Alors que la France a lancé son site internet Stop-Djihadisme en janvier dernier, le gouvernement de Grande-Bretagne a décidé d'ouvrir un compte Twitter directement adressé à l'Etat Islamique (EI), ou à ceux qui pourraient être tentés de rejoindre ses rangs. Ces initiatives, renforcée par une censure croissante des comptes Twitter utilisés par les organisations islamistes et leurs sympathisants (avec des méthodes parfois contestables), constituent autant de volets de la stratégie européenne consistant à mettre en place ce que la bienséance convient d'appeler un "contre-discours", ou ce que les historiens et militaires appellent une "contre-propagande" en temps de guerre.
Le compte britannique est appelé @UKAgainstISIL, c'est-à-dire "la Grande-Bretagne contre l'Etat Islamique". Il n'y a donc aucune recherche de subtilité, l'ennemi est clairement désigné comme tel, et le Foreign Office britannique explique bien son intention de fournir sur ce compte des "informations à jour sur le travail continuel du gouvernement UK pour vaincre l'EI".
Son premier message consiste à expliquer la stratégie britannique et à se vanter de ses résultats opérationnels. "Pour vaincre l'EI la Grande-Bretagne joue un rôle majeur dans la Coalition Globale", se félicite la vidéo publiée. "Nous supprimons militairement du territoire à l'EI. Nous coupons les finances de l'EI. Réduisons le nombre des combattants qui voyagent pour rejoindre l'EI. Et fournissons de l'aide humanitaire. Pour protéger les Britanniques chez eux nous avons déjoué des plans de terroristes liés à l'EI. Empêché des gens qui voulaient faire du mal de parvenir en Grande-Bretagne. Travaillé avec l'industrie d'Internet pour supprimer la propagande extrémiste. Et arrêté 203 personnes pour des délits liés au terrorisme en Syrie".
What is the UK doing to dismantle and destroy #ISIL? pic.twitter.com/1dCpbI2BBU
— UK Against ISIL (@UKAgainstISIL) 28 Août 2015
Le Guardian rappelle qu'en décembre 2013, les Etats-Unis ont eux aussi lancé un compte Twitter, "Think Again Turn Away" (réfléchis-y encore et fais demi-tour"), dont la directrice de la firme de renseignement SITE Intelligence Group avait critiqué l'initiative dans le TIME. Elle reprochait au compte de fournir des prétextes à réponses de la part des partisans de l'Etat Islamique, qui faisaient valoir leurs propres points de vue et contestaient, par exemple, le bilan d'opérations militaires.
Le fait que les djihadistes aient de moins en moins accès à Twitter sous la pression politique, au point que ses dirigeants sont désormais menacés de mort pour leur censure, limite ce risque de voir l'ennemi répliquer à la communication destinée, avant tout, à son propre camp.
Dans son livre Principes élémentaires de propagande de guerre, l'historienne Anne Morelli avait identifié 10 principes de base de toute communication officielle en période de conflit armé :
- Nous ne voulons pas la guerre ;
- Le camp adverse est le seul responsable de la guerre ;
- Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l'affreux de service ») ;
- C'est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers ;
- L'ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c'est involontairement ;
- L'ennemi utilise des armes non autorisées ;
- Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes ;
- Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause ,
- Notre cause a un caractère sacré ;
- Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres.
Sans doute au moins une partie de ces principes se retrouvent aujourd'hui dans la communication de l'Etat Islamique, et dans la communication de la Coalition. Cette dernière a néanmoins pour elle d'avoir un contrôle sur les médias sociaux utilisés par l'ennemi pour communiquer, ce qui lui offre un petit avantage. Un avantage évidemment très maigre face aux moyens par ailleurs inhumains mis en oeuvre par l'Etat Islamique lorsque, en particulier, il commandite des actions meurtrières contre les civils.
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