Google Docs a été victime d’un bug mardi 31 octobre qui a entraîné le verrouillage de plusieurs documents, les rendant inaccessibles à leur propriétaire et aux personnes avec qui ils avaient été partagés. L’incident a été résolu depuis mais il a rappelé les limites du cloud.

C’est donc un bug qui a affecté le fonctionnement de Google Docs dans la journée du mardi 31 octobre. C’est ce qu’a fait savoir la firme de Mountain View dans un bref commentaire adressé à certaines rédactions, dont Motherboard. Selon l’entreprise américaine, il s’agissait d’une mise à jour qui a, à tort, signalé « un petit pourcentage » de fichiers hébergés sur le service de partage de documents.

Cette erreur technique a eu pour conséquence de bloquer automatiquement l’accès à certaines ressources mises en ligne sur les serveurs du géant américain. En France, le souci a notamment affecté des journalistes de BFM, RTL, et du groupe Mondadori, en charge de Closer, Télé Star et Télé Poche, d’après Antoine Bayet, le rédacteur en chef du pôle divertissement chez Mondadori.

Depuis, l’incident est clos.

« Un correctif est en place et tous les utilisateurs devraient avoir un accès complet à leurs documents », a en effet déclaré Google, en ajoutant que « la protection des utilisateurs contre les virus, les logiciels malveillants et autres contenus abusifs est essentielle à la sécurité des utilisateurs. Nous nous excusons de la perturbation et mettrons en place des processus pour éviter que cela ne se reproduise ».

Une piqûre de rappel

Anecdotique de prime abord, l’affaire a toutefois eu valeur de piqûre de rappel de ce qu’est véritablement le cloud, à savoir la décision de stocker ses fichiers — donc parfois privés ou confidentiels — sur un serveur appartenant à quelqu’un d’autre. C’est donc à ses règles que l’utilisateur doit accepter de se plier, sous peine de se voir interdire l’accès à certains documents ou même au service.

Ici, il ne s’agit pas de cela. Mais dans le cas de Google Docs, il faut rappeler que tout ne peut pas être mis en ligne.

Le règlement interdit de nombreux types de contenu, allant de la pornographie aux fichiers enfreignant le droit d’auteur, en passant par la violence et plus généralement tout ce qui peut enfreindre la loi. Et Google peut procéder à une analyse automatique des contenus pour vérifier que vous restez dans les clous, exactement comme sur Gmail (à la fois pour des raisons de sécurité et commerciales).

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CC David

Or, tout cela repose sur des filtres qui ne font pas toujours dans la nuance. « Le souci rencontré par Google Docs est le résultat inévitable du recours à des filtres automatisés pour déterminer si le contenu est abusif », a fait remarquer l’Electronic Frontier Foundation, une puissante organisation de défense des libertés individuelles dans l’espace numérique, dans un message publié sur Twitter.

Et l’EFF d’ajouter dans un autre message que « Google a accidentellement rappelé au monde que votre contenu dans le ‘nuage’ est en fait sur un serveur, scanné par des algorithmes ». Ce qui, dans un monde post-Snowden, doit être compris, c’est-à-dire avoir à l’esprit toutes les conséquences possibles de ce qu’un hébergement chez un tiers induit. Surtout s’il s’agit d’un grand groupe américain.

Cette utilisation, Antoine Bayet l’assume. À la suite de sa remarque sur les incidents de Google Docs, l’intéressé a reçu de très nombreuses réponses lui faisant la morale sur son utilisation du service de partage de documents du géant du net. « En gros, en court et en résumé, je vais au plus pratique, j’ai lu les conditions générales d’utilisation, et j’ai 1 000 moyens d’échanger des données sensibles », a-t-il fait savoir.

Un avis que partage aussi Pierre Beyssac, l’un des fondateurs de Gandi, un hébergeur web et bureau d’enregistrement de noms de domaine, qui se demande « comment quiconque aujourd’hui peut se passer d’outils tiers, sauf à écrire son système d’exploitation et gérer tout lui-même ». Pour le tout-venant, la commodité d’usage de certains outils l’emporte bien souvent sur d’autres considérations, pourtant très valables.

Une chose est sûre, l’affaire a pu pointer le risque de dépendance à un seul outil ou à un seul service. Outre le fait qu’il pointe « le problème d’outils tiers sur lesquels on a pas la main », l’avocat spécialiste des réseaux et ancien responsable des affaires réglementaires chez Free Alexandre Archambault note ainsi le problème de l’absence de solution de repli en cas de problème. « Une autre plaie des rédactions  »

En clair, il n’est jamais bon de mettre tous ses œufs dans le même panier. Et de n’avoir qu’un panier à disposition.


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