Reputation Squad est une agence internationale de communication qui agit auprès de tous les publics quels que soient leurs lieux de conversation et qui s’est rendue experte dans son travail grâce à l’utilisation des nouvelles technologies (outils de veille, réalité virtuelle, optimisation des datas, etc.). Le pôle Chine de l’agence nous a proposé de partager ses connaissances avec nos lecteurs dans une série de portraits de dirigeantes et dirigeants chinois. Objectif : mieux connaître les entreprises et startups qui cartonnent en Asie et ne tarderont pas à se déployer dans le reste du monde.
Couteau suisse de la tech chinoise, Jia Yueting, a amassé une fortune de plus de 3 milliards de dollars américains grâce à sa vision et son goût pour le risque. À 44 ans, le fondateur de LeEco, un des plus puissants groupes technologiques asiatiques, se classe 37e sur le classement Forbes des plus riches Chinois en 2016. Aujourd’hui dans la tourmente à cause d’une stratégie d’expansion démesurée, Jia Yueting reste une des success-stories les plus fulgurantes de la tech chinoise.
Jia Yueting aime s’inspirer du style vestimentaire décontracté de Steve Jobs. Pourtant, il ne manque pas une occasion pour provoquer l’empire de la pomme, comparant le groupe à « Hitler » en mars 2015 et le jugeant « démodé » en avril 2016. Qui aime bien châtie bien.
Il se vante du succès florissant de sa propre entreprise Leshi Internet Information and Technology Corp., plus connue en Europe sous le nom de LeEco. Sous ses airs goguenards, Jia Yueting est à l’origine d’un écosystème global, gravitant autour de la production de vidéos.
Ce qui a débuté comme un simple service à la demande de vidéo, est aujourd’hui un empire, réunissant un catalogue de divertissement comparable à Netflix, et des équipements comme des téléphones mobiles, vélos connectés, ou encore un projet de voitures électriques et autonomes.
Ce Netflix est devenu un empire
Au volant de sa Jeep, pour affronter Goliath
L’histoire de Jia Yueting ne surprend plus les Chinois. Mais personne n’aurait pu prévoir que le jeune homme, originaire d’une famille de la classe moyenne de la province rurale du nord de la Chine, Shanxi, serait aujourd’hui une figure de proue de la tech chinoise.
Né en 1973, Jia Yueting est le benjamin d’une fratrie de trois. Contrairement à son frère et sa sœur aînés, diplômés d’universités chinoises prestigieuses, Jia Yueting a obtenu ses diplômes d’audit et de finance à l’université locale de Shanxi. Mais celui qui a passé ses vacances d’enfance dans une usine de sidérurgie, ne supporte ni la bureaucratie ni l’autorité, et quitte rapidement son premier emploi — dans la maintenance informatique dans un bureau des impôts locaux — pour créer sa première entreprise.
Cette première expérience entrepreneuriale dans le conseil technique permet au jeune homme de toucher à toutes les industries : construction, charbon, écoles de langues, restaurants, impression, câbles, transport, métal, immobilier, etc. Mais ce sont les télécommunications qui l’emportent. Il part pour Taiyuan, la capitale de la province du Shanxi et crée, en 2002, Shanxi Xi Bei Er Communication Technology Co. Ltd, consacrée entièrement aux infrastructures et solutions IT des opérateurs de télécommunication tels que China Telecom, le plus grand opérateur du pays.
Avec un fort prix d’entrée sur le marché, Jia Yueting prend des risques. « À l’époque, Jia a acheté une Jeep. Il roulait de quartier en quartier à Shanxi pour ses négociations. », se souviennent ses amis. En un an, il gagne 50 % des contrats des opérateurs locaux.
En un an, Yueting gagne 50 % des contrats des opérateurs locaux
Le succès de son entreprise pousse Jia Yueting à créer de nouvelles entités : il lance Xbell Union Communication Technology (Beijing) Co. Ltd. à Pékin en 2003 (entrée en bourse de Singapour en 2007). Deux fonds de commerce florissants dans deux villes différentes auraient été suffisants pour certains, mais pas pour Jia Yueting. Son déménagement à Beijing lui permet de rencontrer celui qui deviendra son plus précieux associé, Liu Hong. C’est Liu Hong qui le poussera à réfléchir au potentiel de la 3G, une option encore manquante en Chine. Ensemble, ils créent ce qui deviendra une affaire florissante, Leshi Internet Information and Technology Corp., en 2004.
