Google a annoncé qu’il cessera de scanner le courrier électronique de Gmail pour afficher de la publicité ciblée. Mais cela ne signifie ni la fin du scan des mails ni l’arrêt de la publicité ciblée.

C’est une déclaration qui n’est pas passée inaperçue ce week-end. Dans un message publié le 23 juin, Google a révélé à la surprise générale que l’analyse automatique du courrier électronique dans Gmail à des fins de publicité ciblée cessera d’ici la fin de l’année. Oui, vous avez bien lu : la firme de Mountain View, qui est pourtant fortement dépendante des revenus publicitaires, ne scannera plus les mails pour vous cibler en « annonce personnalisée ».

Que dit exactement Google ?

L’entreprise explique que le courrier électronique, dans le cadre de G Suite, n’est pas utilisé comme source pour cibler la publicité. C’est cette politique qu’elle a décidé d’appliquer sur l’ensemble de Gmail. « Le contenu utilisateur dans Gmail ne sera pas utilisé ou scanné pour la moindre publicité ciblée après ce changement », écrit-elle, ajoutant que « les publicités montrées sont basées sur les réglages des utilisateurs. Ces derniers peuvent les changer à n’importe quel moment ».

Le contenu dans Gmail ne sera plus utilisé ou scanné pour la moindre publicité ciblée

Évidemment, la décision de Google n’a pas manqué de susciter quelques réactions vu la place que la publicité occupe dans son chiffre d’affaires — 88 %. Mais il convient de ne pas faire preuve de naïveté : si elle peut être vue comme un pas dans la bonne direction, cette nouvelle politique du géant du web signifie surtout qu’il est désormais capable de puiser ailleurs des informations privées pour afficher de la publicité ciblée. Et l’on sait bien que Google a quantité de services et de produits sur le web.

Les annonces seront personnalisées « avec les informations glanées sur d’autres sources. Par exemple, Google collecte des données vous concernant en fonction des vidéos YouTube que vous regardez ou des recherches que vous faites », pointe CNN. Et la plateforme de vidéos n’est bien sûr pas la seule source dans laquelle peut puiser la compagnie. Et surtout, Google s’autorise depuis 2012 à croiser les informations à sa disposition, officiellement pour fournir une meilleure expérience en ligne.

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En clair, vous aurez toujours de la publicité ciblée dans Gmail. La seule différence, c’est qu’elle ne se basera plus sur votre courrier électronique, Google ayant suffisamment d’autres faisceaux à sa disposition pour savoir qui vous êtes et à quoi vous vous intéressez. En outre, si vous avez la possibilité de vous opposer à la publicité ciblée, en vous rendant dans les paramètres, vous ne pouvez pas stopper la collecte de données elle-même ni l’affichage de publicités génériques.

Par ailleurs, si Google ne scanne plus votre courrier électronique pour personnaliser ses réclames, le groupe va continuer à le scanner pour tout un tas de raisons.

D’abord, à des fins de sécurité afin d’empêcher au maximum que votre boîte de réception soit envahie par du spam, des tentatives de hameçonnage visant à vous dérober vos données personnelles ou des messages malveillants qui cherchent à infecter votre ordinateur. Ce filtrage automatique ne peut guère se faire sans regarder les mails et les pièces jointes. On se souvient par exemple qu’en 2014, Google avait signalé un usager qui avait envoyé des photos pédopornographiques par mail.

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Ensuite, parce que Google propose aussi des services qui se basent sur l’analyse de vos mails. Par exemple, l’application Google Agenda est capable de lire vos mails pour vous suggérer d’ajouter des évènements à votre calendrier, comme vos prochains voyages si vous avez reçu des billets d’avion électroniques ou bien une sortie au restaurant si une réservation est repérée. Le service peut aussi lire vos factures et puiser dans d’autres sources, comme la liste des contacts.

Une autre preuve que Google va continuer à scanner les mails est l’option « Smart Reply » : introduite fin 2015, elle génère des « réponses intelligentes » pré-déterminées en fonction de ce qui est analysé dans le contenu du mail. C’est la concrétisation d’une méthode se trouvant dans un brevet que Google a déposé en 2011. L’option a d’abord été déployée sur la boîte aux lettres intelligente de Google, Inbox pour Gmail, avant de prendre ses quartiers sur la version classique du webmail.

Des craintes « irrationnelles » pour l’un des cofondateurs de Google

Rappelons que dans les conditions d’utilisation du service, que les internautes sont censés avoir lues attentivement avant de les approuver au moment de l’inscription, il est dit que « nos systèmes automatisés analysent vos contenus (y compris les e-mails) afin de vous proposer des fonctionnalités pertinentes sur les produits, telles que des résultats de recherche personnalisés, des publicités sur mesure et la détection des spams et des logiciels malveillants. Cette analyse a lieu lors de l’envoi, de la réception et du stockage des contenus ».

Chez Google, les controverses autour de Gmail et de la capacité de Google à analyser automatiquement le courrier de ses utilisateurs ont parfois été accueillies avec incompréhension.

Le cofondateur de la firme de Mountain View, Sergey Brin, a par exemple dénoncé ces craintes comme étant « irrationnelles » peu de temps après la lancement de Gmail, en 2004, arguant que ce processus était similaire à la façon dont un logiciel anti-virus scanne les messages concernant les logiciels malveillants, rapporte le Financial Times, le journal expliquant que Google a longtemps balayé d’un revers de main ces inquiétudes, en refusant de leur accorder de la légitimité.

Le logo Gmail. // Source : Gmail / Google

Ces polémiques réapparaissent régulièrement, en fonction de l’actualité. Ainsi, Google a-t-il été de nouveau critiqué sur ce sujet en 2010. Trois ans plus tard, ce sont ses commentaires lors d’un procès qui avaient fait grand bruit :

« Tout comme l’expéditeur d’un courrier à un collègue ne peut être surpris que l’assistant de ce dernier l’ouvre à son intention, les personnes qui se servent aujourd’hui d’un service de messagerie en ligne ne peuvent être étonnés si leurs e-mails sont traités par le fournisseur du service utilisé par le destinataire. Une personne n’a aucune attente légitime en matière de vie privée [à avoir] dans les données qu’elle confie volontairement à des tiers ».

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