A quelques heures de l'ouverture du scrutin pour l'élection du prochain président de l'UMP, le résultat de l'expertise sur la sécurisation de la plateforme de vote n'est toujours pas connu, et il ne le sera pas. Dans son enquête, Numerama s'est heurté au silence de tous les acteurs impliqués.

Ce samedi 29 novembre 2014 s'ouvre le Congrès extraordinaire de l'UMP et le premier tour de l'élection du prochain président du parti de l'opposition, qui voit s'affronter Nicolas Sarkozy, Bruno Lemaire, et Hervé Mariton. Ce sont ainsi très exactement 268 341 adhérents de l'UMP qui seront appelés à voter, en glissant un bulletin dans une urne totalement opaque à laquelle ils doivent faire confiance.

L'UMP a en effet choisi de recourir une nouvelle fois au vote par Internet, malgré les problèmes vécus dans de précédents scrutins. En 2012, le parti avait ainsi organisé ses primaires par Internet pour les élections municipales, et il avait été démontré des possibilités de fraude dues à une mauvaise sécurisation volontaire. De même en 2013 lors d'un précédent Congrès extraordinaire, il n'était même pas besoin d'un mot de passe pour voter.

Pour rassurer les adhérents sur le déroulé du scrutin, l'UMP a mis sur pied une Haute Autorité de l'Union, qui a choisi de confier l'organisation du vote à Paragon Elections, une société privée dont ce sera la première expérience en matière d'élections politiques. Sur le papier, les choses semblent plus sérieuses qu'auparavant. Le processus prévoit l'authentification de l'électeur par trois moyens (un identifiant unique, un mot de passe, et le numéro d'adhérent UMP), avec envoi des identifiant et mot de passe par la poste.

Vous avez demandé des réponses ? Ne quittez pas.

Mais l'on ne sait strictement rien de la sécurisation du vote et de sa plateforme. Dans son guide électoral (.pdf), la Haute Autorité de l'Union assure que "le scrutin est organisé conformément aux exigences formulées par la CNIL dans  sa délibération du 21 octobre 2010" (alors même que cette délibération n°2010-317 déconseille le vote électronique pour des élections de nature politique…), et prévient que "le dispositif, conformément aux recommandations de la CNIL, sera soumis au contrôle d'un expert indépendant agréé par elle".

Cependant, contacté plusieurs fois depuis jeudi par Numerama, l'expert Bruno Bonnaure du cabinet Expertis Lab mandaté par l'UMP ne nous a pas répondu. "Je ne me parviens pas à me libérer. Ce sera difficile avant le lancement du vote UMP de ce jour", nous a-t-il tout de même adressé par SMS. Interrogé par ce biais pour savoir si son rapport avait bien été remis à la CNIL comme le prévoit la recommandation de 2010, et s'il serait rendu public, celui-ci ne a pas répondu à l'heure où nous publions ces lignes.

De même pour la CNIL, qui avait déjà brillé par son silence en 2012, alors qu'elle avait permis au vote d'être organisé dans des conditions de sécurité catastrophiques, malgré la réception au tout dernier moment du rapport d'audit (à 48 heures du vote, il n'était toujours pas sur le bureau de la CNIL). Contactée deux fois ce vendredi, elle n'a pas pu ou pas souhaité nous répondre, prétextant un agenda surchargé en cette fin de semaine.

Même silence enfin côté UMP. Contactée jeudi, la Haute Autorité de l'Union, censée rassurer sur les conditions d'organisation du scrutin, ne nous a pas répondu concernant la réception et les conclusions du rapport d'audit qu'elle a commandée.

Un premier expert avait démissionné

A quelques heures de l'ouverture du vote, rien n'est donc publié qui puisse certifier de la sincérité et la confidentialité du vote. Or il y a des raisons de s'inquiéter. Interrogé par France Télévisions, le directeur de campagne de Bruno Le Maire a déclaré que l'expert s'était montré "plutôt rassurant", tandis que l'expert Bruno Bonnaure a répondu que son cabinet s'était "voulu rassurant car le dispositif répond à beaucoup de nos questions". Mais pas toutes ? 

Il y a encore trois semaines, c'est le cabinet Bureau Veritas qui devait se charger de l'audit de la solution de vote électronique. Mais il a préféré jeté l'éponge, en expliquant que les "délais très courts ne lui permettaient pas de conduire sérieusement cette expertise". En cause, notamment : des affrontements autour du refus de décompter les votes par fédération, qui aurait permis de mieux identifier d'éventuelles fraudes.

"Un tel dispositif nécessitant l'introduction de la fédération de rattachement des adhérents parmi les paramètres de génération des codes confidentiels des électeurs, il en résulterait un retard estimé à une semaine dans l'envoi du courrier communiquant lesdits codes à chaque adhérent", avait justifié la Haute autorité de l'Union. Il est toutefois étonnant que cette difficulté soit apparue si tardivement, alors que le choix de recourir aux services de Paragon Elections avait été fait dès l'été dernier.

(illustration : CC PhotoAtelier)


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