Version durcie de la loi anti-piratage PROTECT IP Act, la proposition de loi E-PARASITES ACT propose d’aller encore plus loin. Les dispositions limitant la responsabilité des hébergeurs, le contournement du blocage et le streaming des contenus illicites sont autant de points ciblés par le texte.

Si les États-Unis peuvent se permettre de mettre en place une riposte graduée « light » sans aucune suspension de l’accès à Internet, c’est peut-être parce que la loi américaine offrira bientôt des moyens considérables aux autorités et aux ayants droit pour lutter contre le piratage à travers le monde. C’est en tout cas l’objectif de la proposition de loi PROTECT IP Act, désormais renommée en E-PARASITES Act. Tout un programme.

L’E-PARASITES ACT, version durcie de la PROTECT IP ACT

Validée en mai dernier par le comité judiciaire du Sénat américain, la loi est examinée par la Chambre des représentants. Les premiers retours sont catastrophiques. Techdirt rapporte que la version du texte discutée par les représentants est encore pire que celle débattue par les sénateurs. En l’état, la proposition de loi va tout simplement instaurer une « grande muraille numérique » autour des États-Unis. Comme en Chine.

Jusqu’à présent, la proposition de loi PROTECT IP Act avait essentiellement pour objectif de cibler les sites manifestement dédiés au piratage de contenus protégés par le droit d’auteur. L’idée était alors de taper au porte-monnaie en asséchant financièrement ces espaces en s’attaquant aux réseaux publicitaires (annonceurs, régies…) et aux intermédiaires (MasterCard, Visa, American Express, PayPal…).

Le ministère de la justice et les ayants droit pourraient ainsi demander à la justice une ordonnance visant à contraindre ces opérateurs de ne plus établir le moindre contact commercial avec un site dédié au piratage. Si l’énoncé paraît simple sur le papier, il reste toutefois des questions en suspend : comment par exemple déterminer si un site est dédié au piratage ? Que faire s’il héberge aussi des contenus légaux ?

DMCA : responsabilité accrue des intermédiaires

L’E-PARASITES Acte ne semble visiblement pas vouloir s’embarrasser de ces considérations. Le texte discuté par les représentants pourrait par exemple saper certaines dispositions contenues dans le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), loi adoptée en 1998 et qui protège les intermédiaires techniques de toute responsabilité dès lors qu’ils suppriment les contenus illicites lorsqu’ils les titulaires de droits les notifient.

Cela se traduirait mécaniquement par une responsabilité accrue des hébergeurs et des intermédiaires, obligeant ces derniers à être pro-actifs pour éviter de subir procès sur procès. Des plates-formes comme YouTube, eBay, Amazon, Flickr, Facebook, Twitter, Tumblr, Wikipédia pourraient être contraints d’établir une forme de filtrage a priori des contenus postés par les utilisateurs. Sans parler des blogs.

Ce risque sur la liberté d’expression avait été évoqué il y a 3 ans par Google dans son conflit judiciaire avec Viacom. En cherchant à rendre les hébergeurs et les fournisseurs de services responsables du contenu des communications, cela « menace la façon dont des centaines de millions de personnes s’échangent légitimement des informations, des actualités, des divertissements, et des expressions politiques et artistiques« .

« Imaginez le truc une seconde : regardez le nombre de notifications de retrait erronées envoyées par les ayants droit pour enlever des contenus qu’ils n’aiment pas ou dont ils ne possèdent pas les droits. Avec le nouveau texte, s’il a force de loi, ces mêmes ayants droit pourraient couper de bloquer la publicité et les transactions financières de ces sites. Sans contrôle judiciaire » s’alarme Mike Masnick. Un cocktail explosif.

Pénaliser le contournement du blocage des sites web

Le texte le s’arrête pas là. Il criminalise également les tentatives de contournement par les internautes de mesures de filtrage. Des initiatives comme MafiaaFire sont ici clairement visées. Cette extension pour Firefox et Chrome propose de rediriger les internautes vers un domaine alternatif lorsque celui d’origine a été saisi par les autorités. Une telle disposition pourrait potentiellement viser les proxys, les sites miroirs ou les VPN.

Rappelons en effet que les autorités américaines mettent en œuvre depuis plusieurs mois une nouvelle tactique contre les sites suspectés de favoriser le piratage et la contrefaçon de bien manufacturés. Avec l’aide du département de la justice et des douanes, les USA cherchent à rendre inaccessible les sites en saisissant les noms de domaine lorsque ceux-ci sont gérés par des sociétés basées sur le territoire américain.

La technique est assez efficace, puisqu’elle force les administrateurs de ces espaces à acquérir de nouveaux noms de domaine qui ne sont pas gérés par des services américains. L’opération, baptisée In Our Sites, a permis depuis l’an dernier de récupérer plus d’une centaine de noms de domaine de sites pirates ou promouvant des biens contrefaits.

La fin du net tel que nous le connaissons ?

Pour Mike Masnick, une telle loi signe ni plus ni moins la fin du net tel que nous le connaissons. Le texte va jusqu’à s’intéresser aux sanctions possibles contre ceux qui regardent du contenu protégé par le droit d’auteur en streaming. Au regard de la très grande popularité d’une telle pratique, cela revient de facto à placer des millions d’Américains dans une grande incertitude juridique. Une disposition inspirée de la loi s.978.

La pression sur les services de streaming n’est pas vraiment nouvelle. En 2009, l’American Society of Composers, Authors, and Publishers (ASCAP) se demandait si la diffusion sur des sites tiers, via le code d’intégration, de vidéos comportant certaines pistes audio n’est pas, en fin de compte, une performance publique nécessitant le paiement d’une licence spécifique.

Rappelons à ce sujet qu’en France, le lab Hadopi chargé des questions de propriété intellectuelle a livré son premier compte-rendu sur l’encadrement de streaming. À la différence du chemin emprunté par les USA, il exclue de sanctionner l’internaute qui regarde un contenu diffusé illégalement. Il préconise une responsabilité accrue des plates-formes d’hébergement, afin de les pousser à filtrer et à bloquer les contenus illicites.

Quel avenir pour l’E-PARASITES Act ?

Reste désormais à suivre le processus législative de ce texte. Quelle sera la version qui survivra aux discussions et amendements des élus américains ? Cette proposition de loi a-t-elle véritablement des chances d’entrer en vigueur ou sombrera-t-elle dans les oubliettes du Congrès américain ? De son côté, Mike Masnick n’a pas de qualificatifs assez durs pour fustiger ce texte.

« Cette loi est une abomination et une insulte à la Constitution. « Quiconque signe ou parraine ce texte supporte effectivement la censure de masse du net aux États-Unis, ainsi que la pénalisation de très nombreux Américains – tout en alourdissant la pression sur un secteur qui est contribue à la création d’emplois. Tout cela parce que quelques sociétés de l’industrie culturelle refusent de s’adapter« .

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