À l’époque, Leshi (connu aussi sous le nom LeTV, puis de Le.com, avant de se fondre dans le groupe LeEco) est une des seules entreprises qui propose du streaming payant de séries télévisées et de films. Jia Yueting insiste dès le départ sur l’acquisition des droits d’auteur, à l’inverse de ses collaborateurs. La stratégie paye. Dès 2005, son service est une des 5 premières entreprises officiellement certifiées et autorisées à opérer dans le secteur par le gouvernement.
Homme à tout faire
LeTV se positionne ainsi sur le créneau des films et séries en haute qualité. Avec une entrée dans le hardware en 2013 avec de premiers téléviseurs, puis des smartphones en 2015, le groupe LeEco veut repousser les limites, comme en témoigne sa participation massive au capital de la start-up Faraday Future, tombée depuis en disgrâce, et qui voulait concurrencer Tesla dans le domaine des voitures électriques et autonomes.
En 2015, les premiers téléphones sont commercialisés via la filiale dédiée du groupe. La stratégie commerciale diffère de celle d’Apple. Au lieu de faire dépenser des sommes colossales aux consommateurs à l’achat d’un produit, le groupe LeEco pousse ses clients à investir dans ses contenus de divertissement en proposant des périphériques à bas prix. En devenant membres, les utilisateurs des périphériques débloquent des contenus inédits, des blockbusters hollywoodiens ou des séries télévisées spécialisées.
« Nous refusons d’être médiocres. Soit nous serons géniaux, ou nous mourrons. » — Jia Yueting
Pour développer des périphériques performants, Jia Yueting s’associe avec Terry Guo, le PDG de Foxconn (à l’origine des produits Apple). L’objectif est de créer un écosystème LeEco composé de hardware et de software, tous connectés entre eux : smartphones, téléviseurs connectés, vélos connectés, maisons connectées. L’ambition de Jia Yueting est grande : « Nous refusons d’être médiocres. Soit nous serons géniaux, ou nous mourrons ». Fidèle à ses valeurs, Jia Yueting s’est acharné à la tâche.
Entre 2004 et 2016, LeTV passe ainsi de startup qui diffuse des contenus vidéo de haute qualité à un groupe global à la pointe de la technologie et de l’innovation. Jia Yueting enchaîne les acquisitions et les partenariats dans des domaines multiples et internationaux. Pour lui, « LeEco n’est pas une entreprise chinoise, c’est une entreprise globale ».
Un empire instable
Un management peu soigné, des revenus bas et des dépenses trop élevées, et possiblement un mauvais calcul entre production et demande, amènent l’entreprise au bord de la faillite. Le modèle économique de LeEco souffre en effet de la disparité de profitabilité de ses branches : seul LeTV/Le.com, le service de streaming, est bénéficiaire. Pour éviter que l’entreprise ne coule, Jia Yueting a dû mettre en gage ses propres actions pour insuffler des liquidités dans les filiales. Il a également baissé son salaire annuel à 1 RMB (équivalent à 0,14 cent). L’obscurité de sa gestion financière a été critiquée par de nombreux entrepreneurs.
« Nous avons avancé sans réfléchir, nos besoins en liquidités ont explosé. Nous avons surdéveloppé notre propre stratégie, alors que notre capital et nos ressources étaient limités. », écrit Jia Yueting dans une lettre à ses employés en novembre 2016. Les premiers retards de paiement sont rendus publics, et certains fournisseurs démarrent des procédures de recouvrement. En avril 2017, l’acquisition prévue du constructeur de téléviseurs Vizio tombe à l’eau à cause de « vents contraires réglementaires ». En mai 2017, le couperet tombe : Jia Yueting démissionne de son poste de PDG de Le.com, remplacé par Liang Jung, un ancien de Lenovo. Le directeur financier est également remplacé. À la suite de cette annonce, des suppressions de poste ont également été annoncées, notamment aux États-Unis, où LeEco venait de s’implanter.
Malgré les déboires, il reste PDG du groupe LeEco. Comme Steve Jobs, Jia Yueting a toujours pu renaître de ses cendres. Il a transformé sa petite startup chinoise en un géant international valorisé à plusieurs milliards de dollars. Aujourd’hui, les enjeux business semblent se trouver dans la rue : « On considère la voiture comme un smartphone sur quatre roues, fondamentalement pas très différent d’un portable ou d’une tablette. On espère dépasser Tesla, et s’imposer comme le leader de l’industrie », expliquait déjà Jia Yueting en 2016. Elon Musk est prié d’attacher sa ceinture de sécurité.
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