La proposition de loi pour « lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » a finalement été adoptée. Ce jeudi 1er juin 2023, la loi a été approuvée à l’unanimité par les sénateurs, après avoir été votée par les députés le mercredi 31 mai. Les deux rapporteurs du texte, Arthur Delaporte (Nupes) et Stéphane Vojetta (Renaissance) se sont tous les deux félicités sur les réseaux sociaux, expliquant leur « grande fierté ». « Plus personne ne pourra dire qu’il ignore la loi. Place désormais à son application », a annoncé Arthur Delaporte.
Le texte va désormais mieux encadrer cette profession, encore très nébuleuse, mais de plus en plus populaire sur les réseaux sociaux et auprès des jeunes. Et toujours plus visible. Voilà tout ce que la loi va changer pour les influenceurs.
Un meilleur encadrement
Une définition de l’influenceur
Le texte détaille un large éventail de mesures, mais cherche tout d’abord à encadrer plus formellement la profession. Les influenceurs sont donc précisément définis comme étant des personnes « qui mobilisent leur notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ». Cette promotion se fait « à titre onéreux ».
Précision importante : le texte note qu’il faut un montant minimum pour que les influenceurs soient concernés. Les personnes « ne sont pas soumises aux dispositions prévues au […] présent article lorsque la rémunération de l’activité […] ou la valeur totale cumulée de l’avantage en nature concédé en échange de celle‑ci est inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État. » En clair : le texte instaure un montant minimum de rémunération pour atteindre le statut d’influenceur. On ne connait pas encore ce montant.
Encadrement de l’agent d’influenceur
La loi va aussi réguler le métier d’agent d’influenceur, dont le rôle est de plus en plus important : négociation des prix des contrats des influenceurs, choix de ce qui sera promu, etc. Désormais, pour être agent, un contrat écrit avec la personne représentée devra être établi. Les agents doivent faire en sorte d’éviter « les situations de conflits d’intérêts » et « garantir la conformité de l’activité [de l’influenceur] à la présente loi ».
Des règles durcies pour les influenceurs
Interdiction de certaines promotions
Comme le Service public le résume, « la loi interdit désormais les publicités faisant la promotion :
- de la chirurgie et la médecine esthétique ;
- de certains produits et services financiers (notamment concernant les crypto-monnaies) ;
- de l’abstention thérapeutique ;
- des sachets de nicotine ;
- des abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs. »
La loi rappelle également que les influenceurs doivent respecter la loi Evin, qui limite la publicité pour l’alcool. Cette publicité n’est cependant pas interdite.
Les promotions de NFT et de crypto-monnaies possibles, sous certaines conditions
Les influenceurs gardent le droit de faire la promotion de services financiers, tels que des crypto-monnaies et des NFT, mais seulement dans certaines conditions. Sont exempts de l’interdiction les annonceurs enregistrés « dans les conditions prévues à l’article L. 54‑10‑3 [du code monétaire et financier] ou agréé dans les conditions prévues à l’article L. 54‑10‑5 du même code ».
Concrètement, pour pouvoir faire la promotion de crypto-monnaies, il faut que les influenceurs signent avec des entreprises étant enregistrées comme PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques), u statut définit par la loi Pacte de 2019. Pour l’obtenir, les entreprises doivent subir un examen approfondi de l’AMF.
Les promotions pour des produits financiers venant d’autres annonceurs sont interdites.
Déclarer les images retouchées et les promotions
Les influenceurs devront préciser que leurs photos ont été retouchées dans un but amincissant si elles accompagnent une promotion. Plus précisément, « une modification par tous procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage sont accompagnés de la mention : « Images retouchées » ».
On peut imaginer qu’elle imposera aux influenceurs de préciser s’ils ont recouru à des filtres sur des selfies, ou si certains clichés sont retouchés avec Photoshop ou un autre logiciel.
Les promotions doivent toujours être « explicitement indiquées par une mention claire, lisible et identifiable sur l’image ou la vidéo », et ce, durant l’intégralité de la promotion. Il existait déjà l’obligation pour les influenceurs de préciser lorsqu’une publication était sponsorisée, mais dans de nombreux cas, elle restait mal appliquée ou ignorée.
Des clauses spéciales pour les résidents de Dubaï
De nombreux influenceurs français n’exercent pas sur le territoire national, mais à l’étranger — notamment Dubaï. La ville au Moyen-Orient s’est transformée en quelques années en paradis pour les créateurs de contenus, et l’éloignement peut faire croire qu’il est possible de contourner les règles françaises, sans risque et sans contrainte.
Pour y remédier, le texte indique que si un influenceur « n’est pas établi sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne », il devra « désigner par écrit une personne morale ou physique pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l’Union européenne ». Ce représentant devra « garantir la conformité des contrats ».
Ainsi, pas question d’essayer de contourner les réglementations en vigueur. Tous les contrats commerciaux devront être établis avec les représentants légaux des influenceurs s’ils ne sont pas établis dans l’Union européenne.
La protection des enfants
Des « mesures spécifiques viennent protéger les enfants influenceurs », résume le site Vie Publique. La loi étend les règles codifiées sur le travail des enfants par la loi du 19 octobre 2020, à toutes les plateformes en ligne, que ce soit Instagram, TikTok, ou encore Snapchat ou Facebook. Concrètement,« les enfants influenceurs commerciaux seront protégés par le code du travail », ce qui impose certaines limitations. Ainsi, les parents « devront signer leurs contrats avec les annonceurs et consigner une part de leurs revenus ».
Un statut de « signaleur de confiance »
Enfin, le statut de « signaleur de confiance » est instauré. Ce statut, qui est fixé par l’article 22 du règlement (UE) 2022/2065, peut être attribués à plusieurs entités. Il s’agit d’entités « qui ont démontré qu’elles possèdent une expertise et une compétence particulières dans la lutte contre les contenus illicites et qu’elles travaillent de manière diligente, précise et objective. »
« Il peut s’agir d’entités publiques », comme Europol « en ce qui concerne les contenus terroristes », ou bien d’organisations non gouvernementales, et d’organismes privés ou semi-publics, tels que « les organisations faisant partie du réseau INHOPE de permanences téléphoniques ». Ces dernières s’occupent des signalements pour le « matériel pédopornographique », ou encore des « expressions racistes et xénophobes illégales en ligne ».
Ce qui change réellement avec ce statut, ce sont les relations que les réseaux sociaux auront avec ces entités. Ainsi, « les fournisseurs de plateformes en ligne prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les notifications soumises par des signaleurs de confiance soient traitées prioritairement ». La loi instaure une hiérarchisation des signalements, avec des signaleurs prioritaires sur certains sujets.
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