Outils de signalement, travail de vérification assuré par différents journalistes, jeu vidéo pédagogique… ces derniers mois, de nombreuses mesures ont été déployées par différents acteurs internationaux pour lutter contre la désinformation qui sévit sur Internet. En France, la sénatrice Nathalie Goulet propose même de sanctionner pénalement les auteurs de tels contenus mensongers.
Désormais, le problème sera aussi traité par la News Integrity Initiative, un collectif doté d’un fonds de 14 millions de dollars lancé par différents investisseurs, dont Facebook, Mozilla, mais aussi le Craig Newmark Philanthropic Fund, la branche caritative fondée par le créateur du célèbre site de petites annonces Craigslist. Si la gestion du projet est assurée par l’école de journalisme CUNY, dont les locaux sont installés près de Times Square, à New York, sa portée reste internationale puisqu’on retrouve, parmi ses 19 contributeurs, des établissements en Colombie, aux Pays-bas, à Londres mais aussi à Paris avec l’École de journalisme de Science Po.
Le but ? « Aider les [internautes] à se faire un avis informé sur les articles qu’ils lisent et partagent en ligne. La mission de l’Initiative est de faire progresser la connaissance des médias et d’améliorer la confiance du public dans le monde entier en renforçant la qualité du débat sur cette question. » Campbell Brown, responsable des nouveaux partenariats au sein de Facebook, affirme pour sa part : « L’Initiative se penchera sur les problèmes de mauvaise information, de désinformation et sur les opportunités offertes par Internet pour alimenter le débat public par de nouveaux biais. »
Une stratégie de communication qui rappelle celle de Uber
Si le collectif reste assez flou, il évoque pour l’instant comme seules mesures concrètes le financement d’études et de projets sur le sujet comme l’organisation de rencontres internationales avec les spécialistes du milieu. Autant d’initiatives qui ne diffèrent pas véritablement des événements déjà organisés par les universités et dont on peut légitimement douter de l’efficacité réelle puisqu’elles se déroulent dans un milieu restreint, face à un public déjà sensibilisé au problème.
L’investissement apparaît surtout comme un moyen, pour les investisseurs concernés, de répondre aux critiques qu’on leur formule contre leur manque de réactivité face à la désinformation. Au premier plan, Facebook, qui peut ainsi se targuer de financer directement un projet contre ce fléau, en plus d’adopter des outils de lutte sur sa plateforme. Si la plateforme se défend d’être un média, les Américains sont en effet loin de partager ce point de vue : 44 % d’entre eux s’informent sur le réseau social, selon le Pew Research Center.
Cette stratégie de communication, loin d’être inédite, rappelle celle dont Uber s’est fait roi : créer un fonds à chaque polémique pour tenter d’apaiser les critiques tout en se présentant comme une entreprise qui prend les problèmes à bras le corps, alors qu’elle tente juste d’éteindre l’incendie par des dépenses importantes et un effet d’annonce. En Allemagne, l’important groupe de presse Axel Springer a ainsi refusé d’épauler Facebook dans son travail de vérification de l’actualité, estimant que cela outrepassait le rôle de ses journalistes.
Si la News Integrity Initiative doit encore prouver son efficacité sur le long terme, le vrai problème reste le fait que de nombreux internautes préfèrent volontairement rester dans leur bulle de filtrage, composée d’article orientés ou inexacts, qui les conforte dans leurs opinions et zones de confort, plutôt que d’être confrontés à la réalité — quand ils ne font tout simplement plus confiance aux journalistes.
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