Ce matin, nous expliquions que le premier internaute averti par Hadopi condamné par un tribunal à 150 euros d'amende avait très certainement livré lui-même les preuves de sa culpabilité, par ses aveux au juge. "Il semble qu'en voulant se défendre, l'abonné a livré lui-même des éléments permettant de l'inculper", écrivions-nous. En effet, l'analyse juridique des éléments constitutifs de l'infraction de négligence caractérisée montre que la meilleure défense est le silence, puisqu'il est impossible de condamner un abonné sans obtenir d'aveux, en l'absence de preuve matérielle. Le défaut de sécurisation de l'accès à internet ne doit pas être présumé, il doit être démontré. 

Or, de façon surprenante, c'est l'Hadopi elle-même qui confirme notre pressentiment. "Au cours de l'audience, l'intéressé a reconnu les faits de non respect de son obligation de sécurisation, en précisant que c'était sa femme qui téléchargeait", a confié la Haute Autorité à TF1.

Si l'abonné n'avait pas fait intervenir son ex-femme à l'audience pour qu'elle reconnaisse qu'elle avait téléchargé des morceaux de Rihana, et qu'il n'avait rien entrepris pour l'en empêcher, le tribunal aurait probablement eu du mal à prouver l'infraction. Mais là, il a livré sur un plateau les éléments de sa propre culpabilité. 

On peut applaudir l'honnêteté, mais regretter la naïveté. 

Pour mémoire, Numerama a publié un guide Hadopi à destination des avocats. Rappelons ce que nous y écrivions notamment :

L'infraction de négligence caractérisée doit se démontrer par des faits objectifs. Elle punit le fait, soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de l'accès à internet utilisé pour pirater, soit d'avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen. Or, sauf à ce que l'abonné ait lui-même livré les clés de sa culpabilité lors de sa convocation devant l'Hadopi, le dossier ne comporte aucun élément matériel permettant de démontrer que l'accès n'a pas été sécurisé, ou qu'il l'a été sans diligence.  

Le dossier ne comprend que des preuves (contestables comme nous le disions au point 1) de contrefaçons, pas les preuves d'absence de sécurisation. Elle peut simplement être supposée, déduite, mais pas démontrée. Or la loi pénale est d'interprétation stricte, et le respect des droits de la défense impose de démontrer l'infraction, d'autant qu'il est matériellement impossible d'apporter la preuve que l'accès à internet avait été sécurisé au moment où les contrefaçons constatées ont eu lieu. On ne peut faire d'un simple indice une preuve irréfragable sans violer les droits de la défense.

C'est aujourd'hui confirmé.

(illustration : Goodwp)


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