Mercredi, les députés européens devront se prononcer sur le futur brevet unitaire, qui risque de considérablement élargir le nombre de brevets délivrés en Europe, et leur champ d’application.

Ce mercredi 4 juillet sera une journée extrêmement lourde pour la propriété intellectuelle en Europe. Alors que l’accord ACTA accapare toutes les attentions et devrait logiquement être rejeté en séance plénière du Parlement Européen, les eurodéputés devront aussi se prononcer le même jour sur le sort du brevet unitaire européen. Or ce texte a des conséquences beaucoup plus immédiates et concrètes, comme nous l’avions vu l’été dernier. Il fait notamment peser le risque d’un retour par la petite porte de la brevetabilité des logiciels.

Le texte prévoit en effet de confier à l’Office Européen des Brevets (OEB) de Munich, issu de la Convention sur le brevet européen (CBE) de 1977, le soin de délivrer des brevets unitaires valables dans tous les pays de l’Union Européen – exceptions faites de l’Italie et l’Espagne qui ont refusé de participer pour protester contre la non-reconnaissance de l’italien et de l’espagnol comme langue officiel de rédaction des brevets.

Or l’OEB est une institution indépendante de l’Union Européenne, qui ne respecte pas nécessairement le droit communautaire sur la protection des brevets. Pire, elle ne respecte même pas l’esprit de la CBE, qui exclut la protection des « programmes d’ordinateur » au titre des brevets, et délivre des brevets sur les logiciels en ayant une interprétation extensive de la convention.

Dimanche, le Conseil européen a validé (.pdf) le projet de brevet unitaire européen, avec un accord de compromis qui amplifie encore la méfiance des opposants.

Pour parvenir à cet accord, le Conseil a décidé tout d’abord que la Cour de Première Instance ayant juridiction sur les litiges liés aux brevets européens aura son siège à Paris, mais que deux sous-sections spécialisées seront créées ; l’une à Londres pour les questions liées notamment aux domaines chimiques et pharmaceutiques, l’autres à Munich pour les domaines d’ingénierie mécanique. Or, comme l’indique Lionel Allorge, président de l’April, « la cour unifiée serait composée de juges  » spécialisés  » sans appel ni recours à un tribunal indépendant« , et « un système de ce type – qui n’existe pour aucun autre droit en Europe – risque d’entraîner la mise en place d’une bulle dans laquelle un seul petit groupe de spécialistes des brevet serait à la fois juge et partie, au détriment de l’intérêt général et sans intervention de contrecpouvoirs« . Le fait de créer des sous-sections spécialisées ne fera que renforcer le risque.

Par ailleurs, et c’est la principale critique faite au Conseil, celui-ci demande que les articles 6 à 8 du Règlement de mise en oeuvre du brevet unitaire soient supprimés ; or il s’agit d’articles qui tentent de limiter les pouvoirs de l’OEB en matière d’interprétation de la brevetabilité et de la contrefaçon. L’article 8, en particulier, rappelle que le brevet unitaire européen ne confie pas de droits exclusifs sur les « actes accomplis dans le cadre privé et à des fins non commerciales« , ou sur les logiciels déjà protégés par le droit d’auteur.

L’Office Européen des Brevets aurait donc plus que jamais les mains libres pour délivrer toujours davantage de brevets, avec une réelle incitation financière à le faire (puisqu’il toucherait au moins 50 % des taxes versées par les titulaires des brevets délivrés), sans que l’Union Européenne n’ait plus de véritable contrôle sur sa politique d’incitation à l’innovation.


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