Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine le Copyright Madness revient sur une attaque contre le domaine public en Allemagne, une demande de marque autour du cannabis et un troll qui revendique un brevet sur la blockchain.…. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Pas sage comme une image. Plus on se rapproche du vote de la loi Création, plus cette loi tend à devenir une loi d’éditeurs. La dernière attaque est directement pilotée contre les moteurs de recherche d’images. Si cela passait, une taxe serait prélevée pour rémunérer les photographes dont les œuvres sont indexées par les moteurs de recherche. Mais à bien y regarder, les photographes ne seront pas directement rémunérés car une société de gestion de droits deviendrait, en tant qu’intermédiaire, chargée de collecter l’argent avant de le répartir. De plus, les photographes devront prouver auprès de cette société de gestion de droits qu’ils sont bien les auteurs des clichés. Là où les députés franchissent le Rubicon, c’est qu’à travers cette mesure, ils rendent les images publiées sous licence libre payantes en mettant en place cette nouvelle dime. On devrait rebaptiser cette loi, Loi Création… de rentes !

Goaaal ! On est en plein Euro de foot. Il fallait évidemment une petite dérive liée à cette compétition. Comme vous le savez, les chaînes de TV se sont partagées le gâteau pour diffuser les matchs en exclusivité. Sauf que certaines d’entre elles ont une conception du mot exclusivité un peu trop forte. Les spectateurs qui se situent en Alsace et qui regardent les chaînes allemandes ZDF, Das Erste et SWR ont eu une drôle de surprise en essayant de consulter les programmes TV de ces chaînes : ils doivent faire face à un blackout total pendant toute la durée de l’Euro. La raison de cette coupure ? c’est Numericable-SFR, qui diffuse ces chaînes en France et n’a pas le droit de diffuser les images du matchs retransmis par les chaînes outre-Rhin. Alors au lieu d’interdire simplement la diffusion les matchs, les chaînes leur ont demandé de bloquer la diffusion de l’ensemble des programmes ! Un peu radical pour protéger leur précieux…

Copyfraud. En Allemagne, Wikimedia a perdu un procès qui pourrait avoir de graves conséquences pour le domaine public. Un musée reprochait à la fondation d’héberger sur les serveurs de Wikipédia des photographies de tableaux issus de ses collections. Contre toute attente, le juge saisi de l’affaire a estimé que numériser des œuvres en 2 dimensions faisait bien renaître un copyright valable. Autant dire qu’il ne restera plus grand chose du domaine public sous forme numérique. Seule bonne nouvelle : vous êtes les auteurs des photocopies que vous réalisez !

Trademark Madness

Dur de la feuille. Avec la légalisation du cannabis aux États-Unis, on commence à voir arriver des dérapages de plus en plus… fumeux ! C’est encore le cas cette semaine avec une affaire impliquant le rappeur Snoop Dogg, qui souhaite profiter de la légalisation pour commercialiser une gamme de produits dérivés portant la marque «Leaf by Snoop » avec un logo représentant une feuille. Problème : une équipe de hockey s’appelle déjà les « Toronto Mapple Leafs » et il est vrai que la feuille de cannabis ressemble vaguement à une feuille d’érable… Il risque de ne pas en falloir plus pour qu’un contentieux s’allume. Faites tourner !

Let’s trademark. Certains trolls de la propriété intellectuelle ne manquent pas de toupet. C’est le cas par exemple de la société Comodo qui propose notamment des certificats de sécurité pour protéger les connexions sur un site via le protocole SSL. Comodo cherche à faire enregistrer la marque Let’s Encrypt. Cependant, Let’s Encrypt est déjà utilisé depuis plusieurs mois maintenant par l’Internet Security Research Group qui fournit des certificats de sécurité gratuitement. Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il ne s’agit pas d’une vile tentative pour tenter d’évincer un concurrent qui révolutionne le marché des certificats SSL/TLS.

Patent Madness

BlockChain. Il y a quelques semaines, un Australien du nom de Craig Wright a défrayé la chronique en affirmant être Satoshi Nakamoto, le fondateur du Bitcoin. Cette affirmation n’a pas été démontrée, mais il se trouve que le personnage est en train de déposer par paquets de dix des brevets autour de la technologie de la chaîne de blocs (Blockchain) qui sert d’infrastructure au Bitcoin. Des observateurs font remarquer que ces brevets ont l’air assez trollesques, car la technologie Blockchain a déjà été rendue publique et ne peut plus normalement être brevetée.

Synthétique. Des chercheurs américains ont lancé un projet visant à recréer des génomes humains synthétiques, « from scratch », et par séquençage à partir de molécules naturelles. Cette idée paraît déjà en elle-même assez inquiétante, mais il se trouve que ces scientifiques commencent à se demander s’ils ne vont pas aussi pouvoir déposer un brevet sur le génome ainsi produit artificiellement. Ce serait une manière détournée de ressusciter le vieux rêve (ou cauchemar, c’est selon) de brevet sur le génome humain que certains scientifiques caressent depuis des années…

Copyright Wisdom

Zeppelin. Jimmy Page et Robert Plant peuvent souffler ! Un juge américain les a blanchis du plagiat de la célèbre chanson Stairway to Heaven dans un procès qui aurait pu leur coûter des millions de dollars. Ils étaient attaqués par les descendants du guitariste du groupe Spirit, qui les accusaient de s’être lourdement inspirés de l’introduction du morceau Taurus. Il est vrai que Led Zeppelin est habitué de ce type daccusations. Mais ici, des experts en musicologie appelés à la barre ont témoigné que les deux morceaux utilisaient en fait une progression d’accords similaires, fréquente dans la musique depuis plus de 300 ans. Une issue qui démontre une fois de plus qu’Everything Is A Remix !

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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