Des perturbations GPS sont observées aux abords de Kaliningrad. La Russie est suspectée de tester un système de brouillage d’ondes d’un nouveau genre, appelé Tobol. La Pologne est particulièrement affectée par ce brouilleur.

Depuis le début de la guerre d’invasion de la Russie en Ukraine, le conflit s’est propagé dans tous les milieux (terre, air, mer et même espace), ainsi que dans plusieurs champs de conflictualité. Le cyber, avec des attaques informatiques, mais aussi la guerre informationnelle, avec des opérations de déstabilisation et de désinformation.

Brouillage GPS : comment ça marche ?

Le GPS s’appuie physiquement sur des signaux radio à des fréquences bien particulières. Si pour une raison ou une autre, ceux-ci sont difficilement accessibles, la géolocalisation est perturbée, voire impossible.

Mais, il y a un autre champ dans lequel le conflit entre l’Ukraine et la Russie se déverse : c’est celui de la guerre électronique, où les ondes radio sont « militarisées ». On s’en sert pour intercepter les communications de l’ennemi, surtout si elles ne sont pas ou mal sécurisées, ou bien pour les empêcher de circuler, en les brouillant.

Un exemple notable des effets de cette guerre électronique a été rapporté à la mi-janvier 2024, non pas sur le théâtre ukrainien, mais dans les environs de l’exclave de Kaliningrad, un tout petit bout du territoire russe coincé entre la Pologne et la Lituanie. Environ 500 000 personnes y vivent et d’importants moyens militaires s’y trouvent.

En effet, plusieurs signalements sur X (ex-Twitter) ont rapporté l’emploi d’un puissant brouilleur d’ondes à Kaliningrad. C’est le cas de Jürgen Nauditt, qui a partagé une carte de la région montrant l’intensité des interférences (vert : basses ou inexistantes ; orange : moyennes ; rouge : élevées). Il apparaît que la Pologne a été fortement touchée.

La situation du 10 janvier. La situation du 16 janvier.

« Hier, les Russes ont testé le système de guerre électronique à Kaliningrad, de sorte que près de la moitié de la Pologne et le corridor de Suwalki ont été privés de GPS », a-t-il écrit le 18 janvier. Suwalki est un espace long de 85 km séparant Kaliningrad de la Biélorussie, un allié de la Russie. C’est en fait la frontière entre la Pologne et la Lituanie.

Selon le site GPS Jam, deux évènements exceptionnels de brouillage ont lieu depuis le début de l’année autour de Kaliningrad, le 10 et le 16 janvier. Selon la carte, une bonne moitié de la Pologne a été affectée par ce test, et quelques territoires en Suède et en Lituanie. À chaque fois, ce sont les deux mêmes zones qui ont été globalement affectées.

D’autres perturbations, mais de bien moindre ampleur que celles des 10 et 16 janvier, ont été constatées depuis le début de l’année. Il y en a eu une un peu plus forte que les autres, le 13, sans que l’on sache si celle-ci et les autres ont un lien quelconque avec le système de guerre électronique situé à Kaliningrad.

Un brouilleur de signaux GPS russe appelé Tobol

On sait que l’exclave dispose d’un équipement particulier depuis plusieurs années. Le Vif en parlait déjà en avril 2023. Le 18 janvier, le site Intelligence Online indiquait que ce système, appelé Tobol, a connu une « montée en puissance » de nature à inquiéter les pays occidentaux. Les services de renseignement européens sont en alerte.

baltic jammer 1
Les métriques tendent à pointer l’origine des problèmes à Kaliningrad. // Source : Capture d’écran

Plusieurs internautes ont essayé de faire une estimation de l’emplacement du brouilleur GPS présumé de Kaliningrad, rapporte John Wiseman, l’auteur du site GPS Jam. Les évènements observés depuis plusieurs jours, et même avant janvier, pointent tous dans la même direction. Le point d’origine a l’air d’être dans ce petit bout de terre.

Les objectifs de Tobol sont discutés. Les tests affectent en tout cas des pays membres de l’OTAN (la Pologne, la Lituanie) ou en passe de l’être (la Suède). Or, les États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, s’ils ne sont pas en confrontation directe avec Moscou, ont pris fait et cause pour l’Ukraine.

Des actions délibérées ou des tests mal maitrisés ?

Depuis le début du conflit en Ukraine, en février 2022, la Pologne est devenue non seulement un refuge pour les Ukrainiens et les Ukrainiennes, mais également un hub logistique et militaire clé dans l’aide apportée à Kiev. C’est même un pays qui fournit l’une des assistances les plus importantes dans la défense de l’Ukraine.

Il est impossible de déterminer si ces actions sont délibérées de la part de Moscou ou s’il s’agit d’essais mal maîtrisés. Elles s’inscrivent en tout cas dans un contexte de tension croissante entre l’OTAN et la Russie. Tension accentuée par la bascule de la Suède et la Finlande, qui abandonnent leur neutralité pour l’OTAN.

Source : Capture d'écran
Kaliningrad, la Pologne, le Danemark. Choisissez votre suspect. // Source : Capture d’écran

Ce n’est en tout cas pas la première fois que la Russie se retrouve sur le banc des accusés, que ce soit au niveau de Kaliningrad où dans les autres régions du monde pour lesquelles Moscou a un intérêt immédiat : la mer Noire, l’est de la mer Méditerranée ou encore la Syrie, dont le régime est également un allié.

En octobre 2023, Radio Free Europe publié un article titré : « Le brouillage russe présumé du GPS fait peser de nouveaux risques sur la région de la mer Noire ». En mars 2021, The Telegraph et The Times indiquaient que la Russie était soupçonnée à l’époque de brouiller les systèmes GPS des avions basés à Chypre de l’armée britannique.

En 2019, Le Monde revenait sur la nouvelle guerre du GPS et ses risques, en signalant d’importantes perturbations au large de la Syrie. « La zone est complètement brouillée », déclarait à nos confrères un officier français. Des actions qui viseraient à repousser les navires de guerre occidentaux pour qu’ils ne s’approchent pas trop des bases russes.

Reste la question de l’emploi du Tobol. S’agit de perturber à la marge les frontières de l’OTAN, que ce soient les anciens pays membres ou les nouveaux venus, ? Ou bien est-ce l’occasion de tester un système en vue d’une utilisation plus large sur un théâtre ? Cela pourrait être l’Ukraine, où il y a déjà du brouillage en cours.

On sait que la Russie n’apprécie guère la présence de Starlink en Ukraine — il a même été rapporté que certains services pourtant très utiles à l’armée ukrainienne ont été ponctuellement interrompus pour éviter une escalade plus grave avec la Russie. On sait aussi que des armements occidentaux se basent sur le GPS pour se guider.

Nouveauté : Découvrez

La meilleure expérience de Numerama, sans publicité,
+ riche, + zen, + exclusive.

Découvrez Numerama+

Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !