Au Moyen-Age et même jusqu'au 19ème siècle en France, les condamnés pouvaient se voir infliger une peine complémentaire d'infamie, sous la forme du pilori. L'article 22 du code pénal napoléonien prévoyait ainsi que "quiconque aura été condamné à l'une des peines des travaux forcés (…) ou de la réclusion, avant de subir sa peine, sera attaché au carcan sur la place publique : il y demeurera exposé aux regards du peuple durant une heure ; au-dessus de sa tète sera placé un écriteau portant, en caractères gros et lisibles, ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation". La disposition qui n'était plus qu'historique a été supprimée par une ordonnance de 1960.
Mais c'est un pilori moderne que la police de Grande-Bretagne a décidé de remettre au goût du jour. Les polices des comptés de Sussex et Surrey, dans le sud de Londres, ont ainsi annoncé qu'elles allaient mettre en place un dispositif très particulier de prévention de la conduite en état d'ébriété ou sous l'effet du cannabis pendant tout ce mois ce décembre, en prévision de la recrudescence traditionnelle d'arrestations lors des fêtes de Noël et de Nouvel An.
"Quiconque sera convoqué devant un tribunal en étant suspecté d'avoir commis une infraction de conduite sous l'effet d'alcool ou de stupéfiants verra ses noms et détails publiés en ligne, et ils seront disponibles pour les médias", promet le communiqué des policiers. Ces derniers n'attendront pas une éventuelle condamnation définitive avant de clouer l'automobiliste au pilori de Twitter
Avant-même la convocation devant un tribunal, "des agents de la patrouille routière tweeteront toute arrestation", en livrant des informations sur le lieu et l'heure de l'arrestation. Le nom du suspect sera ensuite publié sur Twitter et sur le site de la police dès que des poursuites seront officiellement engagées, mais avant la condamnation.
Throughout December & new year we'll be tweeting details of drink/drug drive arrests & the names of any charged as a result #drinkordrive
— Surrey Roads Police (@SurreyRoadCops) 30 Novembre 2014
L'objectif des policiers est clairement de faire des délinquants routiers qu'ils arrêtent des exemples à ne pas suivre, et d'ajouter la pression sociale à la pression policière. Est-ce toutefois une méthode à suivre ? Sans doute pas.
D'autant que le tweet, pour éphémère qu'il peut semble, restera gravé à vie, contrairement au pilori qui durait une heure. Il faudra alors que le suspect puisse faire valoir son droit à l'oubli pour que son arrestation ne soit plus associée à son nom lors de recherche Google ou autres.
Le fait de publier ainsi le nom d'un suspect avant-même sa condamnation pénale semble bien peu compatible avec les règles de respect de la vie privée et de droit à un procès équitable, qui sont des droits de l'homme que la Grande-Bretagne est censée faire respecter sur son territoire. Sur Twitter, la police se défend toutefois en prenant prétexte du principe de la publicité de la justice.
"Les informations sur qui apparaît au tribunal sont disponibles publiquement avant le plaider-coupable ou non-coupable, tout comme le résultat final du tribunal", rappellent les autorités. Les noms "seront déjà dans le domaine public".
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