Au Computex, Asus a étonné en présentant un petit robot mi-mignon mi-flippant. Loin d’être une lubie, Zenbo entend démocratiser la robotique de maison. Un pari risqué mais que la firme n’a pas peur de faire.

On ne pourra pas reprocher à Asus d’avoir évité l’originalité. Si on fait un retour en arrière et qu’on se rappelle de l’ère des EeePC, il faut reconnaître que le géant taïwanais avait vu juste en créant ce petit ordinateur portable à très bas prix. On se souvient des amphis et autres salles de classes qui se sont rapidement remplies de ceux qu’on appelaient alors les netbooks, des PC portables de 10 pouces qui coûtaient la plupart du temps moins de 400 euros et étaient parfaits pour les étudiants.

En prenant à rebours toute l’industrie de l’informatique mobile, Asus avait mis un ordinateur portable dans chaque cartable. Le marché du netbook s’est aujourd’hui affaissé, remplacé par des modèles un poil plus haut de gamme et des tablettes tactiles, mais il aura indéniablement laissé une trace dans l’histoire de l’informatique. La démocratisation d’un outil technique, voilà qui n’est pas anodin.

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Plus récemment, avec ses Transformer, le constructeur a été pionnier de ce qu’on appelle aujourd’hui les 2-en-1 qui tirent vers le haut le marché du PC mais a aussi enchaîné les produits farfelus adressés à des niches d’utilisateurs. On se souvient du FonePad, une sorte de smartphone à la taille d’une tablette, pas vraiment pratique à l’usage. Le point culminant de cette tendance aura été le PadFone, un smartphone qui se transformait en tablette, qui se transformait en laptop qui pouvait être utilisé avec un stylet… qui pouvait faire office de récepteur distant pour les appels.

Mais voilà, depuis, Asus a calmé le jeu en sortant de bons produits plutôt classiques, qu’il s’agisse d’hybrides, de laptops ou de smartphones. Pour Jonney Shih, le président aussi excentrique que génial de l’entreprise, il fallait pourtant trouver une nouvelle voie. Et au Computex, Asus nous l’a montrée : ce sera la robotique avec Zenbo.

Pas qu’une lubie

Et pour Jonney Shih, ce petit robot que nous vous avons déjà brièvement présenté est loin d’être une lubie. Le CEO en est gaga : il en a fait le clou de son show, l’animation principale de son stand et fait même ses interviews à la presse avec lui. Et pour cause : Shih voit dans Zenbo, peu ou prou, l’EeePC de la robotique. Pour lui, a-t-il affirmé lors de la conférence de presse présentant l’objet, le robot est aujourd’hui une sorte de fantasme qui reste hors de portée de la plupart des gens pour une bonne raison : il est beaucoup trop cher.

En proposant un robot complet, à la croisée d’un assistant de type Amazon Echo et d’un valet qui ressemble de loin au Buddy français à 599 dollars, Shih estime qu’il parviendra à lancer la robotique pour tous. Ce pas, Asus l’a fait en étonnant tout le monde : là où nous attendions un énième casque de réalité virtuelle tout cheap ou une série d’objets connectés qui disparaîtront aussi vite que les générations se succèderont, le Taïwanais a ouvert un marché qui n’existe presque pas aujourd’hui.

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Non que la robotique grand public ne soit pas existante, et nos nombreux reportages au salon InnoRobo nous disent bien le contraire, mais elle est aujourd’hui réservée à un niche d’utilisateurs qui ont souvent payé le prix fort pour avoir accès à des produits qui sont encore en phase de développement. Et c’est toute la subtilité du Zenbo : avec son robot, Asus ne veut pas révolutionner la robotique, mais bien le marché de la robotique. En somme, comme avec les EeePC, le constructeur veut que les foyers prennent l’habitude d’avoir un compagnon connecté qui déambule dans la maison.

Amazon, Google et, à en croire les rumeurs, Apple travaillent tous les trois sur des assistants fixes à placer au cœur de la maison. Asus a choisi de passer à l’étape suivante. Mais pour quoi faire ?

Un peu tout, parfois rien

Quand nous avons vu Zenbo la première fois lors de la conférence, notre jauge de scepticisme est immédiatement passée à l’écarlate. On s’est rappelé que, trop souvent, les constructeurs qui ont présenté des objets autonomes se sont contentés, pour faire bonne impression devant la presse, de pré-programmer leurs bidules finalement pas autonomes du tout. Mais sur le salon, Zenbo nous a prouvé qu’il était bien plus avancé qu’une simple démo technique de manière fort simple : en montrant ses limites.

Lorsqu’un journaliste a posé une question au robot et qu’il n’a pas compris ce qu’il lui demandait — ce qui s’est reproduit plusieurs fois, effet démo oblige –, nous avons eu la preuve que toutes les requêtes effectivement exécutée n’était pas qu’un show. Et c’est tant mieux, parce que le petit bonhomme en devient tout de suite plus impressionnant. Il est aujourd’hui capable, sur simple appel, de jouer de la musique sur votre système audio, de changer la chaîne de TV pour vous, de vous prendre en photo en groupe, de narrer des contes, de danser, de vous dicter une recette de cuisine, de faire une recherche sur le web, ou encore, d’aller déverrouiller une serrure connectée.

Nous avons hâte de voir si ce petit nouveau tient les promesses qu’il nous a faites au Computex

Ces interactions de base ne sont pas très complexes, mais Zenbo les exécute à merveille, sans la moindre difficulté. Il se déplace pour vous suivre, cadre ses photos comme un chef, sait vous assister aux fourneaux… bref, il ressemble à peu près à l’idée qu’on se fait d’un robot de science-fiction. Bien entendu, il lui manque des fonctionnalités avancées et peut-être un brin de réactivité, mais avec une telle mobilité et des interactions naturelles, on a l’impression d’avoir fait un premier pas dans un monde robotique jusqu’alors fermé. Mais encore limité dans la mesure où Zenbo ne fait pas le café et ne semble pas apporter une valeur ajoutée significative à notre existence.

Cela semble être uniquement le début : comme ses concurrents, Asus souhaite que Zenbo soit une plateforme. Le constructeur invite les développeurs de tous bords à développer de nouvelles fonctionnalités et de nouvelles applications pour multiplier les possibilités du petit robot. On va donc se retrouver dans la problématique bien connue de la base d’utilisateur et du contenu : il faut beaucoup d’utilisateurs pour que des développeurs aient un intérêt à développer sur une plateforme et il faut du contenu pour que la plateforme soit achetée.

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Toute la difficulté pour Asus sera donc de susciter de l’intérêt pour son robot et de mettre en avant ses arguments avant que les développeurs s’en emparent. L’avenir de ce secteur pour le Taïwanais risque donc de se jouer dans les premiers mois de commercialisation. Une chose semble pourtant acquise, et c’est le responsable d’Intel qui était invité lors du panel qui l’a lâchée dans une petite phrase révélatrice : d’autres déclinaisons du robot pourraient voir le jour.

Nous avons en tout cas vraiment hâte de voir si ce petit nouveau tient les promesses qu’il nous a faites au Computex.


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