« C’est magnifique. » Elise Lutz, 70 ans, et son compagnon, Harrie Dekkers, 67 ans, ont reçu les clés de leur nouvelle maison, comme le raconte le Guardian le 30 avril 2021. Une habitation de 94 m2 dont la forme de rocher peut surprendre. Sa vraie originalité ne réside cependant pas là, mais dans sa construction : cette maison de la banlieue d’Eindhoven a été imprimée en 3D par la société Saint-Gobain Weber Beamix.
Les projets de ce type se sont multipliés ces deux dernières années : la vallée de Coachella en Californie devrait prochainement accueillir 15 maisons qui seront imprimées en 3D par Mighty Buildings.
En Europe, quelques constructions ont déjà vu le jour comme cette maison à Valenciennes, ou cette habitation de deux étages en Belgique. Avec leurs dépliants publicitaires, les promoteurs des maisons imprimées en 3D réactivent nos doux rêves de maisons au design futuriste, et à la portée de toutes les bourses. Cette technologie pourrait-elle réellement bouleverser le marché du logement ? Pas si simple.
Construire des maisons moins chères, plus rapidement
Mighty Buildings, qui imprime en 3D des parties de la maison sur son site avant de les transporter, indique avoir réussi à automatiser 80 % de la construction et à réduire de 95 % le temps qu’elle requiert. C’est grâce à ça que la société parvient à construire une maison de 350 mètres carrés… en moins de 24 heures.
Ces techniques offrent également de la « flexibilité en termes de design (…) [avec l’impression 3D il] est possible de créer n’importe quelle forme de maison », précise dans un autre article de The Guardian, Bas Huysmans, responsable de Weber Benelux (Saint Gobain), à propos de la maison d’Elise et d’Harrie.
L’automatisation du processus de construction permet surtout de réduire les coûts de certains chantiers. En février, la société SQ4D a ainsi mis en vente à 299 000 dollars une maison de 140 m2 qui sera imprimée en 3D à Long Island. « C’est environ deux fois moins que les prix du marché » souligne CNBC. Mighty Buildings, quant à elle, commercialise ses habitations d’une pièce 115 000 dollars, et celles dotées de trois chambres jusqu’à 285 000 dollars.
La technologie ne règle pas tous les problèmes
L’impression 3D n’est néanmoins pas la solution à tous les problèmes de logements. Les prix de l’immobilier sont influencés par bien d’autres facteurs que le prix réel de la construction — si le prix du mètre carré moyen à Paris est à plus de 11 000 euros, par exemple, cela s’explique entre autres par les tensions existantes entre offre et demande.
La question du logement est une question avant tout citoyenne : l’impression 3D ne fera pas miraculeusement apparaître des maisons abordables dans la capitale. En revanche, de nouvelles politiques du logement (sur l’habitat social, sur la fiscalité, etc.) le pourraient. Interrogée par le New York Times sur l’impact que des applications immobilières plus innovantes pourraient avoir sur la situation des SDF, Clara Brenner, partenaire de The Urban Innovation Fund résumait d’ailleurs très bien le décalage entre les espoirs que nous mettons trop souvent dans la technologie, et la réalité de ce qu’elle peut faire : « Les gens espèrent qu’une startup va débarquer et régler tous les problèmes de logement. La vérité c’est que c’est nous qui avons collectivement créé ces problèmes, et qu’il va bien falloir que nous nous penchions dessus pour les régler.»
Pas adapté à toutes les constructions
L’impression 3D est du reste loin d’avoir fait ses preuves sur tout type de chantier. Pour l’heure, elle a surtout été utilisée pour construire des maisons. Et même dans ces cas de figure, « l’impression 3D n’est pas forcément pertinente pour construire l’ensemble des éléments d’une maison », rappelle Jean-Daniel Kuhn, directeur général de XtreeE dans Les Echos. «Si tous les murs et cloisons sont imprimés, vous rigidifiez le bâtiment, avec des cloisons qui ne sont pas amovibles, et cela consomme davantage de béton.» Il faudra également voir si cette technique convient aux bâtiments de plus grande taille — pour l’heure, peu d’immeubles ont été imprimés en 3D et il s’agit d’immeubles de petite taille.
Le dernier défi de l’impression 3D sera de prouver qu’elle a un intérêt sur le plan environnemental. Le problème numéro du secteur du bâtiment à l’heure actuelle est son énorme empreinte carbone — en France il est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Sur certains chantiers, l’impression 3D semble avoir permis une réduction intéressante du nombre de matériaux employés. Mais il sera indispensable à terme, d’évaluer cette technologie en comparant son bilan carbone complet à celui de chantiers similaires utilisant d’autres techniques de construction. Et si les promoteurs de l’impression 3D ne sont pas avares de jolies photos, ils ne se montrent, pour l’heure, guère diserts sur ce point.
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