Pourquoi les ayants droit, d'ordinaire si prompts à se féliciter des moindres avancées dans leur lutte contre le piratage, n'ont-ils pas pipé mot sur la condamnation pourtant très attendue du premier internaute jugé par un tribunal, suite aux avertissements de l'Hadopi ? 

Ils ont critiqué l'absence de sanction pendant des mois. Ils ont râlé, pesté, fumé. Voilà qu'ils tiennent enfin leur premier condamné chèrement désiré, et rien. Pas un mot, pas une réaction. Que ce soit du côté de l'industrie musicale avec le SNEP, la SCPP ou l'UPFI, ou du côté de l'industrie du cinéma avec l'ALPA, l'ARP ou le SEVN, aucune organisation d'ayants droit ne s'est exprimée pour commenter la décision du tribunal de police de Belfort.

Comment réagir ? Que dire ? Tous doivent se poser la question.

Car la condamnation qu'ils ont enfin obtenue, après avoir payé une fortune la collecte de dizaines de millions d'adresses IP depuis trois ans, est probablement la pire qu'ils pouvaient espérer. Récapitulons :

  • Une amende de 150 euros… : loin d'être assez dissuasive. Combien d'internautes feront le calcul de ce qu'ils ont économisé en piratant ?
  • … pour deux chansons de Rihanna… : "tout ça pour ça ?". Déjà atteinte, la légitimité de l'Hadopi n'en sera que plus fragilisée, le premier abonné sur 22 millions qu'elle parvient à mener jusqu'au bourreau étant jugé pour un vol de carambar, sous les yeux effarés des voleurs de semi-remorques (si tant est que la métaphore soit judicieuse, et elle ne l'est pas, pardonnez-nous) ;
  • … que lui-même ne savait pas comment télécharger… : ce qui démontre bien que l'Hadopi n'atteint pas ceux qui piratent ;
  • … alors qu'il présente au tribunal la vraie coupable… : sa femme, ou bientôt ex-femme, est venue à la barre dire que c'était elle, la coupable qu'il fallait punir. En vain. Le mari doit payer pour la femme.
  • … qu'il aurait dû surveiller comme au siècle dernier : le juge, confronté aux aveux du mari, n'a pu que constater l'infraction. Puisque c'est le mari le titulaire de l'accès à internet, la loi l'obligeait à surveiller ce que sa femme faisait. Et puisqu'il ne l'a pas fait, il est condamné ! En matière d'accès à internet, lorsque c'est l'homme qui signe le contrat, la femme est sous tutelle. De quoi raviver de vieux souvenirs. Jusqu'en 1965, une femme ne pouvait pas obtenir d'emploi sans l'autorisation de son mari. Et jusqu'en 1975, le mari avait le droit de contrôler les correspondances de sa femme. Pour éviter qu'un conjoint se trouve dans l'obligation de surveiller l'utilisation que fait l'autre d'internet, il faudrait avoir la même règle avec l'accès à interne qu'avec les brosses à dents : chacun le siens !

Ce jeudi, il n'y a eu guère que Pascal Nègre, lequel voulait "foutre un coup dans la gueule" aux "trois autistes et cinq énervés" qui se retrouveraient ainsi devant un tribunal, pour réagir. Lui semble croire encore en la valeur d'exemple du jugement :

Le patron de la SACD, Pascal Rogard, s'est montré plus prudent pour justifier le silence des ayants droit :

Avant d'ajouter :

 

 

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