L’étude TEMPO réalisée pour la première moitié de l’année 2003 par Ipsos-Insight révèle que près d’un quart des P2Pistes américains de 18-24 ans ont déjà acheté un morceau de musique en ligne. Les chiffres ont doublé en tout juste six mois, ce qui prouve qu’avec des offres plus intéressantes et adaptées au consommateur, la musique payante a encore de beaux jours devant elle. Mais au delà de ces considérations économiques, l’étude ne fait que prouver le danger pour l’instant bien trop ignoré de l’article 8 du projet de transposition française de l’EUCD.

Contre 8% en Décembre 2002 et 13% en Avril 2003, c’est cette fois 16% des américains âgés de 12 ans et plus qui déclarent avoir déjà payé pour télécharger de la musique sur Internet. Les 18-24 ans, la génération Napster, sont les meilleurs clients de ces services puisqu’ils sont 22% à avoir franchis le pas. Entre 25 et 54 ans, 19% de ceux qui téléchargent de la musique sur Internet ont également payé pour le faire. Ce sont finalement les 12-17 ans qui se rebellent encore le plus contre les systèmes légaux, certainement en attendant une augmentation de leur argent de poche…

A noter que ces données ont été récoltées avant juillet 2002 qui a sonné le début des menaces de procès de la part de la RIAA. Ce n’est donc certainement pas par peur du gendarme que les utilisateurs se sont rués sur les plateformes payantes comme iTunes, mais bien parce que l’offre leur paraît de plus en plus intéressante. Là encore il sera intéressant de voir si l’apparition récente d’iTunes et d’autres services sous Windows aura un effet conséquent sur les chiffres de la fin 2003, ce qui démontrerait une évolution tangible du comportement des internautes vis à vis de la musique qu’ils téléchargent.

Le danger de l’EUCD face à la dématérialisation de la musique

Enfin l’étude met en évide le boom des lecteurs audio portables. 19% des téléchargeurs de musique possèdent aujourd’hui un lecteur MP3, alors qu’ils n’étaient que 12% en 2002. Avec la montée fulgurante des services de musique en ligne, on se dirige donc à grande vitesse vers une totale dématérialisation des œuvres musicales au profit d’une ère du droit à l’accès. Alors que jusqu’à présent consommer de la musique voulait dire acheter un CD chez son disquaire, demain avoir accès à la musique voudra dire payer un abonnement au service musical de son choix.

Contrairement à une idée communément admise, cette transition du marché a été parfaitement anticipée par l’industrie du disque, y compris et malheureusement d’un point de vue législatif. Les concessions offertes dans la transposition française de l’EUCD cachent ainsi dans son article 8 un danger pour l’instant bien trop occulté par une bataille de moindre importance contre la protection des DRM. Le dernier alinéa de cet article retire en effet aux majors toute obligation du respect au droit à la copie privée pour les œuvres obtenues et accessibles via un service de musique en ligne.

Or comme le prouve cette étude, demain toute la musique sera achetée (ou plutôt louée) sur des services en ligne. Le consommateur étant dépourvu d’un droit de copie, il ne pourra écouter les morceaux qu’il achète qu’aussi longtemps qu’il continuera à payer son droit d’accès à la plateforme musicale. Fini les vieux disques rangés dans un placard que l’on ne ressort qu’après quelques années.

Combattre ce dernier alinéa de l’article 8 nous semble donc dans cette perspective être une cause bien plus importante que de se battre contre les DRM. Car si l’EUCD garantie encore un droit à la copie privée pour les œuvres matérielles protégées par DRM, c’est par contre ici notre droit le plus intime à nous battir un patrimoine qui sera atteint demain.

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