Une étude de l’Insee affirme que le cinéma américain profite davantage de la loi Hadopi et de sa riposte graduée que le cinéma français. Mais elle est contestée par les professionnels du cinéma, qui rappellent que les mécaniques de financement sont très complexes.

C’est un peu le troll du jour. En pleine remise du rapport annuel de l’Hadopi, BFM Business a publié le résultat d’une étude très fouillée (.pdf) réalisée par la Direction des Études et Synthèses Économiques de l’INSEE, présentée lors d’un colloque organisé par le ministère de la Culture. Elle conclut que « l’introduction de la loi Hadopi est associée à une augmentation de la part de marché des films américains de 9 % mais sans augmentation de la demande totale pour les films en salle ».

Plus précisément, comme le résume BFM Business, la riposte graduée « aurait fait gagner aux films américains de 15,4 à 20 millions d’entrées, et a fait perdre autant d’entrées aux films français ».

Pourquoi ? D’abord parce que les internautes qui téléchargeaient les films américains sur les réseaux P2P se sont mis à aller les voir au cinéma, ce qui serait une preuve d’efficacité de la riposte graduée. Mais ensuite parce qu’à budget constant dédié au cinéma, les spectateurs ont délaissé les films français récents qu’ils ne trouvaient déjà pas auparavant sur les réseaux P2P, et qu’ils allaient donc voir dans les salles obscures. Lorsqu’il faut arbitrer entre un blockbuster américain ou un film d’auteur français, c’est rarement Emma de Caunes qui l’emporte sur Bruce Willis.

Ainsi selon les auteurs de l’étude Christophe Bellégo (administrateur de l’Insee) et Romain de Nijs (Polytechnique), la riposte graduée « rétablit une allocation plus juste entre films américains et nationaux en fonction de leur valeur pour le consommateur ».

Le dernier slide de la présentation faite au colloque du ministère de la culture (.PDF)

Le dernier slide de la présentation faite au colloque du ministère de la culture (.PDF)

Ça ne me paraît pas très sérieux

Mais en conclure que la riposte graduée se fait « au détriment du cinéma français » est aller un peu vite en besogne. En tout cas selon les professionnels du secteur, qui continuent de demander de muscler la riposte graduée. « Si les gens piratent moins et vont au cinéma c’est une bonne nouvelle, quels que soient les films qu’ils vont voir », préfère ainsi nuancer l’Association des producteurs de cinéma (APC), « Le système français est ainsi fait qu’il bénéficie à l’ensemble du cinéma dans toute sa diversité. Le but de la Hadopi est d’emmener les gens dans les salles et si c’est le cas c’est une bonne nouvelle ».

[floating-quote float= »right »]La piraterie impacte d’abord l’édition DVD dominée par les États-Unis[/quote]

Sur chaque billet de cinéma vendu est en effet prélevé une taxe qui alimente le fonds de soutien au CNC, lequel permet de financer des productions françaises et européennes.

Pascal Rogard, le directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), partage cet avis. « Ça ne me paraît pas très sérieux, explique-t-il à Numerama. Ce qui est sur c’est que la piraterie diminue les recettes du CNC (centre national de la cinématographie, ndlr) et donc le financement du cinéma français  Donc sur ce plan là lutter contre la piraterie est positif pour le financement des films français et leur diversité ».

« Concernant les recettes commerciales, comme la piraterie impacte prioritairement l’édition de DVD et que ce marché est dominé par les États-Unis, la lutte contre la piraterie leur bénéficie plus qu’aux films français. Pas besoin d’études sophistiquées pour s’en apercevoir ».


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