Les drones de DJI, utilisés dans le monde entier pour filmer des paysages de vacances, servent aussi l’armée russe dans son invasion de l’Ukraine. C’est en tout cas ce que montrent les images filmées par des militaires russes issus des régiments tchétchènes et diffusées sur une chaîne du réseau Telegram en soutien à leur leader, Ramzan Kadyrov.
Jusque ici, le premier groupe mondial dans la vente de drone est resté sur une position ambivalente : « DJI n’a jamais rejeté l’affirmation selon laquelle l’armée russe utilise nos drones, mais nous n’avons pas non plus été en mesure de le confirmer », assure le géant chinois dans un mail à Numerama.
Nous pouvons toutefois clairement identifier un produit de la marque DJI sur cette vidéo de promotion (à partir de 1:08) des forces armées russes. Des membres d’un régiment tchétchène font décoller un drone, précisément le modèle Matrice 300 RTK de DJI, utilisé d’ordinaire dans le milieu professionnel pour inspecter et cartographier des zones de travaux. Le groupe chinois le propose à la vente pour 13 000 euros.
De nombreux détails attestent l’utilisation de ce produit dans un contexte d’invasion de l’Ukraine, au mois de mars 2022. On reconnait le drapeau vert-blanc-rouge de la République de Tchétchénie sur les uniformes des militaires. Les véhicules blindés en arrière-plan sont marqués d’un Z, lettre qui permet de déterminer la provenance géographique des régiments. En l’occurrence, la Russie pour le Z.
Des contributeurs de Projet Fox, un groupe anonyme pour la promotion du renseignement en temps de conflits armés, ont utilisés les données visibles sur les écrans pour localiser l’emplacement des militaires : le drone aurait été utilisé dans la région de Louhansk, qui est occupée par les forces russes depuis 2014 et l’invasion du Donbass.
L’appel du ministre ukrainien à DJI
Cette vidéo contredit les déclarations de DJI qui prétend que ses produits ne sont destinés qu’à un unique usage civil et « ne répondent pas aux spécifications militaires ». Le 16 mars, Mykhailo Fedorov, le ministre ukrainien en charge de la transformation digitale, interpellait le groupe sur Twitter afin qu’il cesse de collaborer avec la Russie et stoppe les ventes dans ce pays. Selon lui, les drones de l’entreprise chinoise aident l’armée russe à diriger les missiles. L’entreprise se défausse en commentaire, expliquant que ses appareils ne sont pas configurés pour une telle utilisation.
Bien que Numerama apporte le preuve directe de l’utilisation d’un drone DJI par l’armée russe pour une mission de repérage, le groupe nous a répond le 29 mars qu’il ne prévoit pas d’arrêter la vente de ses produits en Russie.
Le 25 mars, Mediamarkt, une enseigne allemande spécialisée dans l’électronique, annonçait qu’elle stoppait la vente des produits DJI après avoir reçu les preuves que ces derniers étaient bien utilisés dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine. Là encore, le leader du marché des drones répond qu’il ne soutient aucune utilisation criminelle de ses appareils, dans un communiqué publié le 28 mars.
« DJI ne soutient aucune utilisation de nos produits qui nuit à la vie, aux droits ou aux intérêts des personnes, comme nous l’avons toujours répété dans les conditions d’utilisation de nos produits et autres déclarations publiques. Nous avons pris et continuerons de prendre des mesures contre ce que nous considérons comme une utilisation abusive de notre technologie. Par exemple, nous ne fournirons pas de support technique lorsque nos produits sont utilisés à des fins militaires », peut-on lire dans le communiqué.
Pourquoi DJI n’impose pas l’arrêt des vols de tous ses drones au-dessus de l’Ukraine
Une question se pose concernant Aeroscope. Ce logiciel fourni par DJI permet à son utilisateur de localiser n’importe quel produit de l’entreprise, sur les 50 km aux alentours. Le gouvernement ukrainien a demandé à ce que le groupe chinois l’active pour tous les propriétaires ukrainiens de drones DJI, mais puisse les bloquer pour les Russes. DJI n’aurait pas les capacités techniques pour une telle manœuvre.
L’ultime solution serait encore d’installer une « no-fly zone » au-dessus de l’Ukraine. Le contrôleur de vol des drones peut bloquer le décollage sur un territoire spécifique sur foi des données GPS. Le groupe chinois le fait déjà dans certaines régions de la France, et rend publique sur son site la carte des no-fly zones instaurées.
Le ministre ukrainien en charge de la transformation digitale réclame clairement dans sa lettre officielle à l’entreprise de « bloquer les appareils DJI qui ont été achetés et activés depuis la Russie, la Syrie ou le Liban ».
Le 16 mars 2022 , DJI a toutefois publiquement assuré sur Twitter, que « si le gouvernement ukrainien faisait formellement la demande d’une no-fly zone au dessus de l’Ukraine, [l’entreprise] s’arrangerait pour le faire, en confirmité avec [ses] règles. Cela s’appliquerait à tous les drones en Ukraine, qu’importe qui en est le pilote. Mais il est possible que cela n’empêche pas tous les vols. ». Mais il est possible de faire voler des drones DJI sans qu’ils ne soient connectés à Internet : dans ce cas, la barrière « no-fly » n’aurait pas d’effet.
L’inspection de terrain réalisée par des drones est utilisée pour améliorer la précision des frappes de missiles, par exemple. La Russie aurait déjà tiré plus de 1 000 missiles sur l’Ukraine selon son président Volodymyr Zelensky.
Cet article a été mis à jour le 31 mars 2022 pour faire mention de la réponse de DJI à la question de la “no fly zone”.
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