En 2016, si l’on voulait jouer sur PC, le choix était vite fait : Intel côté processeur, Nvidia côté carte graphique. En 2017, AMD tente de revenir dans la course : l’occasion pour nous de mettre une configuration typique à l’épreuve du feu.

Ma relation avec AMD est complexe. D’une part, je fais partie des gens qui disent encore ATI pour parler des cartes graphiques (je fais des efforts pour ne pas me tromper). Ensuite, j’ai connu la marque à l’époque où elle était encore désirable : dans la cour de récré du collège, dans le coin des nerds, on rêvait sur les Athlon qui pouvaient aller jusqu’à 1 Ghz.

Ensuite, côté carte graphique, j’ai longtemps été un ATI-boy : grosso-modo, j’ai connu aussi l’époque où ces cartes étaient bien moins chères que celles de Nvidia et explosaient le caméléon (je dis aussi « le caméléon » alors que le logo n’a plus grand-chose à voir) en termes de rapport performance / prix. Je me suis gravement attaché à la dernière ATI Radeon (une HD 6870) que j’ai achetée qui faisait encore tout à fait le travail jusqu’à récemment.

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Et puis j’ai vu déferler la vague de la concurrence. J’ai vu les configurations à base de AMD/ATI devenir complètement à la ramasse par rapport au duo Intel/Nvidia. J’ai vu le rachat de ATI par AMD, simplifiant le marché et sa compréhension : il n’y avait alors plus qu’une seule marque à éviter. J’ai vu la mention d’AMD déserter les configurations de CPC Hardware. J’ai vu la toute-puissance d’Intel qui a conduit l’entreprise à l’hybris et la mènera peut-être à des temps difficiles. J’ai vu celle de Nvidia qui a investi des millions de dollars dans la R&D pour conserver une belle avance tout en pivotant du jeu vidéo vers l’intelligence artificielle — de la recherche fondamentale à la voiture autonome.

Mais en août 2017, AMD revient sous les projecteurs après des années d’échec. 2017, c’est l’année des processeurs 1700 et 1800, l’année des Threadripper et l’année des cartes graphiques Vega. En d’autres termes, l’année où l’AMD réel devait rejoindre l’AMD du cœur. Verdict pour le joueur, après deux semaines sur une configuration entièrement tournée autour des nouveautés de l’année.

La configuration

Nous avons testé la nouvelle proposition AMD dans une configuration adaptée pour les joueurs — elle a été pensée pour profiter au maximum des dernières technologies d’affichage tout en étant la moins overkill possible.

Sur cette configuration, on arrive autour de 1 100 € sans compter les à-côtés (disque dur, SSD, alimentation…). Si le prix public conseillé de la Vega 64 est un jour pratiqué, elle pourra toucher les 1 000 €, ce qui est une cible souvent conseillée pour une configuration de joueur. Les packs, eux, devraient aider celles et ceux qui cherchent une configuration complète.

Source : AMD

Un pilote dans la tour

Sans plus attendre, nous nous sommes empressés de voir ce que cette configuration avait dans le ventre. Pour éviter de la ménager, nous l’avons branchée à un écran de 34 pouces défini en 3 440 x 1 440 pixels (UWQHD), pouvant monter jusqu’à 100 Hz niveau rafraîchissement et compatible — cela va de soi –, avec la technologie FreeSync d’AMD. Pour le dire vite, cette technologie va ajuster en temps réel la fréquence de l’écran pour la faire coller aux images par seconde envoyées par la carte graphique. Résultat, vous ne devriez plus jamais voir d’effet de déchirement quand vous jouez (notamment quand vous vous déplacez, vous ou votre curseur).

Bref, nous avons commencé par faire un petit tour dans l’utilitaire Crimson proposé depuis peu par AMD pour configurer les options graphiques. Il faut reconnaître que le constructeur a fait de gros efforts pour rendre son interface moderne. Tout est léché, épuré. On est loin des délires de néons de gamers ou des panneaux de configuration archaïque de Nvidia (hors GeForce Experience). Ce panneau de configuration permet tout à la fois d’obtenir des informations sur la carte graphique et d’ajuster des paramètres.

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C’est ici, par exemple, qu’il est possible d’activer FreeSync, de configurer des profils pour les ventilateurs et l’alimentation de la carte, d’ajuster certains paramètres graphiques qui pourront bypasser ceux des jeux (comme l’anticrénelage) ou encore, configurer des profils pour différentes activités. Tout n’est pas tout rose non plus : le côté épuré, bien maîtrisé, montre ses limites rapidement vu que l’interface ne permet pas de distinguer ce qui est une information de ce qui peut être cliqué et modifié. Tout est du même gris, ce qui fait qu’on tâtonne pas mal avant de prendre ses repères.

