Un projet de centrale solaire orbitale mené par Caltech s’est transformé en une première réussite : de l’énergie a pu être transmise entre les cellules photovoltaïques situées dans l’espace et une installation terrestre. Ce n’est qu’un début, mais prometteur.

L’énergie solaire fait face à un problème : l’intermittence énergétique. Les panneaux et fermes solaires fonctionnent surtout quand la lumière du Soleil est suffisante. Les scientifiques travaillent, depuis plusieurs décennies, à une solution prototypique encore très méconnue : les centrales solaires orbitales — ou l’énergie solaire spatiale (SBSP : space-based solar power).

L’avantage n’est pas difficile à anticiper, car, en l’occurrence, il n’y aurait plus la moindre intermittence, et la luminosité solaire totalement décuplée (environ 10 fois plus élevée sans notre atmosphère). Les panneaux solaires — qui prendraient la forme de satellites — collecteraient la lumière du Soleil en permanence. Aux États-Unis, une équipe de Caltech mène le Space Solar Power Project. Leur prototype, MAPLE (Microwave Array for Power-transfer Low-orbit Experiment), vient d’accomplir une première : la démonstration que la transmission sans fil d’énergie solaire depuis l’espace est possible. L’avancée a été détaillée par Caltech le 1er juin 2023, sur son site.

Les chercheurs et chercheuses sur le toit de Caltech, en train de réceptionner le signal provenant du satellite solaire. // Source : Caltech
Les chercheurs et chercheuses sur le toit de Caltech, en train de réceptionner le signal provenant du satellite solaire. // Source : Caltech

Deux ampoules LED allumées, une première

Le satellite prend la forme d’un petit appareil — le SSPD-1 — constitué de cellules photovoltaïques destinées à capter la lumière du Soleil et à le transformer en courant électrique.

Les cellules solaires sur le SSPD-1. // Source : Caltech
Les cellules solaires sur le SSPD-1. // Source : Caltech

Puis, toujours au sein de cet appareil, à 30 centimètres de distance du « panneau solaire » à proprement parler, on trouve l’ingrédient clé : MAPLE. Cette technologie est un réseau de transmetteurs — des puces électroniques en silicium — chargé de transformer à son tour cette énergie en micro-ondes (gigahertz) pour l’envoyer à des récepteurs éloignés.

Le boîtier MAPLE, qui permet de transmettre l'énergie captée par les cellules photovoltaïques. Il est situé à 30cm de ces cellules. // Source : Caltech
Le boîtier MAPLE, qui permet de transmettre l’énergie captée par les cellules photovoltaïques. Il est situé à 30cm de ces cellules. // Source : Caltech

L’appareil comprend une fenêtre ronde et, grâce à des ondes électromagnétiques de confinement, un rayon contenant cette énergie peut être tiré vers une cible précise.

Le boîtier MAPLE vu de près, qui contient de quoi transmettre en micro-ondes (gigahertz) l'énergie vers la Terre ou ailleurs. // Source : Caltech
Le boîtier MAPLE vu de près, qui contient de quoi transmettre en micro-ondes (gigahertz) l’énergie vers la Terre ou ailleurs. // Source : Caltech

Dans un premier temps, la technologie a été testée sur Terre, à courte distance. Puis, début 2023, MAPLE a été envoyé dans l’espace, à bord d’un cargo de Momentus Space. L’engin a été testé pour envoyer de l’énergie sous différentes directions : dans l’espace ; et de l’espace vers la Terre. « Les expériences que nous avons menées jusqu’à présent nous ont confirmé que MAPLE peut transmettre de l’énergie avec succès à des récepteurs dans l’espace », indique le chef du projet, Ali Hajimiri, sur le site de Caltech. « Nous avons également pu programmer le réseau pour qu’il dirige son énergie vers la Terre, ce que nous avons détecté ici au Caltech. »

Les récepteurs, installés au laboratoire de Caltech, sur le toit, ont ainsi pu allumer une paire de lampes LED. « Personne n’avait jamais démontré le transfert d’énergie sans fil depuis l’espace, même avec des structures rigides coûteuses. Nous le faisons avec des structures légères et flexibles et avec nos propres circuits intégrés. C’est une première », se réjouit Hajimiri.

« Une source d’énergie propre disponible en permanence »

Le SSPD-1 mesure 1 mètre cube lorsqu’il est replié pour être envoyé dans l’espace. Une fois déployé, il mesure 50 mètres de large de chaque côté. La taille et le poids sont d’immenses défis pour les projets de centrales solaires orbitales. Pour produire suffisamment d’énergie, ce type de panneaux doit, dans l’absolu, mesurer pas moins d’un kilomètre de large. La recherche technologique dans le domaine doit donc gérer une lourde question d’optimisation de l’espace.

« Un seul satellite solaire à l’envergure prévue [1 kilomètre] produirait environ 2 gigawatts d’énergie, soit l’équivalent d’une centrale nucléaire classique, capable d’alimenter plus d’un million de foyers. Il faudrait plus de six millions de panneaux solaires à la surface de la Terre pour produire la même quantité », indique l’Agence spatiale européenne sur une page dédiée à ce sujet.

En trouvant des solutions pour réduire le coût de lancement et pour optimiser le ratio entre la taille et l’électricité obtenue sur Terre, « le résultat final serait une source d’énergie propre disponible en permanence ». L’énergie pourrait même être envoyée vers la Lune, pour une station spatiale, ou au-delà. La première brique posée par Caltech n’est certes qu’un petit début, mais une porte ouverte, prometteuse, sur cet avenir.

« De la même manière que l’internet a démocratisé l’accès à l’information, nous espérons que le transfert d’énergie sans fil démocratisera l’accès à l’énergie », se projette en tout cas Hajimiri. Dans le futur, selon lui, « aucune infrastructure de transmission d’énergie ne sera nécessaire sur le terrain pour recevoir cette énergie. Cela signifie que nous pouvons envoyer de l’énergie aux régions éloignées et aux zones dévastées par la guerre ou les catastrophes naturelles. »

Fonctionnement classique d'une centrale solaire orbitale. // Source : Infographie de l'ESA
Fonctionnement classique d’une centrale solaire orbitale. // Source : Infographie de l’ESA

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