L’ATILD a reçu vendredi par virement une somme correspondant très exactement, à 43 centimes près, aux 8 743 euros que l’ancien webmaster de Wawa-Mania doit encore verser pour compléter sa caution de 20.000 euros, et éviter la ainsi détention provisoire. Ne souhaitant pas être complice d’une éventuelle opération de blanchiment d’argent, l’association qui avait sollicité l’aide financière des internautes a décidé de geler la somme, qui ne sera pas reversée à Zac, le destinataire du fonds de soutien. Le torchon brûle.

Dimitri Mader (aka « Zac »), l’ancien webmaster de Wawa-Mania, va-t-il éviter son placement en détention provisoire ? Véritable feuilleton, l’affaire prend une tournure inattendue qui pourrait faire se retourner nombre d’internautes, même les plus fidèles, contre lui.

Poursuivi en justice, le créateur du site d’échange de fichiers piratés s’était vu signifier en avril 2010 l’obligation de verser 20 000 euros de caution pour éviter d’être privé de liberté, en attendant son procès qui doit s’ouvrir l’an prochain. « Il assure qu’il n’a pas les moyens de payer la caution de 20.000 euros, malgré les bannières publicitaires qui apparaissent toujours sur le site, qui est extrêmement fréquenté. Il compterait en effet plus de 800.000 inscrits« , écrivions-nous alors pour marquer notre scepticisme.

Alors que le délai accordé par le juge d’instruction était initialement très court, puisqu’il n’allait que jusqu’au 7 mai, l’affaire a traîné en longueur. L’intégralité de la caution n’a pas encore été versée à ce jour, mais Zac est toujours libre de ses mouvements. Peut-être plus pour longtemps. Selon nos informations, le juge aurait récemment exigé que la somme soit versée d’ici la mi-septembre, ou le jeune homme sera écroué.

Par solidarité, de nombreux internautes sensibilisés par des opérations de communication avaient participé à l’alimentation d’un fonds de soutien orchestré par l’ATILD, l’Association pour le téléchargement sur Internet et la libre diffusion, qui semblait avoir été montée spécialement (ce qu’elle nie avec force). Le 3 juin 2010, grâce aux dons de ces soutiens, l’ATILD avait versé un chèque de 11 257,47 euros pour aider au paiement de la caution. Il restait donc 8 742,53 euros à réunir.

Or une source proche de la nouvelle équipe de l’ATILD, qui souhaite défendre l’honneur et la réputation de l’association, nous a communiqué un extrait du compte bancaire de l’association, qui démontre que 8 743 euros ont été reçus par virement le vendredi 20 août 2010. Le transfert a été opéré depuis un compte domicilié dans une agence de la banque Barclays à Port-Louis, la capitale de l’île Maurice. Un paradis fiscal idéal pour masquer certaines opérations.

Selon nos informations, la somme n’a pas été reversée à Dimitri Mader, et ne le sera pas. Notre source affirme que c’est Zac lui-même qui aurait transféré l’argent, contre l’avis de l’ATILD, dans le but de le « blanchir ». C’est ce qui aurait provoqué la décision de son président Aurélien Boch de mettre brutalement l’association en sommeil, avant d’en confier finalement les clés à d’autres membres.

N’ayant pas réussi mardi à contacter Zac ou son avocat, nous n’avons pas pu recueillir leurs explications et leur éventuel démenti.

Contacté ce soir par Numerama pour avoir ses explications, Aurélien Boch nous a en revanche confirmé cette version des faits, et apporté un éclairage inattendu. Alors qu’il avait extrêmement mal réagi à notre article du 1er juin 2010 où nous expliquions pourquoi nous refusions de prendre la défense de Wawa-Mania et de son créateur, l’ancien grand ami de Zac assure avoir été trompé et être tombé de haut.

Il s’est même rendu à la banque pour demander que le virement soit rejeté, nous précise-t-il. « J’avais honte, je me sentais coupable vis à vis des internautes à qui on a demandé de l’argent, quand j’ai découvert qu’une structure proche de Zac pouvait envoyer près de 9000 euros d’un coup« .

Pis, il se dit victime de menaces et affirme avoir peur pour son intégrité physique, depuis qu’il a refusé de rétrocéder les 8 743 euros reçus sur le compte de l’association.

Peut-on être à ce point naïf ? « On était amis, on se parlait 4 ou 5 heures par jour sur Skype, jamais je n’ai pensé qu’il pouvait faire ça« , se justifie Aurélien Boch, qui pourrait bientôt être convoqué par le juge en qualité de témoin assisté. « Je ne veux plus entendre parler de cette histoire« .

Pour mémoire, voici ce que nous écrivions sur Wawa-Mania le 1er juin 2010, dans un article largement commenté qui faisait suite à l’attaque DDOS subie par le blogueur Bluetouff. Il venait de dénoncer « l’organisation structurée de cyber délinquants » que serait Wawa-Mania :

Mais nous ne nous retrouvons pas dans le combat de l’ATILD et surtout pas dans son choix de défendre Wawa-Mania. Le site est un forum, un « board warez », où les membres s’échangent en toute conscience des fichiers piratés, qu’ils ont sélectionnés, décrits, hébergés sur différentes plateformes. Il est organisé par et pour les pirates, sans qu’il y ait là la moindre ambiguïté. Son créateur Zac gagne ou a gagné de l’argent avec Wawa-Mania, peu selon les uns, énormément selon les autres. Etant donné le volume du site (un peu moins de 100 millions de pages vues par mois), et notre expérience du marché publicitaire, nous pensons que la vérité se situe un peu entre les deux, mais que les gains ne sont certainement pas négligeables et dépassent largement les frais engendrés par sa gestion et son hébergement. Nous doutons très fortement qu’ils ne suffisent pas à verser les 20.000 euros nécessaires à sa caution.

(…)

Faire de Wawa-Mania le symbole de la lutte anti-Hadopi, en en faisant un martyr, c’est se tirer une balle dans le pied. C’est offrir aux médias et aux lobbys du droit d’auteur, et emballer dans un joli papier cadeau, un amalgame détestable entre ceux qui organisent la spoliation des créateurs à leur propre profit, et ceux qui se battent contre l’Hadopi pour tout ce qu’elle représente de violation des droits fondamentaux et d’anachronisme. A nos 10 bonnes raisons de combattre la loi Hadopi, nous aurions dû ajouter la mauvaise raison : défendre le piratage.

Se battre contre la loi Hadopi ça n’est pas, pour nous, se battre pour le piratage. C’est se battre pour une adaptation du droit d’auteur et de la rémunération des créateurs à l’ère numérique. Le piratage n’est qu’une conséquence de cette inadaptation. Ce n’est pas une finalité.

A suivre.


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