Deux études parues simultanément détaillent une étape historique franchie par un projet de fusion nucléaire mené aux États-Unis.

« Une avancée historique pour la recherche sur la fusion », se réjouissait, en août 2021, le physicien Kim Budil. Ce dernier dirige le National Ignition Facility (NIF), où l’on trouve ce type de réacteurs surnommés « soleil artificiel ». Le terme désigne la fusion nucléaire, laquelle reproduit les réactions physiques qui ont bel et bien lieu au cœur des étoiles et qui sont source d’énergie.

Au NIF, le soleil artificiel de ce laboratoire américain a libéré 1,3 mégajoule d’énergie pendant 100 trillionièmes de seconde. Mais surtout, il a frôlé le seuil d’ignition, à 70 %, en générant un plasma — état de la matière extrêmement dense et chaud (une étoile comme notre Soleil est une « boule de plasma ») — produisant sa propre chaleur. Il s’agit, en clair, du seuil de rentabilité énergétique : le seuil à partir duquel la fusion peut provoquer au moins autant (et ensuite, davantage) d’énergie que l’énergie introduite initialement. Car les fusions qui ont lieu au sein du plasma contribuent alors à chauffer le plasma pour le maintenir dans cet état. Ce seuil est nécessaire pour envisager que la fusion nucléaire puisse un jour servir de source d’énergie « propre ».

Dans deux papiers publiés ce 26 janvier 2022, au sein de la revue Nature Physics (1, 2), les scientifiques du NIF détaillent le processus par lequel ils ont atteint cette étape déterminante. La publication des résultats va aider la recherche à avancer vers une construction toujours plus efficiente de réacteurs à fusion.

Représentation du mécanisme de fusion nucléaire par confinement inertiel. // Source : LLNL
Représentation du mécanisme de fusion nucléaire par confinement inertiel. // Source : LLNL

La chambre de fusion nucléaire doit être construite avec précision

Pour parvenir à ce résultat, le NIF a mobilisé l’un des lasers les plus puissants du monde. Plus précisément, ce sont 192 faisceaux laser qui ont été dirigés au même moment sur une capsule minuscule — autour d’un millimètre. Il s’agit d’un processus de fusion par « confinement inertiel ». Au sein de la capsule, on trouve une pastille de deux isotopes d’hydrogène — le premier, du deutérium, le second, du tritium. Les faisceaux laser ont provoqué la fusion des noyaux en chauffant la pastille, ce qui a généré un plasma d’hélium. Cette explosion est à l’origine de l’énergie obtenue.

Les ingénieurs ayant travaillé sur le projet expliquent, dans les études, combien la précision dans la conception de la capsule a tout changé. Chaque détail compte. La capsule qui contient la pastille (avec les isotopes) est de forme sphérique, construite en polycarbonate de haute densité. La capsule est placée dans une chambre creuse appelée hohlraum — un cylindre en uranium appauvri (à faible radioactivité, donc) et recouvert d’or.

C’est cette conception spécifique qui a rendu possible une diffusion bien plus optimale de l’énergie grâce à une réaction en chaîne millimétrée. Les « tirs » lasers étaient plus efficients au sein de la chambre creuse (le fameux hohlraum), permettant à la chaleur générée au sein de la capsule de s’étendre plus rapidement. La température atteinte était alors tellement élevée que la chaleur s’est encore plus diffusée.

Ces avancées offrent de sérieuses pistes, très encourageantes, mais la fusion nucléaire comme source fiable d’énergie, pour fournir de l’électricité, n’est pas pour demain. Il faudrait pulvériser plusieurs pastilles d’affilée chaque seconde pour obtenir une telle source grâce au confinement inertiel. Il demeure donc des défis logistiques à franchir.

Il existe d’autres techniques en développement sur la fusion nucléaire, qui font leurs propres avancées. Le « soleil artificiel » de la Chine, par exemple, qui ne fonctionne pas de la même façon, a récemment atteint un record à 120 millions de degrés.

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