Opposant notoire à la riposte graduée qu'il a longuement combattu dans l'hémicycle lors des débats sur la loi Hadopi, le député Lionel Tardy (UMP) n'en oublie pas pour autant un autre principe : la séparation des pouvoirs. Il s'insurge donc de voir que le Gouvernement tente d'obliger la Haute Autorité à se concentrer sur la seule riposte graduée, en usant des dotations budgétaires comme moyen de pression.

Les relations sont plus tendues que jamais entre une Hadopi qui avait déjà menacé d'attaquer l'Etat en justice pour ses étranges lenteurs administratives, et un Gouvernement qui n'a pas le courage de respecter la promesse présidentielle de supprimer la loi Hadopi, et qui se contente donc de l'asphyxier financièrement.

Alors qu'elle pouvait compter sur un budget de 8,5 millions d'euros en 2014, l'Etat a décidé de n'octroyer à l'Hadopi que 6 millions d'euros de dotation pour l'année prochaine, ce qui la prive des moyens d'agir pleinement dans toutes ses missions. Le Gouvernement pensait l'obliger à se concentrer sur la seule riposte graduée, pour plaire aux professionnels du cinéma et de la musique. Mais en réaction, la Haute Autorité a fait savoir qu'elle réduirait la voilure de la riposte graduée, pour pouvoir assurer les autres missions prévues par la loi — celles dont ni les ayants-droits ni le gouvernement ne veut, car elles ne visent pas à chasser du pirate, mais à réfléchir, voire à faire respecter les droits des internautes.

Cette guerre froide provoque des fronts renversés pour le moins inattendus. On voit ainsi que des internautes se mettent à défendre l'Hadopi contre les ayants-droits, et que même des parlementaires notoirement hostiles à la riposte graduée demandent que la loi, qu'ils n'ont personnellement pas votée, soit tout de même respectée par le Gouvernement.

Ainsi le député UMP Lionel Tardy a adressé ce vendredi une question parlementaire à la ministre de la culture Fleur Pellerin, pour s'indigner de ce que le Gouvernement ne donne pas les moyens suffisants à une autorité administrative indépendante pour satisfaire à toutes les missions prévues par la loi, donc par le législateur. Il y voit une violation de la séparation des pouvoirs de la part de l'exécutif qui cherche à réduire par le budget la portée de ce qu'a voté le Parlement.

"La détermination des missions des autorités indépendantes, quelles qu’elles soient, est une prérogative du Parlement qui ne saurait être contournée par ce genre de méthode et à cause d’un certain manque de courage", rappelle Lionel Tardy dans un communiqué où il réaffirme néanmoins son hostilité de principe à la loi Hadopi. Un principe ne doit pas chasser l'autre.

Sa question parlementaire, qui sera publiée mardi prochain au Journal Officiel :

M. LIONEL TARDY interroge Madame la ministre de la culture et de la communication sur la subvention versée à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Le projet de loi de finances 2015 prévoit le maintien de cette subvention par rapport à 2014, à 6 millions d’euros. S’il est indiqué par le ministère que ce budget « doit permettre de maintenir en 2015 le périmètre de ses missions actuelles », force est de constater qu’il est objectivement insuffisant pour poursuivre l’exercice des missions que le législateur a voulu absolument confier à cette autorité publique indépendante.

Pour preuve, dans sa présentation du PLF 2014, le ministère indiquait que, pour compenser la diminution de la subvention de la Hadopi, qui passait alors de 7 millions en 2013 à 6 millions d’euros en 2014, son « fonds de roulement permettra[it] d’assurer la continuité des missions ». Il le reconnaissait à nouveau dans le rapport annuel de performance annexé à la loi de règlement pour 2013, lorsqu’il indiquait que « la baisse de la subvention accordée à la HADOPI en 2013, d’une part comparée aux années précédentes et d’autre part comparée à la LFI, n’a pas cependant grevé la capacité d’action de la Haute autorité, qui disposait d’un fonds de roulement suffisant pour lui permettre d’absorber cette diminution ». Affirmer que le montant de 6 millions d’euros est suffisant aujourd’hui est donc une contradiction manifeste par rapport aux déclarations précitées.

En effet, en 2015, la Hadopi ne disposera plus de disponibilités en fonds de roulement suffisantes pour compléter sa subvention. Une hypothèse évoquée de façon récurrente présente cette restriction comme un moyen de limiter l’action de la Hadopi à la seule procédure de réponse graduée. Si cette hypothèse est vérifiée, cela signifierait qu’une réforme des missions de la Hadopi est en cours. Or, une telle réforme ne saurait se faire subrepticement par la contrainte budgétaire, mais doit impérativement passer par le Parlement et faire l’objet d’un débat, que l’abandon annoncé du projet de loi création ne permettra malheureusement pas.

Il souhaite donc savoir si la question de l’avenir de la Hadopi et des ces missions va faire l’objet d’un débat législatif. Si tel n’est pas le cas, il souhaite savoir comment elle compte permettre à cette autorité publique indépendante de mettre en œuvre l’ensemble des missions que lui a confié le législateur et auquel le gouvernement a, depuis 2012 et aux dernières nouvelles, affirmé son attachement.


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