Imaginez un instant : vous achetez un livre chez le libraire et puis un jour celui-ci vous annonce qu’il passera bientôt chez vous pour le reprendre. Ce serait certainement à vos yeux une situation intolérable. De quel droit se permet-il de confisquer l’ouvrage alors que vous l’avez dûment acheté ? Fort heureusement, ce genre d’incident n’arrive pas dans la vraie vie.
Dans le numérique, c’est une autre histoire.
La fermeture de la section dédiée aux livres sur le Microsoft Store le 30 juin 2019 vient rappeler à tout le monde que les œuvres acquises dans un quelconque format numérique ne sont pas toujours possédées ad vitam æternam. En effet, les livres achetés, loués ou obtenus gratuitement sur la boutique en ligne du géant des logiciels ne seront plus lisibles à partir de ce mois de juillet 2019.
Autrement dit, les ouvrages ne fonctionneront plus alors qu’ils ont été téléchargés tout à fait légalement. Alors certes, Microsoft se montre juste : dans une foire aux questions, la société indique que sa clientèle pourra demander un remboursement complet pour tous les achats passés sur sa plateforme. Les montants seront reversés sur le ou les moyens de paiement utilisés au moment de passer à la caisse.
La fermeture du service littérature de Microsoft Store et des conséquences qu’elle provoque ne sont évidemment pas passées inaperçues et ont suscité des réactions plus ou moins emportées, à l’image de Rob Donoghue, un concepteur de jeux de rôle, et Cory Doctorow, un écrivain et journaliste très impliqué dans les problématiques de gestion des droits numériques.
La cause de cette situation tient en trois lettres : DRM, pour Digital Rights Management ou gestion des droits numériques. Il s’agit de mesures techniques de protection qui sont censées verrouiller l’usage d’œuvres numérisées, au nom de la lutte contre le piratage. Sauf que les vrais pirates, eux, n’ont que faire des DRM : ils se servent déjà avec des ebooks sans DRM. Dès lors, ce sont uniquement les clients légitimes qui sont pénalisés.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les DRM sont parfois décrites comme des menottes numériques.
Les DRM sont un problème ancien
La foire aux questions de Microsoft ne parle pas des DRM sur les livres électroniques, mais c’est bel et bien cette technique qui est responsable de cette situation — et du fait que les ayants droit n’acceptent pas de relâcher le contrôle. Le problème est loin d’être récent. En 2008 par exemple, la chaîne de grands magasins Walmart a fermé ses serveurs de DRM en octobre 2008.
Résultat des courses, tous les fichiers musicaux achetés sur Walmart avant le mois de février 2008 n’ont plus reçu l’autorisation d’être lus après le 9 octobre, et sont donc devenus illisibles en cas de réinstallation du système d’exploitation ou de transfert vers un autre ordinateur ou périphérique transportable (à l’époque, c’était surtout des baladeurs MP3).
D’autres exemples, toujours dans la musique, peuvent être cités. On pense à Sony qui a conseillé à ses clients de contourner les DRM s’ils ont « acheté » de la musique sur Sony Connect, sous peine de ne plus pouvoir profiter de ces contenus.
Il y a aussi la fermeture de Virgin Digital, dont les contenus soi-disant vendus étaient sous DRM. Si une autorisation d’accès au média est requise lors de l’utilisation, il n’y a de fait pas de vrai transfert de propriété qui caractérise l’acte de vente.
Dans ces conditions, si vous préférez lire des livres sous format numérique, on ne peut que recommander de privilégier des plateformes légales qui permettent d’acquérir des ebooks sans aucun DRM, afin d’éviter une mauvaise surprise dans quelques années. Pour tous les autres, ce problème ne se posera pas si vous êtes plutôt de la vieille école et appréciez le contact avec le papier.
Au moins là, aucun libraire ne viendra vider votre bibliothèque pour un problème de DRM.
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