Le site Sankaku Complex, utilisé par des passionnés de culture japonaise et d'images de manga "hentai", est lui aussi censuré sur ordre du ministère de l'intérieur. Une application stricte de la loi.

Au début du mois, Numerama rapportait que plusieurs sites de mangas avaient été bloqués en France sur décision souveraine du ministère de l'intérieur, accusés de diffuser des images pornographiques mettant en scène des enfants. Depuis la publication du décret du 5 février 2015 qui autorise par ailleurs le blocage de sites faisant prétendument l'apologie du terrorisme, les services de police ont en effet la possibilité d'exiger des FAI le blocage sans délai de tout site contrevenant à l'article 227-23 du code pénal, qui interdit "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique".

Depuis un arrêt de la cour de cassation du 12 septembre 2007, il est admis par la justice que la loi interdit toute représentation sexuelle d'un "personnage ayant les traits d'un jeune enfant", même s'il s'agit d'un dessin et non d'une photographie ou d'un film. Depuis 2013, il est même interdit de dessiner chez soi de telles images, y compris si les dessins ne sont pas montrés à quiconque.

En 2011 l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) qui a en charge de dresser la liste des sites à bloquer avait été jusqu'à faire censurer une BD qui n'était qu'une plaisanterie de mauvais goût, absolument pas explicite dans ses dessins.

Un autre site de mangas s'ajoute à la liste. Sankaku Complex, qui fait partie de nombreux sites spécialisés dans la diffusion d'images de mangas érotiques ou pornographiques, est désormais censuré en France. Plus exactement, c'est son sous-domaine chan.sankakucomplex.com qui est bloqué par l'effet d'un DNS-menteur. Le sous-domaine est celui qui offre aux visiteurs l'accès à environ 5 millions d'images référencées et à un moteur de recherche, ainsi qu'à la possibilité de noter et commenter les images, triées par tags et par caractère plus ou moins "explicite".

L'accès au domaine renvoie les visiteurs français vers un serveur du ministère de l'intérieur. "Vous avez été redirigé vers cette page du ministère de l'intérieur car vous avez tenté de vous connecter à un site comportant des images de pornographie enfantine", dit le message.

Dans un billet publié sur son blog, Sankaku Complex assure que ses images sont "des oeuvres 2D légales dans la totalité des juridictions, sauf les plus répressives et rétrogrades". Il dit n'avoir aucune idée des images qui auraient pu provoquer la décision du blocage parmi les millions qu'il héberge, et n'avoir reçu aucun préavis ni aucun message de la part des autorités françaises.

"Hélas, l'hystérie sur le terrorisme et la pédopornographie a encore été exploitée pour justifier un système de censure sans contrôle qui peut rapidement être étendu pour bloquer tout contenu que l'état n'approuve pas", se désole le site. Il pointe l'ironie d'avoir attendu une attaque terroriste contre la liberté d'expression, l'attentat contre Charlie Hebdo, pour publier un décret qui autorise cette censure. 

Selon nos constatations, Sankaku Complex n'affiche pas d'informations sur l'hébergeur, ce qui autorise légalement le ministère à demander le blocage directement auprès des FAI. Il n'offre pas non plus d'informations de contact, sauf une adresse e-mail.


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