit permettre notamment à l’Hadopi (qui hérite à cet égard des fonctions de l’ARMT) de fixer « le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l’exception pour copie privée » lorsque les œuvres sont protégées par DRM. Le texte doit aussi prévoir « les modalités d’information des utilisateurs d’une œuvre » relative aux « conditions d’accès à la lecture« . L’absence du décret est bien opportune, puisqu’elle permet aux ayants droit de ne même pas autoriser une seule copie, et de s’en tenir à une information minimale des clients.
  • Décrets d’applications de l’article 15 de la loi DADVSI, qui a créé une obligation de déclaration préalable et de fourniture du code source auprès des services de sécurité de l’Etat des « logiciels susceptibles de traiter des œuvres protégées et intégrant des mesures techniques permettant le contrôle à distance direct ou indirect d’une ou plusieurs fonctionnalités ou l’accès à des données personnelles« . Deux décrets sont attendus. Celui qui fixe « les conditions dans lesquelles sont souscrites ces déclarations et transmises les informations techniques« , et celui qui détermine les conditions d’application de l’article, « ainsi que la nature des systèmes de traitement automatisé de données auxquels elles s’appliquent« . Le gouvernement était contre cet article, mais il avait été adopté. Il n’a donc pas publié les décrets, qui auraient obligé les fournisseurs de DRM à dévoiler leur code source à l’Etat.
  • Décret d’application de l’article L131-3-3 du code de la propriété intellectuelle, sur les conditions d’exploitation des droits des auteurs lorsqu’ils sont agents de la fonction publique. Dès qu’il s’agit de fixer les conditions de rémunération de ses agents, l’Etat est beaucoup moins pressé de déterminer les règles….

On notera aussi que la loi DADVSI avait créé un article L336-2 du code de la propriété intellectuelle qui faisait obligation aux fournisseurs d’accès à Internet d’adresser « à leurs frais, aux utilisateurs de cet accès des messages de sensibilisation aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique« . Un décret devait déterminer la modalités de diffusion du message. Mais le texte réglementaire n’est jamais paru, et ne paraîtra jamais, puisqu’il a été écrasé avec la loi Hadopi. Il n’est plus question d’envoyer des messages de sensibilisation à tous les abonnés, mais uniquement des messages d’avertissement aux abonnés suspectés.

Enfin, la loi DADVSI demandait au gouvernement dans son article 52 la remise d’un rapport du gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre de la loi, et la mise en place d’une « plate-forme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l’offre commerciale en ligne, de mettre ses œuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d’en obtenir une juste rémunération« . Ni ladite plate-forme ni le rapport n’ont vu le jour.

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