Sans surprise, le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) qui représente les majors du disque s’est fendu d’un communiqué pour contester la portée juridique de l’amendement voté mercredi par le Parlement Européen. Pour rappel, le texte voté dispose qu’aucune « restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement« .

Contrairement à la ministre de la Culture qui a nié en bloc le fait que l’amendement pouvait modifier quoi que ce soit à la mise en œuvre de la riposte graduée prévue dans son projet de loi Création et Internet, le SNEP reconnaît d’abord que le Parlement européen a voté « un amendement destiné à garantir aux internautes l’intervention du juge en cas de mesure visant à restreindre leur accès à Internet« . Le projet de loi, en l’état, ne prévoit de contrôle du juge qu’a posteriori, en cas d’appel ; la sanction étant prononcée non pas par le juge mais par une autorité administrative. Tel qu’il a été voté, l’amendement impose une intervention préalable de l’autorité judiciaire, ce qui sera sans doute le point d’achoppement des débats en seconde lecture.

Car comme Christine Albanel, le SNEP veut encore croire que « le texte voté n’a aucun caractère définitif« . Comme nous l’anticipions mercredi, le gouvernement veut tenter de faire sauter l’amendement à l’occasion de son renvoi au Conseil de l’union européenne, obligatoire dans le processus de codécision. A cet égard, le SNEP rappelle que « la Commission Européenne qui, au travers de Mme Redding, s’est montrée favorable au système de réponse graduée proposée par le projet de loi ‘Création et Internet’, puis le Conseil auront le dernier mot« . Juridiquement, c’est exact. Politiquement toutefois, de quelle légitimité pourrait arguer l’Union Européenne auprès des peuples européens si les organes exécutifs de l’Union font disparaître une disposition adoptée par les députés européens à une écrasante majorité proche de 85 % des voix ?

De plus, comme l’indique très justement le SNEP, « le texte en lui-même n’interdit pas un système de réponse graduée« . Il en change simplement les règles, en protégeant les droits les plus élémentaires des citoyens, à commencer par le droit à un procès équitable.

Donc si le SNEP reconnaît que le texte voté mercredi n’empêche pas la poursuite du projet de loi Création et Internet, et si Christine Albanel maintient que l’amendement « se borne à rappeler un principe général qui n’apporte rien au droit existant« , il n’y a aucune raison de s’agiter et de demander son retrait ou sa correction en deuxième lecture. Non ?


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