Le Sénat doit débattre mercredi d’un projet de résolution visant à demander au gouvernement la mise en place d’un revenu de base universel, que tous les Français toucheraient quelle que soient leurs ressources.

Alors que l’effet de l’automatisation sur l’emploi est de plus en plus perçu comme une cause structurelle du chômage, actuel ou futur, la vieille idée d’instaurer un revenu universel de base que toucheraient tous les citoyens refait surface. Il pourrait en effet être financé en totalité ou en partie par les gains de productivité offerts par l’intelligence artificielle et la robotisation, permettant à l’Homme de tirer véritablement profit du progrès technologique.

Le Sénat doit ainsi débattre mercredi prochain d’un projet de résolution déposé par le groupe écologiste, qui vise à demander au gouvernement de prendre « les mesures nécessaires pour mettre en place un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, notamment d’activité, distribué par l’État à toutes les personnes résidant sur le territoire national, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement seront ajustés démocratiquement ».

Il s’agirait de garantir à toutes les personnes résidentes en France un revenu mensuel fixe minimum, sur le même modèle que des expérimentations déjà menées ou programmées en Finlande (800 euros par mois), aux Pays-Bas, en Inde, au Brésil, ou en Alaska ou plus récemment, en Ontario (Canada).

Une idée transpartisane

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La résolution écologiste, qui n’a pas de portée juridique obligatoire pour le gouvernement, pourrait être soutenue par tous les bancs de l’hémicycle, tant elle fédère à la fois des idéologues de gauche et de droite, pour des raisons évidemment différentes. Les premiers y voient le moyen de mettre fin à la grande pauvreté, en assurant à tous un revenu de subsistance digne. Les seconds y voient en outre le moyen de mettre fin à l’empilement des aides sociales, en ayant pour tous un même socle qui évite de recourir à des dossiers administratifs très complexes, qui demandent traitements et contrôles — avec donc, potentiellement, un coût pour la collectivité moindre que le système actuel, et un revenu universel inférieur aux aides cumulées par certains foyers.

Dans les motifs de la résolution, les députés écologistes rappellent à cet égard que « de nombreux politiques de tous bords ont pris position en faveur du revenu de base », d’Arnaud Montebourg à Dominique de Villepin, en passant par Frédéric Lefebvre ou Delphine Batho.

Le texte de la résolution demande à prendre « acte des évolutions du monde du travail dues à l’émergence de l’économie numérique qui diminue la demande de main d’oeuvre », et souligne que « de nombreuses activités, pourtant génératrices de valeur d’usage, notamment dans les domaines social, sanitaire et culturel, ne donnent droit aujourd’hui à aucune rémunération » (donner de son temps pour enrichir le savoir commun sur Wikipédia, par exemple).

L’annonce d’un revenu de base universel aurait pu faire passer la pilule du projet de loi Travail

Proposé par le Conseil national du numérique dans un rapport de janvier 2016, le revenu de base universel est aussi une piste sur laquelle le gouvernement travaillerait. « Le revenu de base constitue effectivement un sujet très important, parfois considéré comme une réponse possible à ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » de l’économie, avait indiqué la secrétaire d’État au numérique, Axelle Lemaire.

« La réflexion est engagée au sein du Gouvernement, notamment par la ministre du travail ; des députés y travaillent également, en particulier Christophe Sirugue, qui s’est vu confier la mission de réfléchir à l’efficacité et à la lisibilité de certaines dispositions, notamment celles relatives aux minima sociaux », avait-elle ajouté.

Si elle était adoptée, la résolution ne ferait qu’encourager le gouvernement à creuser cette piste. Mais il est sans doute trop tard, à près d’un an des élections de mai et juin 2017. L’expérimentation en France d’un revenu de base universel aurait pourtant pu être la grande annonce sociale de François Hollande pour son quinquennat, susceptible de mieux faire passer la pilule du projet de loi Travail de Myriam El Khomri. Occasion manquée ?


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