Constatant que la Russie a attaqué la Géorgie en 2008 et amassé ces dernières semaines des troupes à la frontière ukrainienne, l'Estonie veut être en mesure d'assurer la continuité de l'État même en cas d'invasion russe. Se sachant très dépendant du numérique, le petit pays balte réfléchit à se réfugier dans le cloud en déplaçant des données clés dans des serveurs installés dans ses ambassades.

En l'espace de vingt ans, l'informatique a pris une place considérable dans les sociétés occidentales. La numérisation croissante des informations couplée à la multiplication des démarches que l'on peut réaliser sur Internet ouvrent bien sûr de nouvelles perspectives pour l'administration et les citoyens, mais posent aussi de nouveaux défis, ne serait-ce qu'en matière de protection des données personnelles.

Du fait du rôle de plus en plus central d'Internet, certaines actions peuvent avoir un effet particulièrement nuisibles sur la bonne marche d'un pays. On se souvient par exemple que l'Estonie a été la cible d'une série de cyberattaques en 2007. À l'époque, le pouvoir en place avait pointé du doigt la responsabilité de la Russie, laquelle a évidemment nié toute implication.

À l'époque, l'affaire a permis de mettre en lumière la très grande dépendance du petit pays balte vis-à-vis du numérique et, d'une certaine façon, sa fragilité. Il faut dire que l'Estonie est vraiment une nation très en pointe dans ce domaine : des écoles ont ainsi rendu obligatoire l'apprentissage de langages de programmation dès l'école primaire, tandis qu'un quart de la population se sert du net pour voter.

Plus généralement, c'est aussi l'un des pays les plus connectés en Europe et, selon l'OCDE, l'une les plus en avance sur le déploiement de la fibre optique en comparaison de ses voisins européens. L'accès au réseau est même devenu un droit de l'Homme. Sur un plan plus politique, l'Estonie s'était aussi distingué pour réclamer la transparence du projet de traité ACTA.

Du fait des particularités de l'Estonie, il n'est pas vraiment étonnant de voir que la capitale du pays a été choisie pour accueillir un centre d'excellence de l'OTAN chargé des questions de cyberdéfense (Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence). Et visiblement, le gouvernement souhaite aller plus loin encore et faire ses relations avec les autres membres de l'alliance Atlantique.

Le site Quartz signale que les autorités estoniennes réfléchissent à un scénario stratégique en cas d'invasion du pays par la Russie, considérant que la présence d'un fort contingent de l'armée russe à proximité de la frontière ukrainienne et la volonté affichée du président Vladimir Poutine de renouer avec une politique de puissance sont des raisons suffisantes pour se préparer au pire.

L'idée serait d'équiper les ambassades estoniennes de serveurs afin qu'elles puissent réceptionner des données utiles au gouvernement et assurer autant que possible la continuité de l'État et le fonctionnement de certaines administrations. Certains pays de l'OTAN (Allemagne, Canada et Pays-Bas) ou alliés (Australie) pourraient même participer directement à l'hébergement d'urgence.

"Nous planifions le fait de faire fonctionner notre gouvernement dans le cloud," a expliqué à Sky News le directeur général de l'Autorité des systèmes d'information estoniens, dont les propos ont été repris par Slate, avec le souci de répartir la charge sur un certain nombre de sites pour tenir bon même en cas d'invasion militaire par une importante puissance étrangère.

Le scénario imaginé par l'Estonie, sans doute l'un des pires qui pourraient survenir, a toutefois extrêmement peu de chances de se concrétiser. Le petit pays balte est en effet membre de l'OTAN et, en vertu de l'article V, une agression envers un pays membre est considérée comme une agression envers tous les autres pays membres.


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