Développé par Double Fine Productions, Keeper nous propose d’incarner un phare (oui), accompagné d’un oiseau. Derrière ce pitch alambiqué se cache d’une expérience d’une douceur incroyable, portée par une direction artistique prodigieuse. Notre test.

Un phare, tout ce qu’il y a de plus phare, s’anime soudainement. Sa première action sera de se dandiner pour s’arracher de ses fondations solidement plantées dans le sol. Une fois cette difficile étape réalisée, au rythme des gravats qui tombent et s’amoncellent, les pas deviennent hésitants. Comment un phare habitué à une position figée depuis sa naissance pourrait-il être à l’aise avec une liberté totale ? D’ailleurs, comment un phare pourrait-il bouger, ou même avoir des expressions crédibles ? Et comment pourrait-il devenir ami avec un oiseau ? En réalité, on n’a cure de ces questions quand on se lance dans Keeper.

Keeper est un jeu vidéo qu’on pourrait qualifier d’OVNI. Il est développé par Double Fine Productions, studio de renom qui a brillé, il y a quelques années, avec Psychonauts 2. Avec ce concept fort — nous faire incarner un bâtiment connu pour diriger les bateaux à la nuit tombée — dans un univers un tantinet onirique, Double Fine Productions espère encore marquer les esprits, à sa façon. Et si Psychonauts 2 étonnait par son intelligence, Keeper accroche par sa beauté esthétique et ses animations dignes de Pixar.

Keeper est un jeu terriblement doux

Les développeurs de Double Fine Productions ont dû se retrousser les manches pour insuffler une « personnalité » à un phare, dépourvu en prime de la capacité de parler. C’est là où se crée le parallèle avec Pixar, maître dans l’art d’animer des objets et de leur donner un caractère « humain ». Pensez à la lampe de son logo, son aisance à bouger, et vous aurez une bonne idée de qu’est parvenu à accomplir Double Fine Productions pour rendre son phare terriblement attachant. Une réussite nourrie par des petits détails qui font mouche : là des petits tremblements qui font trébucher le phare, là une ampoule qui s’émancipe pour exprimer des expressions.

Tout est doux dans Keeper

En résulte un tour de force narratif d’autant plus grand que Double Fine Productions abandonne volontiers les bavardages qu’il affectionne tant. Le studio sort clairement de sa zone de confort, lui qui est habitué aux productions où ça parle beaucoup. Avec une imagination débordante, il a trouvé d’autres moyens de raconter son récit, en insufflant énormément de vie à Keeper. On s’en délecte de la première à la dernière minute, pour peu qu’on prenne le temps de bien tout observer.

Keeper // Source : Microsoft
Un bien drôle de volatile. // Source : Microsoft

Double Fine Productions a par ailleurs pensé à ne pas transformer son phare en un super phare, doté de compétences qui ne seraient pas crédibles. Il ne sait pas sauter, il n’est pas très agile et il ne saura pas se faufiler dans des espaces étroits (contrairement à l’oiseau qui l’accompagne). Son atout se résume au rayon lumineux qu’il projette, et peut concentrer pour brûler d’étranges malformations (ou donner naissance à des petites saynètes dans les environnements, par la magie de l’éclairage). L’étrange volatile, lui, pourra être envoyé pour interagir avec certains éléments (des manivelles, par exemple). En somme, c’est une alliance complémentaire, entre David et Goliath.

Par conséquent, tout est doux dans Keeper, nimbé dans une direction artistique à coupe le souffle. Appuyée par un rendu graphique ad hoc, elle donne vraiment envie de s’arrêter pour admirer, et diriger lentement et délicatement le rayon lumineux pour réveiller l’environnement, ou simplement en révéler tout sa beauté. Il y a un argument contemplatif certain, et on sent que les artistes de Double Fine Productions n’ont pas mis de limite à leur créativité. Le tout, sans que Keeper ne tombe dans une forme d’incohérence ou un gloubi-boulga sans saveur. Keeper est une succession de jolis tableaux prenant place sur une montagne matérialisant la poésie dans sa pureté et sa richesse.

Keeper // Source : Microsoft
Ça fait quoi, concrètement, un phare, quand ça se déplace ? // Source : Microsoft

L’habillage de douceur contamine bien évidemment le gameplay de Keeper, qui interdit toute forme de game over. Par conséquent, les interactions sont simples et les quelques puzzles loin d’être compliqués. Il y a quand même quelques idées surprenantes, comme la manipulation du temps qui agit à la fois sur les environnements et l’oiseau. Ainsi, en fonction du moment, il redeviendra un œuf ou passera à l’état de fantôme (sniff), deux formes qui répondront à des énigmes spécifiques (mécanisme de poids d’un côté, occasion de passer à travers des choses de l’autre). Néanmoins, en dépit de quelques élans de réflexion, Keeper reste une balade relaxante, qu’on apprécie plus pour son charme que pour son gameplay.

Le verdict

Si Pixar faisait un jeu vidéo, nul doute qu’il s’appellerait Keeper. En donnant littéralement vie à un phare, sans lui donner la parole, Double Fine Production accouche d’une aventure bienveillante et douce. L’expérience se révèle plus contemplative que ludique, mais on prend beaucoup de plaisir à admirer ses décors prodigieux, et prenant vie quand on les illumine. Keeper est un OVNI, en raison de sa proposition alambiquée, mais il fait du bien entre deux productions moins apaisantes pour l’esprit. Double Fine Production sort même de sa zone de confort, avec une narration qui se passe de dialogues. Si vous avez envie de vous évader le temps de quelques heures, vous savez à quoi jouer.
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