La lutte anti-piratage conduite avec des outils de signalement automatisés génère régulièrement des problèmes. Dernièrement, c’est un distributeur américain qui a demandé à Google de censurer des liens légitimes évoquant son dernier documentaire, en les incluant dans une longue liste d’adresses permettant de le pirater.

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Du fait de sa position stratégique dans la recherche en ligne, Google reçoit chaque jour des millions de requêtes visant à obtenir le déréférencement d’adresses web. Dans ce domaine, les industries du divertissement sont particulièrement actives car celles-ci savent bien que la firme de Mountain View a l’obligation de traiter ces demandes, sous peine de voir sa responsabilité engagée.

La loi américaine DMCA contraint l’hébergeur à contrôler les liens que les ayants droit lui soumettent et, le cas échéant, à les retirer si ces URL peuvent conduire effectivement à une infraction du droit d’auteur. D’après Google, son délai moyen de traitement par adresse est de six heures. Il existe cependant une procédure de recours pour rétablir un lien injustement supprimé (idem pour YouTube).

Mais ce mécanisme connaît des sorties de route régulières. Dans leur zèle, il arrive que les industries culturelles s’attaquent involontairement à leurs propres liens ou à des adresses complétement légitimes. C’est le problème d’un système de retrait automatisé : celui-ci ratisse large et peut toucher  des liens menant à Wikipédia, Facebook ou des sites de presse sans que ces derniers violent la loi.

En la matière, le dispositif a connu un nouveau dérapage raconté par Torrentfreak. Le distributeur américain Magnolia Pictures, soucieux de contrer le piratage d’Évocateur: The Morton Downey Jr. Movie, a utilisé le formulaire de demande de suppression de contenu protégé par des droits d’auteur. Mais dans le feu de l’action, Magnolia Pictures a demandé le retrait de quelques liens ne posant aucune difficulté.

Outre la bande-annonce publiée sur Dailymotion, deux articles de presse (The Week et Salon) et la fiche du film documentaire sur IMDb (Internet Movie Database) ont été happés au nom de la lutte anti-piratage. Google, évidemment, n’a pas donné suite sur ces liens précis. Sur les autres adresses (584 selon la demande publiée sur Chilling Effects), Google a en revanche passé un coup de balai.

D’aucuns diront sans doute que l’affaire n’est pas si grave au regard du faible nombre d’adresses innocentes impliquées. C’est vrai, il n’y en a que 4 sur 588. Mais ceux qui aujourd’hui tiennent un tel discours se montreront-ils aussi nuancés lorsque leur propre site web, blog ou site préféré sera pris dans l’automatisation aveugle des requêtes de suppression ? Car ce n’est pas le premier incident du genre.

Dans sa foire aux questions, Google rappelle d’ailleurs que des abus de ce mécanisme existent, avec des motivations parfois bien éloignées de la protection du droit d’auteur. Le moteur de recherche liste ainsi quelques exemples :

  • Un organisme de signalement américain mandaté par un important studio de cinéma a demandé, à deux reprises, la suppression d’une critique de film publiée sur le site d’un grand journal.
  • Une auto-école du Royaume-Uni a demandé la suppression de la page d’accueil d’un concurrent des résultats de recherche, sous prétexte que le concurrent avait copié une liste alphabétique des villes et des régions où les cours de conduite étaient proposés.
  • Un organisme de protection du contenu mandaté par des sociétés dans le domaine du cinéma, de la musique et des sports a demandé la suppression des résultats de recherche pointant vers des demandes de suppression liées à une atteinte aux droits d’auteur envoyées par l’un de ses clients et d’autres URL ne contenant pas de contenu illicite.
  • Aux États-Unis, une femme a demandé la suppression des résultats de recherche mentionnant son identité dans le cadre de procédures pénales, sous prétexte que son nom aurait pu être soumis à des droits d’auteur.
  • Plusieurs citoyens américains ont demandé la suppression des résultats de recherche qui redirigeaient vers des messages sur des blogs et forums associant leur nom à des allégations, lieux, dates ou commentaires négatifs.
  • Une entreprise américaine a demandé la suppression des résultats de recherche qui pointaient vers des messages publiés par l’un de ses employés au sujet d’injustices au travail.

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