Plus gênant en revanche : on s’aperçoit que certaines choses ne fonctionnent pas vraiment bien. Nous n’avons jamais pu configurer une résolution personnalisée bloquée à 100 Hz, par exemple. Le service de presse d’AMD a fini par nous conseiller de régler cette donnée directement dans les options de Windows… et donc de repasser par des menus archaïques et planqués. Autant pour la centralisation. Cela étant dit, cela n’a pas gâché la bonne surprise d’un panneau de configuration pensé pour les humains et nous ne doutons pas que cette partie logicielle ne fera que s’améliorer.

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Commençons doucement par une partie d’Overwatch. Dès les menus, notre enthousiasme est balayé : l’écran ne cesse de scintiller. On trifouille un peu les paramètres du jeu et du driver en essayant plusieurs combinaisons et une seule finit par fonctionner, après de longues minutes de tests : FreeSync désactivé, synchronisation verticale activée en jeu et jeu en mode fenêtré sans bordure. Toute autre configuration est source de problèmes.

Une fois ces ajustements faits et le jeu passé en tout à fond, on se prend une belle claque : le jeu de Blizzard n’est pas un monstre, mais affiché sur une telle diagonale, à 100 FPS quasi constants sur un écran 100 Hz, c’est vraiment joli. Après la claque, on s’aperçoit assez vite que ce type de diagonale n’est pas vraiment fait pour un FPS, mais qu’importe : la configuration d’AMD permet cet extrême, elle s’en sortira sans aucun mal sur un écran moins exotique (au hasard, du QHD en 2 560 x 1440 pixels, plus répandu).

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Nous élevons un petit peu nos exigences et passons à Elite : Dangerous. Le jeu est sorti en 2014, mais sa beauté est infinie — surtout quand on peut se permettre de pousser tous les paramètres à fond. Le scintillement d’Overwatch n’est pas constaté en plein écran : ça tombe bien, on réactive donc toutes les options du driver et on lance une partie. Arrivé dans le hangar, le drame se produit de nouveau : les zones lumineuses scintillent, jouant une sorte de chorégraphie de boîte de nuit. Tant pis, pas le temps de niaiser, on décolle et on sort de la station.

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Le problème ne se répète pas à l’extérieur et nous ne souhaitons donc pas insister. Cela dit, à l’approche d’une autre station, un autre souci nous saute aux yeux : les contours des textures vibrent dès qu’ils sont lumineux. Vu que l’écran est grand et que vous pouvez voir l’intégralité d’une station spatiale dans votre champ de vision, vous verrez à un moment un grand ensemble de formes dont les contours vibrent, comme habités. Retour sur le driver, tentative de tweaks dans les paramètres… rien à faire. Chance, une mise à jour du pilote tombe pendant nos tests et corrige un problème qui semble lié (mais sans que notre écran ne soit mentionné).

Retour en jeu, c’est vrai que cela vibre moins, ce qui signifie que AMD est conscient de ses soucis et les corrige. Tant pis pour la perfection, nous décidons de faire abstraction de cela et nous nous lançons dans une petite exploration spatiale. Cette fois, la claque est bien réelle. L’écran y est pour beaucoup, mais la carte graphique encaisse sans aucun mal les décors à couper le souffle du jeu de Frontier Dev. On se balade dans le cosmos pendant de longues heures, sans le moindre ralentissement, sans la moindre déchirure d’écran. On se dit que ça y est, on a trouvé l’El Dorado pour s’adonner à notre passion vidéoludique la plus chronophage depuis World of Warcraft.

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Mais au-delà de la galaxie, un petit souffle nous distrait. On enlève alors notre casque pour entendre les ventilateurs de la carte cracher leurs poumons pour refroidir l’engin qui, à en croire les LED sur le côté, tourne à 100 % de sa capacité. À la sonde, la tour émet 50 décibels — c’est plus que les derniers ordinateurs portables de Nvidia en « MaxQ Design » proposés par les constructeurs. Une 1070 du même concurrent sait rester sagement silencieuse pendant de longues sessions du même jeu. On se console comme on peut en augmentant le volume du jeu…

On enchaîne ensuite des sessions plus courtes sur des jeux toujours plus clinquants : Doom, Wolfenstein : New Order, GTA V, Battlefield 1 (véritable claque)… ces brutes en mettent plein la vue et même à cette résolution un peu bâtarde, mais ô combien gourmande, la Vega 64 souffle, mais ne bronche pas. On la fait passer un instant sur PLAYERUNKNOWN’S BATTLEGROUNDS et, sans faire de miracle (ce jeu est optimisé avec les pieds), parvient à tenir les 50 fps constants après quelques concessions sur la distance d’affichage, les ombres et la végétation. Le simulateur de Battle Royal est un régal à cette définition qui vous donne même un avantage sur vos ennemis grâce au ratio ultra large vous permettant de tourner avantageusement autour de votre personnage. Bref, on s’amuse et on oublie la config : c’est le mieux qu’on puisse espérer d’un ordinateur, après tout, qu’il serve sans se manifester.

Encore un an ?

Le petit processeur d’AMD n’a jamais été embêté par ce que nous lui avons demandé. Certes, on est plus sur des applications demandant des ressources graphiques, mais c’est toujours bon à noter. En-dehors des jeux, la configuration est parfaitement silencieuse. Dans un bureau, vous entendrez plus n’importe quel bruit de fond ambiant que la tour. C’est un excellent point pour qui souhaite faire plus que du jeu sur sa configuration — on pense très rapidement à la démocratisation du télétravail.

Cela dit, cette expérience avec une configuration full AMD n’est pas encore suffisamment agréable pour nous réconcilier définitivement avec la marque.. Passé 16 ans, nous n’avons plus le temps de nous préoccuper de ce qui cloche dans un PC ou de bouger des paramètres pour arriver à un résultat optimal. Cette personnalisation qui nous excitait alors ado est une plaie aujourd’hui. Certes, la carte Vega 64 est capable de faire tourner tous vos jeux sans broncher dans des configurations capables de vous décrocher la mâchoire. Et pourtant, on s’est embêté déjà trop longtemps pour arriver à ces résultats.

AMD annonce des performances record en jeu

AMD annonce des performances record en jeu

Même constat sur la technologie FreeSync. Sur le papier, ce qu’elle propose nous enchante, mais en pratique, nous n’avons pas vraiment vu la différence en jeu. Activé ou désactivé, avec ou sans l’option V-Sync des titres, on n’a vraiment rien ressenti de différent en terme d’expérience, que la case soit cochée ou décochée. Le problème vient-il de la techno ou de notre installation ? Impossible à savoir : les pilotes et logiciels AMD ne savent pas donner une réponse à cette information. On a alors toujours l’impression de manquer un paramètre à activer qu’il faudrait passer de longues minutes à chercher sur des forums… très honnêtement, pas le temps.

Et si nous avons délibérément choisi de prendre un angle usage, incapables de rivaliser avec les benchmarks poussés de nos confrères, impossible de ne pas mentionner la position tarifaire actuelle de la Vega 64. En performances brutes, tous les tests ont montré que la carte faisait jeu égal avec la 1080 de Nvidia, pour une consommation électrique bien plus élevée et un bruit généré par les ventilateurs bien plus présent. On passerait sur tout cela si on parlait d’une carte moins chère, mais on parle d’un engin vendu aujourd’hui au même prix, si ce n’est plus cher.

La Vega 56, milieu de gamme d’AMD, semble être bien plus avantageuse

La Vega 56, milieu de gamme d’AMD, semble être bien plus avantageuse en termes de rapport performance / prix, se plaçant entre une 1070 et une 1080 du concurrent. À choisir, on la préfèrerait très nettement à la Vega 64.

Le tout, sans même évoquer GeForce Experience qui, au fond, fait ce qu’un joueur exigeant qui n’a pas le temps souhaite : lui épargner la configuration pour qu’il puisse se concentrer sur le jeu…

En conclusion, c’est avec un regret sincère, car nous aimons la saine concurrence, que nous ne pouvons vous conseiller de vous ruer sur une configuration Vega dès aujourd’hui. AMD sait faire d’excellents processeurs et des cartes graphiques capables du meilleur, mais qui manquent de réels avantages par rapport à l’offre de Nvidia — qu’il s’agisse du prix, du confort, de la consommation ou du bruit. Difficile, avec les deux options côte à côte, d’opter pour celle d’AMD, même si elle sait littéralement tout faire.

Et c’est peut-être cela qui nous fait nous dire qu’il reste encore un espoir pour que le constructeur revienne nettement dans la course : aujourd’hui, il n’est plus à la ramasse et peut se confronter au leader. Il lui reste à peaufiner sa copie pour transformer l’essai et proposer une génération de GPU à l’image de sa génération de CPU qui fait peur à Intel. Si l’investissement en R&D suit, on peut croire qu’AMD aura les armes pour y arriver.


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